Champion ­Iron: un levier sur le prix du fer


Édition du 14 Octobre 2017

Champion ­Iron: un levier sur le prix du fer


Édition du 14 Octobre 2017

Par Richard Guay

[Photo: 123.rf]

Lorsque le prix international du fer a chuté sous la barre des 50 $ US la tonne en 2016, plusieurs mines sont tombées en déficit. Le prix s'établit maintenant autour de 65 $ US la tonne, et quelques mines du Québec ont retrouvé le chemin de la rentabilité.

La mine du lac Bloom, dans la région de Fermont, fait partie de celles-là. Elle a cessé ses activités avec la déprime des prix, et Cliffs Natural Resources, qui y avait investi plus de 1,5 milliard de dollars (G $) en infrastructures, l'a vendue à rabais à Champion Iron (CIA, 1,01 $). Cette dernière veut la remettre en production.

En bref, la mine du lac Bloom est un gisement de fer dont le potentiel de production est de 7,4 millions de tonnes annuellement et dont l'espérance de vie, à cette cadence, est d'au moins 20 ans. Particularité : le minerai de fer qu'on pourra y produire est de qualité supérieure puisque sa concentration est de 66 %. Cela se compare avantageusement avec la norme internationale de 62 %.

La réouverture de la mine demandera des investissements d'environ 350 millions de dollars (M $) d'ici 2018. Un bon investissement ?

Si on en croit les dernières analyses, il n'y a pas de doute. Avec le prix actuel du fer et toutes les infrastructures qui sont en place pour l'exploitation et la livraison au port de Sept-Îles, une bonne rentabilité est envisageable. En fait, la mine du lac Bloom peut produire du minerai de fer et le faire livrer jusqu'en Chine à un coût de 55 $ US la tonne. En s'appuyant sur un prix du fer (62 %) à 68 $ US la tonne (et à 76 $ US la tonne pour une concentration supérieure à celle de la mine du lac Bloom), l'étude de faisabilité dévoilée aux investisseurs en août permet d'envisager un taux de rendement de plus de 33 %. Cela correspond à une valeur nette de la mine de 984 M $. Considérant qu'il y aura bientôt 409 millions d'actions de CIA en circulation (à la suite de l'émission qui est en cours), la valeur nette de la mine est de 1,52 $ par action de Champion Iron.

Or, l'action de Champion Iron s'échange actuellement à seulement 1,01 $. La valeur fondamentale de CIA est donc de 50 % supérieure à son prix en Bourse. Et c'est sans compter les autres propriétés que détient la société.

Il est vrai que, malgré un prix du fer qui remonte à 65 $ US, aucune autre propriété de CIA n'est encore rentable sur le plan de l'exploitation. C'est pourquoi aucune n'est en activité. Il sera rentable d'exploiter ces autres mines (qui couvrent un territoire de plus de 700 kilomètres carrés) seulement si le prix du fer poursuit sa hausse. Ce n'est pas ce que prévoient la majorité des analystes. Selon le consensus, le prix du fer a un potentiel à la hausse limité. La valeur de ces propriétés et celle des droits d'exploitation sont donc difficiles à évaluer. Toutefois, ces propriétés n'ont certainement pas une valeur nulle.

J'ai aussi refait l'évaluation de la mine avec un scénario plus pessimiste où le prix du fer est à 68 $ US (prix du fer du lac Bloom, et non le 62 %) en présumant que ce prix n'augmentera pas pour les prochains 21 ans. J'ai fait baisser la valeur en exigeant un rendement minimal pour les investisseurs de 12 % plutôt que de 8 % dans l'étude de faisabilité. Le résultat est une valeur de la mine à 0,94 $ par action de CIA. Dans ce scénario, le cours du titre de CIA, à 1,01 $, est à peine plus élevé que la valeur de la mine du lac Bloom, et ce, toujours en ignorant la valeur de toute autre propriété de CIA.

Autre volet intéressant du projet : les partenaires

Champion s'est associée à des partenaires très solides pour la réouverture de la mine. Celle-ci est détenue en copropriété par CIA (à 63 %) et par Ressources Québec (37 %), qui financent conjointement sous forme de capital-actions sa remise en production. En plus, Ressources Québec détient environ 10 % des actions de CIA. S'ajoute le fait que la Caissse de dépôt et placement du Québec a autorisé un prêt de 100 M $ US afin de financer la réouverture. Ce sont des investisseurs à long terme qui peuvent supporter la volatilité à court terme du prix du fer.

Sur le plan de l'expertise minière, on compte parmi les principaux investisseurs Glencore International, une entreprise suisse dont l'expertise couvre tout le cycle, de la production jusqu'au transport, en passant par le financement.

Évidemment, la valeur de CIA est liée au prix du minerai de fer, qui est difficile à prévoir. Certains analystes anticipent une offre excédentaire qui limitera le potentiel à la hausse pendant encore plusieurs années. D'autres croient que la récente décision du gouvernement chinois de fermer ses usines les plus polluantes réduira l'offre, ce qui aura pour effet de stimuler le prix.

Un aspect intéressant est que le coût de production et de livraison en Chine de Bloom Lake, à 55 $ US la tonne, est inférieur à la majorité des prévisions des spécialistes pour les prochaines années.

Le titre de Champion à 1,01 $ est donc tentant, mais risqué. Si le prix du fer (concentration de 62 %) recule à moins de 50 $ US, la valeur d'exploitation de la mine deviendra nulle et la valeur de CIA chutera. À l'inverse, si le prix du fer remonte et se maintient à 90 $ US, son sommet de 2017, la valeur de l'action de CIA dépassera 3 $, puis augmentera encore, car les autres propriétés minières de CIA deviendront rentables et leur valeur s'accroîtra aussi de beaucoup.

Un achat d'actions de Champion est en quelque sorte un investissement à levier sur le prix du minerai de fer. Si le prix du fer recule à 50 $ US pour longtemps, la baisse du prix de CIA sera abyssale. Par contre, pour les investisseurs qui croient que le prix du fer va se maintenir autour de 65-70 $ US ou même dépasser ce niveau au cours des prochaines années, CIA à 1,01 $ est un investissement très intéressant. Et dans le scénario très optimiste où le prix remonte de nouveau à 90 $ US et s'y maintient, le titre de CIA triplera de valeur.

Biographie
Richard Guay est professeur titulaire en finance à l'ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

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