Comment les papetières se préparent à la fin du papier


Édition du 30 Juin 2018

Comment les papetières se préparent à la fin du papier


Édition du 30 Juin 2018

Par François Normand

Produits forestiers ­Résolu a diversifié ses activités afin de contrer le déclin du papier journal et d’autres produits comme le papier d’écriture. [Photo : Produits forestiers ­Résolu]

La demande mondiale de papier journal chute depuis des années en raison de la numérisation de l'information, enregistrant un recul de 5 % à 10 % par année en Amérique du Nord. Même si les producteurs de papier en pâtissent, ils diversifient tranquillement leurs activités afin de profiter de la croissance d'autres secteurs.

En 1989, la production mondiale de papier journal atteignait 30,1 millions de tonnes métriques, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). En 2016, elle n'était plus que de 23,9 millions de tonnes, un recul de 20 %. La dégringolade est encore plus prononcée en Amérique du Nord, selon la FAO. Sur la même période, la production y est passée de 15,2 à 4,8 millions de tonnes. Au Canada elle est tombée de 9,7 à 3,3 millions de tonnes. La diminution de la demande a eu un impact majeur sur l'industrie au Canada, qui demeure le premier pays producteur de papier journal au monde devant le Japon, la Chine, l'Allemagne et les États-Unis.

Des usines ont fermé et des emplois ont été perdus. Et l'actuel conflit commercial sur le papier journal avec les Américains - qui imposent des droits compensatoires et antidumping à des producteurs canadiens de papier journal - ne fait qu'empirer la crise.

La stratégie de Kruger

Malgré tout, les principaux producteurs de l'industrie au Québec réussissent à tenir le coup grâce à leur stratégie de diversification, souligne Pierre Vézina, directeur, Énergie, environnement et services au Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ). «Oui, le papier journal et d'autres types de papiers sont en déclin. À côté, toutefois, il y a d'autres types de papiers qui sont en croissance comme le carton et les papiers domestiques», dit-il, en donnant l'exemple de Kruger. À son usine de Trois-Rivières, l'entreprise a transformé la machine à papier numéro 10 en machine à carton, ce qui représente un investissement de 250 millions de dollars. Kruger a inauguré la machine reconstruite en octobre 2017. Elle lui permet de fabriquer du carton doublure haut de gamme 100 % recyclé. Ce projet a aussi permis de consolider 270 emplois à l'usine de Trois-Rivières. En 2017, Kruger a également annoncé la diversification de trois usines de papier au Québec, et ce, pour y fabriquer des papiers pour emballages écologiques et du papier couché pour l'impression numérique à jet d'encre. «Cela permet d'accéder à de nouveaux marchés plus prometteurs partout dans le monde», souligne Jean Majeau, vice-président principal, Affaires corporatives et communications.

La stratégie de Résolu

Produits forestiers Résolu, le plus important producteur de papier journal au monde (1,8 million de tonnes, soit environ 8 % de la production mondiale), a aussi diversifié ses activités afin de contrer le déclin du papier journal et d'autres produits comme le papier d'écriture. L'entreprise a huit installations en Amérique du Nord pour produire du papier journal, en incluant celle de Thorold, en Ontario, fermée pour une période indéterminée en mars 2017. La multinationale exporte son papier dans plus de 50 pays.

En mai, Résolu a investi plus de 52 M$ à son usine de pâte commerciale de Saint-Félicien, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cet investissement permettra d'accroître la productivité de l'usine, la qualité de la pâte, en plus de réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre. «Non seulement cet investissement nous permet de profiter d'un secteur en croissance, mais il nous permet aussi de consommer plus de copeaux auprès des scieries de la région», souligne Karl Blackburn, directeur principal, Affaires publiques et relations gouvernementales.

La pâte commerciale sert à produire du carton - un produit en forte demande à cause de l'explosion du commerce électronique et l'avènement des Amazon et eBay de ce monde -, mais aussi des produits comme le papier tissu ou des couches.

Résolu investit aussi beaucoup d'argent - de 5 M$ à 6 M$ par année - pour développer de nouveaux produits issus de la forêt tels que les biofilaments. «Dans certains produits, ils peuvent remplacer des fibres pétrolières, ce qui est donc plus écologique», affirme M. Blackburn.

La multinationale investit de même pour développer et commercialiser des biocarburants. En janvier, de concert avec FPInnovations, un organisme spécialisé dans la création de solutions scientifiques pour améliorer la compétitivité de l'industrie forestière au Canada, Résolu a annoncé un projet de 21 M$ pour créer des produits biochimiques dérivés du bois.

En 2017, Résolu a réalisé des revenus totaux de 3,5 milliards de dollars canadiens. Sa division papier journal a toutefois enregistré une perte de 23 M$.

Contrairement à Résolu, Kruger est une société à capital fermé et ne divulgue pas ses résultats. Il est donc impossible de les connaître.

Le producteur de papier journal White Birch, qui a trois usines au Québec (Rivière-du-Loup, Gatineau, Québec), n'a pas répondu à nos demandes d'entrevue pour ce reportage.

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