Malartic : des citoyens fatigués des consultations


Édition du 05 Décembre 2015

Malartic : des citoyens fatigués des consultations


Édition du 05 Décembre 2015

En septembre dernier, la Direction de santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue pressait la mine Canadian Malartic de considérer « le rachat et la relocalisation » comme des « solutions » aux problèmes des nuisances subis par la population de Malartic

Plus de quatre ans après l'entrée en production de la mine Canadian Malartic (MCM), la situation est devenue intenable pour nombre d'habitants de la zone sud de Malartic. Ils exigent que soit établi sans attendre un protocole d'acquisition de maisons, afin qu'ils d'avoir la chance de refaire leur vie ailleurs. La mine aurifère a plutôt lancé une nouvelle démarche de consultation, dans l'espoir de dégager des solutions durables au problème des nuisances, dont la poussière et les vibrations.

En septembre, la Direction de santé publique (DSP) de l'Abitibi-Témiscamingue pressait la MCM de considérer «le rachat et la relocalisation» comme des «solutions» aux problèmes des nuisances subis par la population de Malartic. Elle joignait ainsi sa voix au Comité de citoyens de la zone sud de la voie ferrée, qui réclame à grands cris que soit établi au plus vite un «protocole d'acquisition, de compensation et d'accommodement» afin que les citoyens les plus indisposés par la poussière et les vibrations de sautage ne soient plus forcés de vendre leur maison à perte.

Le comité représente les quelque 710 ménages des quartiers Centre, Est et Laval, particulièrement éprouvés par l'activité minière : les maisons les plus proches se trouvent à 150 mètres de la fosse. Comme Les Affaires a pu le constater sur place, la poussière y est telle que les habitants doivent garder leurs fenêtres fermées en tout temps.

«On vit dans un chantier de construction», dit Dave Lemire, résident de 35 ans du quartier Laval. «La MCM a eu plus de quatre ans pour se corriger, mais elle n'en a pas été capable. Alors maintenant, qu'elle assume.» La MCM a lancé sa production en avril 2011.

Les chiffres révélés par la DSP en septembre sont éloquents : pas moins du tiers des habitants de Malartic quitteraient purement et simplement la ville si la possibilité leur en était donnée. Pire : dans les quartiers Centre et Est du sud de la voie ferrée, plus de la moitié des résidents souhaite déménager. Par contre, plusieurs se demandent qui pourrait bien vouloir racheter une maison dans un tel environnement... et à quel prix.

Des compensations réclamées

Père de quatre enfants, Dave Lemire est l'un de ceux dont la patience a atteint ses limites. En 2014, il découvrait avec effroi que les poussières de minerai qui se déposaient sur sa propriété étaient fortement contaminées. Un an plus tard, rien n'a bougé. Il exige d'être relocalisé, dans une maison d'une valeur équivalente à la sienne lors de sa construction. «Moi, je veux m'en aller, dit-il, excédé. Je t'ai laissé ma ville, je suis prêt à tout te laisser. Je pars, mais dédommage-moi», dit-il comme s'il s'adressait à la minière.

C'est la même chose pour Hélène Daigle, native de Malartic, qui a mis sa maison en vente en mai, à 64 ans. «Je n'ai pas eu une seule visite, dit-elle. Il y en a qui ont donné leur maison, parce qu'ils ne pouvaient pas la vendre. Moi, ma maison, c'est ma retraite. Je ne suis pas pour la donner.» Le mari de Mme Daigle, un mineur à la retraite, souffre de problèmes pulmonaires. La poussière n'a rien pour l'aider.

Malgré les promesses de prospérité des partisans du projet, qui prédisaient la renaissance de Malartic, le début des travaux de construction de la MCM en 2009 n'a pas enrayé le déclin de la population, qui a perdu plus de 200 résidents entre 2006 et 2011, selon Statistique Canada. La ville compte maintenant moins de 3 300 personnes, selon le ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire, comparativement à 3 640 il y a 10 ans.

De son côté, la MCM s'en tient à sa démarche de «co-construction», un processus en quatre phases qui doit se poursuivre jusqu'à l'hiver 2016. La MCM n'est pas particulièrement pressée de discuter d'un protocole d'acquisition de maisons, elle qui en est tout juste à l'étape de recueillir les «solutions proposées» par les différentes parties. Lors d'un atelier tenu le 3 octobre, elle en a colligé 23, parmi lesquelles on retrouve l'«acquisition de maisons», une solution chère au comité de la zone sud. Mais la démarche vise beaucoup plus large que les seuls citoyens du sud de Malartic : ceux-ci ne représentaient que 46 des 122 participants.

La prochaine étape sera de mettre sur pied différents «comités de travail». On ignore encore quels membres en feront partie, si ce n'est qu'ils devront être des «représentants du milieu». L'un d'entre eux se penchera sur la rédaction d'un guide de bon voisinage, qui tiendra lieu et place de protocole d'acquisition. «Le guide de bon voisinage, c'est un protocole d'entente avec la communauté», assure Mélissa Desrochers, conseillère aux communications et relations communautaires à MCM. «Mais on n'utilise pas les mêmes termes.»

Le hic, c'est qu'on ne s'entend même pas sur la composition de cet éventuel comité de travail. La mine voudrait que toutes les parties aient leur mot à dire, notamment les élus et les citoyens de la zone nord de Malartic. Le comité de la zone sud craint de voir ses exigences diluées dans la masse, alors que c'est principalement à ses citoyens que s'adresserait un protocole d'acquisition.

Louis Trottier, porte-parole du comité, voit d'un mauvais oeil la mainmise de MCM sur le processus. Déjà, celle-ci s'oppose à ce que la Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine fasse partie du comité de travail, arguant que ses membres devraient tous être issus de la communauté.

Néanmoins, la MCM tient à garder le contrôle. «Les impacts et ce que fait la mine lui sont imputables, précise Mme Desrochers. Nous devons demeurer responsables de la suite des choses.» Elle estime que les discussions sur le comité de travail doivent inclure tous les représentants du milieu, et pas seulement ceux qui subissent le plus de conséquences. «Pour nous, le cas par cas, ça n'a pas fonctionné. C'est une question qui doit se régler ensemble pour ne pas créer de clivages dans la communauté.»

Le comité des citoyens n'y voit qu'une manière de gagner du temps en diluant le plus possible la question des relocalisations. On rappelle que la MCM a déposé une étude d'impact environnemental pour son projet d'expansion en février dernier. «Ils se préparent pour le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), qui devrait se pencher sur le projet d'expansion au printemps 2016», estime M. Trottier.

Les différentes parties tenteront de s'entendre sur la composition du comité de travail lors d'une rencontre prévue le 15 décembre.

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