La productivité, nouveau mantra de l'industrie minière en 2014


Édition du 30 Novembre 2013

La productivité, nouveau mantra de l'industrie minière en 2014


Édition du 30 Novembre 2013

Par Suzanne Dansereau

[Photo : Bloomberg]

L'année 2013 a été la pire de l'histoire récente pour l'industrie minière mondiale. S'il faut en croire les experts de Deloitte, 2014 ne sera guère mieux : les prix des métaux continueront d'être relativement bas et les coûts de production, élevés. Dans une étude à paraître ces jours-ci, dont Les Affaires a eu la primeur, Deloitte recommande aux sociétés d'innover sur tous les plans pour survivre à des bouleversements qu'elle qualifie de «sismiques».

«Les sociétés minières ne peuvent rien contre les grandes tendances économiques mondiales. Mais afin d'atténuer les risques endémiques de volatilité, elles doivent revoir leurs façons de faire et développer des approches innovantes tant dans leur gestion de risques internes - finances, développement des talents, sécurité - que dans la gestion de leurs risques externes : relations avec les populations, les gouvernements et les actionnaires», indique l'étude intitulée «À l'affût des tendances en 2014».

Ce volumineux rapport recense 10 tendances et des stratégies pour y faire face. En voici quatre :

LES COÛTS DE LA CONTRACTION

En 2013, les coûts en capital ont poursuivi leur escalade. Ouvrir une mine coûte deux fois plus cher qu'en 2007. Les coûts de l'énergie, qui peuvent représenter jusqu'à 60 % des coûts totaux, sont en hausse, de même que les coûts de main-d'oeuvre. Les coûts externes aussi. Les gouvernements qui autorisent les projets miniers veulent une plus grande partie de la tarte. En revanche, les prix des métaux que les minières produisent continuent de chuter. «Coûts élevés et bas prix sont la nouvelle norme», peut-on lire dans le rapport de Deloitte. Ce qui réduit la productivité de l'industrie. Une baisse qui est évaluée à 37 % au Canada et à 30 % en Australie.

Stratégie : augmenter la productivité

Au sommet du boom, les minières faisaient tout pour réaliser un projet. Puis, lorsque les prix ont commencé à chuter, elles se sont mises à faire des coupes que Deloitte qualifie de «réactives». Mais le risque est d'étouffer leur capacité de se relever lorsque la prospérité reviendra. Deloitte suggère maintenant aux minières de développer «une approche de gestion de réductions de coûts sur le long terme». Ce qui veut dire : développer de meilleurs outils d'analyse devant permettre de prendre de meilleures décisions sur où, quoi et comment couper. Elles doivent revoir leurs activités, pas de façon générale, mais en fonction de chaque projet.

En entrevue avec Les Affaires, Glenn Ives, président du conseil de Deloitte Canada, prédit qu'en 2014 «plus d'entreprises reverront leurs opérations pour produire moins, mais à de plus hautes teneurs». C'est notamment ce qui est envisagé chez Nunavik Nickel, dans le Nord-du-Québec.

«Il faut faire la différence entre la valeur d'un projet et le prix que le marché lui donne», explique-t-on dans le rapport de Deloitte. Les minières devront plus que jamais augmenter l'efficacité opérationnelle ; rationaliser leurs chaînes d'approvisionnement ; mieux mesurer leurs performances. «La productivité est le nouveau mantra dans le secteur minier», dit le rapport. Cette approche ne demandera rien de moins qu'un changement de culture d'entreprise.

UN MINERAI DE PLUS EN PLUS CHER À EXTRAIRE

Au fur et à mesure que les ressources s'épuisent, les compagnies minières doivent aller plus loin pour les trouver : creuser plus en profondeur, exploiter des gisements dans des régions de plus en plus éloignées. Cela augmente les coûts et les risques.

Stratégie : l'automatisation

Les minières devront davantage faire appel aux nouvelles technologies et aux meilleures pratiques déjà testées dans d'autres industries - comme l'automobile, le gaz et le pétrole - pour exploiter les mines à des coûts concurrentiels. L'automatisation doit se répandre, car elle permet des réductions de coûts et l'atténuation de risques. L'électrification et la quête d'énergies renouvelables sont d'autres solutions. «Les ajustements mineurs ne suffisent plus [...] pour assurer leur avantage concurrentiel, les sociétés doivent revoir leur système de production.»

DES EXIGENCES LOCALES QUI S'INTENSIFIENT

Les minières sont plus que jamais sous les projecteurs. Les médias, les médias sociaux, les autorités réglementaires, les ONG les surveillent. Les parties prenantes sont plus sophistiquées qu'avant et ont souvent des appuis extérieurs qui ajoutent une dimension politique aux relations entre la minière et la communauté.

Stratégie : augmenter le contenu local

Il ne suffit plus d'obéir à la réglementation pour obtenir l'acceptabilité sociale. Les minières doivent relever la barre pour devenir des modèles dans les communautés où elles sont actives, soutient Deloitte. Elles doivent augmenter leurs cibles de contenu local (fournisseurs, travailleurs, partenaires) afin de contribuer davantage au développement des communautés. «Travailler davantage avec les parties prenantes locales pour aligner les intérêts», suggère le rapport. Les minières doivent aussi faire plus d'efforts pour mieux connaître les réels acteurs qui tirent les ficelles de l'opposition à leurs projets.

DES RELATIONS GOUVERNEMENTALES MARQUÉES PAR UNE HOSTILITÉ CROISSANTE

Ce qu'on appelle le «nationalisme des ressources» ne se limite plus aux pays émergents et s'est répandu dans les compétences traditionnellement reconnues comme favorables au secteur minier. Expropriation, restrictions aux exportations, hausses d'impôt se multiplient. En guise de réponse, des minières suspendent leurs projets et se retirent de certaines régions : c'est ce qu'a fait cet été la minière canadienne Kinross en Équateur. Elle a annulé son projet aurifère Fruta del Norte après s'être vu imposer une taxe de 70 % sur les revenus.

Stratégie : redémarrer le dialogue

Dans leurs relations gouvernementales, les minières doivent mieux cibler les acteurs clés. Ces derniers ne se trouvent pas seulement à un palier de gouvernement. Elles voudront aussi éviter de se comporter en adversaires et mieux faire comprendre les complexités de leur industrie. Deloitte en appelle à un «redémarrage du dialogue». Les minières doivent offrir aux communautés des gains à long terme. Deloitte leur suggère aussi de créer des grappes de développement économique autour de leurs projets, qui comprendraient tous les fournisseurs locaux. Ces grappes pourraient contrecarrer l'opposition aux projets et réduire le nationalisme des ressources.

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