Le Québec fait son cinéma


Édition du 26 Août 2017

Le Québec fait son cinéma


Édition du 26 Août 2017

Par Denis Lalonde

«Moteurs et... action !» L'industrie du cinéma amorce la réalisation d'un scénario de croissance ambitieux qui pourrait générer d'importantes retombées pour le Québec sur l'horizon 2021.

Le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ) a récemment présenté un plan de croissance qui vise à faire passer les revenus provenant des productions étrangères de 298 millions de dollars (M$) en 2016 à 700 M$ d'ici quatre ans. Avec le secteur des effets visuels, qui devrait dépasser 300 M$ d'ici trois à cinq ans, l'atteinte de la cible porterait le montant total des investissements étrangers à un milliard de dollars, principalement dans la grande région montréalaise.

Le président et chef de direction du BCTQ, Pierre Moreau, précise que l'augmentation des tournages va passer, avant tout, par la diversification des sources de revenus. «Il faut diversifier les efforts de sollicitation qui étaient, jusqu'en 2015, concentrés sur les films. Depuis ce temps, nous avons déployé des efforts pour obtenir les tournages de séries télévisées haut de gamme. De ce côté, on a notamment obtenu Quantico en 2015 et en 2016, de même que Jack Ryan cette année. Quand on va chercher une série de 8 à 12 épisodes à 10 M$ de budget par épisode, ce sont des revenus que nous n'avions pas auparavant», dit M. Moreau.

Selon le BCTQ, plus de 7 000 jours de tournage sont effectués annuellement au Québec et près de 700 le sont pour des productions étrangères. Pour 2017, M. Moreau anticipe que les tournages étrangers généreront des revenus de 410 M$ au Québec. «À la mi-juillet, nous sommes déjà à 324 M$ confirmés en investissements étrangers. Nous sommes donc très à l'aise avec notre prévision. Nous tenons aussi une dizaine de missions commerciales à Los Angeles chaque année, sans compter celles que nous organisons en Europe, pour attirer de plus en plus de contrats ici», explique le dirigeant du BCTQ.

Pour soutenir sa croissance, l'industrie devra aussi augmenter son bassin de main-d'oeuvre qualifiée, elle qui regroupe déjà plus de 33 000 emplois au sein de quelque 500 entreprises. «On n'a pas refusé de productions faute de main-d'oeuvre, mais pour avoir une croissance soutenable, il va nous falloir plus de monde», soutient M. Moreau. Les syndicats répondent unanimement qu'ils pourront fournir une main-d'oeuvre répondant aux normes exigées par l'industrie, peut-on lire dans un document d'orientation stratégique du BCTQ publié l'hiver dernier. Le document ajoute que, pour y parvenir, l'industrie devra notamment se doter d'une offre de formation continue visant à développer et à maintenir l'expertise des travailleurs du secteur et faciliter l'accès à la main-d'oeuvre immigrante en améliorant l'adéquation entre les critères d'immigration et les besoins de l'industrie.

«En ce moment, est-ce que tout le monde est formé pour faire des "équipes A" ? Non. Est-ce qu'on y travaille ? Oui. Tout le monde commence à voir cette augmentation de capacité, mais on veut éviter de prendre des bouchées qu'on ne pourra pas digérer», précise Pierre Moreau.

Besoin de nouvelles infrastructures

L'arrivée de nouveaux acteurs dans l'industrie, comme Amazon, Netflix et HBO, pourrait jouer un grand rôle dans la croissance des tournages étrangers au Québec. Pour les accueillir, Montréal peut compter depuis novembre sur un deuxième studio d'envergure : MTL Grandé. À sa tête, les trois actionnaires du Groupe Dazmo, Iohann Martin, Andrew Lapierre et Mitsou Gélinas.

Andrew Lapierre soutient que les investisseurs ont décidé de plonger dans le marché des studios de tournage grâce à l'arrivée des grandes séries télévisées produites par les géants du Web. «Il y a cinq ans, le volume de production mondial était la moitié de ce qu'il est aujourd'hui. La croissance est énorme. Iohann, Mitsou et moi, on s'est dit que les astres étaient alignés pour qu'un deuxième joueur s'implante à Montréal. Quand on se compare, on constate qu'il y a déjà six ou sept joueurs à Toronto et une douzaine à Vancouver», explique-t-il. MTL Grandé visera donc principalement le marché des grandes séries télé américaines, qui ont l'avantage d'être récurrentes, tout en permettant de rompre les cycles de production des diffuseurs traditionnels, puisque les nouveaux joueurs peuvent mettre une série en ligne à n'importe quel moment. «Ils peuvent débarquer chez nous en octobre, ce qui n'est pas habituel dans notre industrie. Pour nous, c'est parfait ! Ça permet à des techniciens de travailler 11 ou 12 mois par année plutôt que 7 ou 8», dit-il.

M. Lapierre soutient que MELS a fait un excellent travail au fil des ans pour mettre Montréal sur la carte, mais il rappelle que les producteurs étrangers aiment avoir plusieurs options lorsqu'ils décident de leurs lieux de tournage.

«Ce qu'on espère aussi, c'est que, avec le temps, les productions ne seront pas confinées à un fournisseur. Avec MELS, il y a une concurrence, mais aussi de la coopération. Par exemple, le tournage du film X-Men: Dark Phoenix a débordé chez nous. MELS n'avait pas assez d'espace, alors l'entreprise a loué notre studio 3. Il arrive aussi que nous ayons besoin de MELS pour de l'espace ou des équipements. Ça va dans les deux sens», raconte M. Lapierre.

Malgré l'arrivée de ce deuxième grand joueur, l'augmentation des revenus passera par la construction de nouveaux studios, soutient le BCTQ. «On ne se rendra pas à 700 M$ d'investissements étrangers sur un horizon de trois à cinq ans sans une augmentation de la capacité. De nouveaux studios sont prévus des deux côtés», ajoute M. Moreau.

Les studios insonorisés de MTL Grandé à Montréal, à LaSalle et à Repentigny totalisent 150 000 pieds carrés d'espace de tournage. Si l'économie se porte bien et que la demande progresse, la société a déjà des plans d'expansion pour insonoriser un espace de 100 000 pieds carrés dans le quartier Pointe-Saint-Charles, où se trouvait jadis un centre d'entretien de la société Alstom. «Avant qu'on le rénove, l'immeuble était en piteux état. Le toit coulait, les fenêtres étaient cassées, le sol était en gravier, et on ne pouvait pas l'utiliser l'hiver. L'espace était malgré tout employé par les productions qui n'avaient pas assez de place chez MELS. Nous avons donc pris un risque calculé, parce que l'immeuble était déjà utilisé», relate M. Lapierre. Un terrain adjacent d'une superficie de 100 000 pieds carrés pourrait également être converti en studio d'ici deux ans.

De son côté, le président des studios MELS, Michel Trudel, soutient que la filiale de Québecor compte agrandir son parc immobilier en ajoutant des studios au cours des cinq prochaines années, sans fournir plus de détails. L'objectif à l'origine de ces investissements est d'attirer davantage de mégaproductions dans la région montréalaise. «Avec MTL Grandé et nous, en théorie, si on attire beaucoup de productions à Montréal, il y aura assez de travail pour tout le monde», dit-il. MELS a annoncé en août la construction prochaine de locaux totalisant 160 000 pieds carrés dans le Technoparc, près de l'autoroute Bonaventure. Ce projet de 35 à 40 M$ regroupera un studio de 60 000 pieds carrés d'une hauteur de 50 pieds et des locaux multifonctionnels. La société doit obtenir les permis nécessaires à la construction et espère amorcer les travaux dès cet automne pour être en mesure d'accueillir de nouvelles productions l'été prochain. Avec ces infrastructures, M. Moreau estime que le Québec pourra produire pour 550 M$ à 600 M$ de tournages étrangers. Reste donc un montant de 100 M$ à 150 M$ à aller chercher pour atteindre l'objectif. «Toutes les productions étrangères qui viennent ici n'utilisent pas nécessairement des studios. Il y en a beaucoup qui préfèrent la diversité architecturale», rappelle-t-il, soulignant que l'on peut recréer Paris, New York, Boston ou Prague à Montréal, une situation qu'il décrit comme unique en Amérique du Nord.

Caroline Lacroix, professeure au département de marketing de l'Université du Québec à Montréal, ajoute que la faiblesse du dollar canadien par rapport à la devise américaine est un autre élément qui rend l'industrie cinématographique du pays plus compétitive. «Les budgets des productions américaines sont en dollars américains. Celles qui viennent à Montréal, comme dans le reste du Canada, économisent beaucoup uniquement grâce au taux de change», dit-elle.

Pierre Moreau indique cependant que l'effet de conversion des devises ne fait pas partie du plan d'affaires du BCTQ. Il fait valoir que l'organisme ne serait pas pris au sérieux si c'était le cas. Il concède toutefois que les productions étrangères font le calcul lorsqu'elles choisissent d'installer leurs productions à Montréal ou ailleurs au pays.

Crédits d'impôt généreux

De son côté, Andrew Lapierre dit que ce qui attire les producteurs étrangers au premier chef, ce sont les crédits d'impôt. «En second lieu, ils regardent les infrastructures disponibles et, par la suite, ils évaluent s'il y a assez de personnel pour assurer la bonne marche des tournages», affirme-t-il. M. Moreau rappelle quant à lui que, lorsque le dollar canadien était à parité avec le billet vert, les crédits d'impôt étaient plus généreux. Le huard a frôlé la parité avec le dollar américain pour la dernière fois en mai 2013, puis a amorcé une lente descente. Avant juin 2014, le taux maximal du crédit d'impôt applicable pour une production de langue française ou un film en format géant était de 65 %. Entre août 2014 et mars 2015, ce taux est passé à 52 % (il est aujourd'hui de 56 %).

Le budget 2017-2018 du ministre québécois des Finances, Carlos Leitão, a prévu l'éligibilité des contenus de réalité virtuelle et augmentée au crédit d'impôt pour les services de production cinématographique ou télévisuelle. Pierre Moreau souhaite contribuer au développement de ce volet de l'industrie, notamment en organisant des missions commerciales à Los Angeles consacrées aux entreprises oeuvrant en réalité virtuelle. «Notre industrie n'est pas encore prête à la réalité augmentée, qui touche plus des secteurs comme la médecine et l'architecture. Dans notre domaine, c'est la réalité virtuelle qui domine», dit-il.

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