Comment Boisaco a sauvé Sacré-Coeur

Offert par Les Affaires


Édition du 20 Février 2016

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Édition du 20 Février 2016

Éric Gravel, surintendant qualité, Antoine Delsalle, technicien en géométique, Vincent Désy, superviseur, foresterie, et André Gilbert, directeur général de Boisaco.[Photo : Guillaume Roy]

Alors que plusieurs communautés forestières sont en déclin, le village de Sacré-Coeur, sur la Haute-Côte-Nord, qui compte 1 900 habitants, continue de se développer en transformant les sous-produits du sciage pour créer de la valeur ajoutée, un modèle de développement local des produits forestiers.

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Dans les années 1970, Sacré-Coeur offrait très peu d'emplois, mis à part en agriculture. Les villageois devaient s'expatrier pour travailler dans la construction ou sur les rares chantiers forestiers qui sont en activité l'automne et l'hiver. Trop pauvre, la communauté n'avait même pas les moyens de construire un aréna décent pour sa population, se souvient Guy Deschênes, un des visionnaires qui se sont mis à rêver de valoriser les produits de la forêt.

Les citoyens de Sacré-Coeur ont d'abord songé à une cartonnerie, qui s'est matérialisée à Cabano, avant qu'une usine de sciage, Samoco, entre en exploitation en 1975. Celle-ci a généré plus de 200 emplois, puis a fait faillite quelques années plus tard. L'histoire se répète lorsque les entreprises Rexfor et Produits forestiers Saguenay tentent de redémarrer l'usine à la fin des années 1970.

En 1985, deux coopératives de travailleurs, Unisaco et Cofor, prennent les choses en main en fondant Boisaco, une usine de sciage de résineux. Elles se joignent alors au groupe d'investissement Investra, formé de 421 actionnaires de Sacré-Coeur. Boisaco est aujourd'hui détenue par le holding Gesco, une propriété de Cofor, Unisaco, Investra et Desjardins Capital de risque, qui détient 13 % des parts depuis 2008. C'est Gesco qui investit avec les filiales du groupe.

Partenariats et synergies

Dès les premières années d'activité, Boisaco génère des profits ; et rapidement, les promoteurs veulent créer davantage de richesse, souligne Guy Deschênes, ancien président de Boisaco. Le plan consiste alors à valoriser les sous-produits du sciage (copeaux, sciures et planures) et à diversifier les activités directement sur le site industriel. «Même si on n'avait personne pour nous accompagner et développer le procédé de fabrication de panneaux de portes, on a foncé», explique Guy Deschênes. Il est aujourd'hui président de Sacopan, une usine de panneaux de portes inaugurée en 1999. Après avoir appris par essais et erreurs, les promoteurs concluent un partenariat avec le géant américain Masonite, en 2002, qui allait assurer l'avenir de l'usine en ouvrant de nouveaux marchés.

Utilisant des copeaux de résineux plus chers, mais de meilleure qualité, Sacopan, qui fabrique 9 millions de panneaux annuellement, détient une des usines les plus performantes du groupe Masonite, lequel compte 60 sites de production dans 12 pays et emploie plus de 9 500 personnes.

En plus d'envoyer 35 % des copeaux produits sur le site à Sacopan, Boisaco approvisionne directement deux autres entreprises sur le site du complexe industriel en sciures et en planures : Ripco, qui produit de la litière pour les chevaux, et Granulco, qui fait des granules de bois. Pour fonder chacune de ces entreprises, Boisaco a investi avec des partenaires clés, comme le Conseil de la Première Nation d'Essipit, la Société de développement économique de Sacré-Coeur et Produits forestier Ushkuai. Elle a pu ainsi réaliser des synergies locales et ouvrir de nouveaux marchés, par exemple en investissant avec Litière Royale pour développer le secteur de la litière pour chevaux.

Partager les frais

En plus de réduire leurs coûts de transport et de manutention, les entreprises présentes sur le site industriel profitent du tarif L d'Hydro-Québec pour les grandes entreprises, réduisant ainsi la facture énergétique de près de 50 %. De plus, toutes les coentreprises peuvent bénéficier de l'expertise et des équipements de maintenance de l'usine de sciage, diminuant ainsi les frais tout en améliorant la rapidité d'exécution de la maintenance.

La diversification des activités de Boisaco lui permet d'être mieux protégée contre les aléas du marché. Pendant la crise, en 2009, les promoteurs ont même investi 5 millions de dollars et embauché 15 personnes pour exploiter l'usine de granules.

Au fil du temps, Boisaco est devenue un pilier économique de la Haute-Côte-Nord en créant 564 emplois directs et indirects, soutient Marjolaine Gagnon, mairesse de Sacré-Coeur. Les taxes payées par les entreprises sur le site industriel comptent pour près de 30 % du budget de 3 M$ de la municipalité. Des montants qui ont aidé à payer un aréna municipal, la réfection du quai, la construction d'une maison de jeunes l'an dernier, ainsi que la mise sur pied d'une société de développement économique.

Des plans pour l'avenir

Près de 70 % des 60 000 T d'écorces sont déjà valorisées sur le site industriel pour chauffer les usines et sécher les produits. Une usine de cogénération de 9 mégawatts, financée entre autres par le producteur d'énergie Hydroméga et qui devrait voir le jour en 2018, viendrait utiliser les 30 % d'écorce restante ainsi que les écorces enfouies dans plusieurs sites appartenant à Boisaco.

Il reste à trouver un moyen de valoriser les 65 % de copeaux qui sont vendus à différents clients. «Un jour, on aimerait que tout le bois rond qui entre ici ne ressorte qu'en produit fini. C'est un beau rêve», indique Benjamin Dufour, directeur des opérations forestières de Boisaco.

Quelques chiffres

› 31 G$ : Les exportations canadiennes de produits forestiers ont atteint 31 milliards de dollars en 2014.

› 0,2 % : Superficie de forêt récoltée annuellement au Canada.

› 1/7 : Proportion des municipalités canadiennes dont la principale source de revenus est le secteur forestier.

› 171: Nombre de municipalités canadiennes où plus de 20 % de la population tire son gagne-pain de la forêt. Source : Statistique Canada

Résultats des entreprises œuvrant dans le secteur forestier au 3e trimestre 2015 (en dollars canadiens)

- 29,7 M$ Producteurs de l'Est du Canada

+ 52,3 M$ Producteurs de l'Ouest du Canada

+ 1,818 G$ Neuf plus gros producteurs américains

+ 1,285 G$ Dix plus gros producteurs européens

Source : PwC

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