«Nous voulons sauver le journalisme grâce à la blockchain et à la cryptomonnaie»


Édition du 15 Septembre 2018

«Nous voulons sauver le journalisme grâce à la blockchain et à la cryptomonnaie»


Édition du 15 Septembre 2018

Par Diane Bérard

Matt Coolidge, cofondateur, The Civil Media Company

Matt Coolidge est cofondateur de la plateforme Civil Media Company. Les publications seront encadrées par une communauté de détenteurs de cryptomonnaie, utilisée pour récompenser les journalistes ou éjecter les publications. M. Coolidge est conférencier au Sommet québécois des médias Infopresse, à la mi-septembre.

Diane Bérard - Qu'est-ce que The Civil Media Company ?

Matt Coolidge - C'est une plateforme qui s'appuie sur la technologie de chaîne de blocs (blockchain) et la cryptomonnaie pour créer un nouveau modèle d'entreprise en journalisme. Mais nous ne sommes pas un éditeur. Notre plateforme accueille des publications indépendantes et leur permet un lien direct avec les lecteurs. Ces derniers deviennent les juges de la qualité de l'information. Ils peuvent récompenser ou remettre en question la présence d'une publication s'ils estiment qu'elle ne respecte pas le code d'éthique, «The Constitution», que Civil s'est donné.

D.B. - Le 18 septembre, vous mettrez en vente 34 M$ de votre monnaie (CVL token). Elle est destinée au public, pas aux investisseurs. Expliquez-nous son rôle dans votre stratégie.

M.C. - Nous sommes habitués à la cryptomonnaie spéculative. Nos acheteurs potentiels, eux, seront soumis à un questionnaire pour établir leur motivation. Le CVL servira en milieu clos pour les transactions et les interactions entre les lecteurs et les publications. L'argent transitera entre le portefeuille électronique des uns et des autres. Ainsi, les journalistes captureront 100 % de la valeur de ces transactions, sans aucuns frais retenus par un tiers, comme une institution financière. Notre modèle s'appuie sur le trio journaliste-publication-lecteurs.

D.B. - Le CVL remplace-t-il les habituels frais d'abonnement aux publications ?

M.C. - Non, chaque publication demeure indépendante. Elle reposera sur le modèle d'entreprise de son choix : abonnement, publicité, etc. Le CVL sert plutôt à répartir l'imputabilité des publications envers un journalisme de qualité entre un grand groupe de citoyens plutôt que de la restreindre à un petit groupe de patrons de presse et à leurs actionnaires. Ainsi, si un lecteur estime qu'une publication ne respecte pas l'éthique que Civil s'est fixée, il utilise ses CVL pour la remettre en question. Si un nombre suffisant de détenteurs de CVL sont d'accord avec lui, la publication peut être retirée du site. Dans ce cas, les CVL sont rendus à ceux qui les ont misés. Si les détracteurs ne sont pas appuyés, ils perdent leurs CVL. Une publication peut faire appel. Nous avons un comité de 15 experts qui évalueront le dossier. Les détenteurs de CVL sont aussi sollicités lorsqu'une publication postule pour joindre la plateforme. Ils ont deux semaines pour remettre en question une candidature. Encore une fois, ils doivent le faire en utilisant leur cryptomonnaie. J'ajouterai que nous avons fixé une valeur maximale de CVL qu'un acheteur peut acquérir, pour éviter tout détournement du processus démocratique par un individu ou un groupe d'individus.

D.B. - Le CVL peut servir à donner un pourboire aux journalistes. Expliquez-nous.

M.C. - Nous pouvons établir une comparaison avec les services de transport partagé. Bien que vous ayez déjà payé votre déplacement par la plateforme, il peut arriver que vous souhaitiez offrir un pourboire au conducteur pour souligner la qualité de sa prestation. Nous croyons que les journalistes devraient avoir accès à ce service. Surtout dans un contexte où de nombreuses communautés se trouvent dans un désert d'information, forcées de s'abreuver à des sources nationales. Notre plateforme vise, entre autres, le retour des publications locales et régionales. On peut donc imaginer un désir des lecteurs d'encourager directement celles-ci, car elles les touchent personnellement.

D.B. - Les publications qui souhaitent joindre votre plateforme seront soumises à l'approbation des détenteurs de CVL. Mais les 14 premières qui sont hébergées ont suivi un chemin différent. Quel est-il ?

M.C. - Nous avons sélectionné ces 14 publications nous-mêmes. Nous avons approché des journalistes de grand talent, nous leur avons présenté notre modèle et nous les avons invités à lancer leur publication. C'est l'histoire du Colorado Sun, formé d'ex-journalistes du Denver Post spécialisés en journalisme d'enquête. Nous avons investi dans ces 14 publications pour leur permettre de décoller. Les prochaines publications qui joindront notre plateforme ne seront pas financées. Mais elles auront accès aux outils et aux applications que nous développerons pour les aider à assurer leur pérennité.

D.B. - D'où viendront vos revenus ?

M.C. - Notre structure comporte trois organisations. Civil Foundation est un OBNL qui entretient les liens avec la communauté de lecteurs et qui s'assure du respect de la mission par le code d'éthique. Civil Labs développe des logiciels et des applications pour l'écosystème The Civil Media. Nous allons créer notre propre «App Store». Ces applications seront aussi accessibles aux médias externes, à condition qu'ils respectent nos standards d'éthique. Civil Studio va investir dans des projets d'envergure (baladodiffusions, documentaires, grands reportages), un peu à la Netflix.

D.B. - En août, vous avez annoncé un partenariat avec l'agence Associated Press. De quoi s'agit-il ?

M.C. - Notre partenariat comporte deux parties. D'abord, l'Associated Press (AP) octroiera des licences de contenus à toutes les publications de la plateforme qui le désirent. Ensuite, l'AP et Civil collaboreront pour développer des outils qui reposent sur la technologie blockchain pour aider les publications à retrouver le flux de leur contenu et à s'assurer que les droits d'auteurs et de licences sont respectés.

D.B. - L'idée d'utiliser une plateforme n'est pas nouvelle. D'autres médias ont leur plateforme ou en utilisent...

M.C. - En effet, mais ce sont principalement des sociétés individuelles. On voit peu de plateformes regroupant plusieurs médias indépendants. Quant à celles que les médias utilisent pour promouvoir leur contenu, elles n'ont pas été créées pour servir le journalisme...

D.B. - Parlons un peu de Facebook...

M.C. - Civil est le contraire de Facebook. Facebook attire des internautes avec du contenu, capture leurs infos personnelles et les revend. Ce n'est pas une plateforme de journalisme. Elle ne le sera jamais parce qu'elle n'a pas été conçue ainsi. Il faut trouver autre chose afin que ce que reçoivent les journalistes reflète la valeur du travail qu'ils accomplissent. La traçabilité que permet la technologie blockchain va permettre aux journalistes d'être rétribués pour l'utilisation de leur contenu.

D.B. - Quel est votre but ultime ?

M.C. - Civil ne cherche pas le modèle d'entreprise idéal pour les éditeurs ni les journalistes, mais pour le journalisme lui-même.

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