Le PDG du groupe de médias News Corporation Rupert Murdoch, attaqué vendredi lors de l'assemblée générale par des actionnaires sur le scandale des écoutes en Grande-Bretagne, a admis que tout le groupe en avait "honte", et que les faits étaient "inexcusables".

"Nous avons tous honte", a dit M. Murdoch, répondant à un actionnaire qui l'interpellait lors de l'assemblée générale organisée aux studios Fox.

"Ces derniers mois, nous avons été l'objet de beaucoup d'attention à propos d'allégations selon lesquelles certains de nos journalistes en Grande-Bretagne ont violé la loi en piratant des messageries vocales personnelles", avait-il déclaré quelques instants plus tôt en ouvrant la réunion. 

"Il n'y a tout simplement pas d'excuse à un comportement aussi peu éthique que celui-là", avait-il ajouté.

Le matin même, News Corp. avait annoncé qu'il allait verser deux millions de livres de dédommagements (2,3 millions d'euros) à la famille d'une fillette assassinée, victime d'écoutes illégales pratiquées par le tabloïd News of the World. Le journal a été fermé durant l'été en raison du scandale.

 M. Murdoch doit également faire "à titre personnel" un don d'un million de livres à des associations choisies par les parents de la fillette.

Malgré ces déclarations et initiatives, le départ du conseil d'administration de M. Murdoch et de ses fils a été réclamé par plusieurs actionnaires, même si cette mutinerie semblait avoir peu de chances d'aboutir.

L'action du groupe avait chuté entre juillet et août en raison de cette affaire, qui a conduit à la fermeture du très rentable tabloïd plus que centenaire News of the World, et à repousser sine die l'achat complet du bouquet satellite BSkyB. Elle s'est depuis un peu reprise, pour ne plus afficher qu'un recul de 8% par rapport à son plus haut de l'année, le 1er juin.Mais l'affaire a tout de même valu plusieurs enquêtes parlementaires et judiciaires au groupe, sans compter au moins une procédure en nom collectif au nom d'actionnaises s'estimant lésés.

Pour la plus grande société américaine de conseil aux actionnaires, ISS Proxy Advisory Services, "le scandale des écoutes (...) a mis au jour un manque de leadership et une absence d'indépendance frappants de la part d'un conseil d'administration incapable d'avoir un discours solide sur (...) l'éthique, ce qui a débouché sur d'énormes coûts".

En outre, ajoute ISS Proxy, le salaire élevé de Rupert Murdoch (8,1 millions de dollars par an, plus une prime de 12,5 millions de dollars au titre de l'exercice 2010-11), le plus élevé du secteur aux Etats-Unis, n'est pas justifiable.

Plusieurs fonds d'investissements et sociétés de conseil aux actionnaires, britanniques, australiens et américains, ont recommandé de voter contre la réélection de Rupert Murdoch et de ses deux fils Lachlan et James - le second étant à la tête de la filiale britannique.

"Mais ni les protestations ni les votes n'ont de chance de changer la réalité du contrôle de News Corp", notait vendredi matin le professeur de gestion James Post, de Boston University.

L'actionnariat est en effet divisé entre titres avec et sans droit de vote, et Rupert Murdoch contrôle avec sa famille environ 40% des droits de vote. Le milliardaire saoudien Al-Walid ben Talal, qui soutient l'équipe dirigeante, détient encore environ 7% des droits de vote.

Pour M. Post, "l'avenir à long terme de News Corp pourrait être déterminé plus par les disputes familiales que par la gouvernance d'entreprise".

M. Murdoch, qui a bâti l'empire à partir de petits journaux d'Adelaïde (Australie) dont il avait hérité très jeune, est en effet âgé de 80 ans, rappelle-t-il. "Ses enfants sont ambitieux et, comme leur père, n'hésitent pas à se battre".