Interférences dans les sondages d'audience radio

Publié le 14/03/2009 à 00:00

Interférences dans les sondages d'audience radio

Publié le 14/03/2009 à 00:00

Depuis quatre mois, les PPM ont remplacé les cahiers d'écoute pour mesurer l'audience radio à Montréal. Toute l'industrie, ou presque, s'est réjouie de l'arrivée de ce nouvel outil. Une exception notable : les annonceurs et les agences de publicité s'interrogent sur sa fiabilité.

Un PPM (pour Portable People Meter) est un petit récepteur de la taille d'un téléavertisseur que les personnes qui participent au sondage doivent porter quand elles écoutent la radio. L'appareil enregistre les codes générés par les émissions. L'exposition de la personne à ces codes correspond à son écoute des stations.

Cette mesure est plus fidèle à la réalité que celle fournie par les cahiers d'écoute, des carnets dans lesquels les sondés devaient noter les émissions écoutées pendant la journée.

C'est pourquoi Sondages BBM, l'organisme qui fournit des cotes d'écoute radio et télévision à l'industrie publicitaire canadienne, a choisi de remplacer les cahiers d'écoute par les PPM. Ce changement se limite pour le moment au marché de Montréal.

Fiabilité mise en doute

Les PPM permettent aux radiodiffuseurs de clamer à leurs clients et principale source de revenu, les annonceurs et les agences de publicité, qu'ils sont entrés dans le 21e siècle et qu'ils disposent désormais d'un outil de mesure électronique qui fournit des données précises sur les auditeurs et leur comportements d'écoute. Mais ces PPM sont-ils fiables pour autant ?

"Nous saluons le pas en avant, mais plusieurs interrogations demeurent, souligne Paul Hétu, vice-président de l'Association canadienne des annonceurs. Pourquoi les Britanniques ont-ils décidé d'abandonner les PPM après les avoir testés pendant plusieurs années ? Pourquoi les Australiens ont-ils levé le nez dessus ? Pourquoi certains radiodiffuseurs américains préfèrent-ils conserver les cahiers d'écoute ? Enfin, pourquoi les PPM seraient plus efficaces ici qu'ailleurs ?" énumère M. Hétu.

En Grande-Bretagne, l'efficacité et la pertinence des PPM sont testées par la RAJAR (Radio Joint Audience Research) depuis 1998, notamment dans la région de Londres depuis 2006. En avril 2008, cependant, l'organisme chargé de mesurer l'audience radio en Grande-Bretagne, équivalent de Sondages BBM, a purement et simplement laissé tomber les PPM. Il lorgne désormais des outils plus souples et plus adaptés à la réalité de l'industrie britannique, comme des versions électroniques des cahiers d'écoute.

Des participants délinquants

Pourquoi cet abandon ? "Principalement à cause de problèmes dans la collecte de données", observe Penelope James, porte-parole de la RAJAR. Le comportement des auditeurs sondés et leur façon d'utiliser le PPM ne permettent pas d'obtenir des résultats fiables à un coût raisonnable. Des femmes le mettent dans leur sac au lieu de le porter sur elle, ce qui nuit à l'enregistrement des codes radio. Plusieurs auditeurs oublient de le porter, en particulier le matin au moment du petit déjeuner, ce qui entraîne d'importantes pertes d'écoute durant l'un des moments cruciaux de la journée, et par conséquent, des biais statistiques. Enfin, certains participants prêtent leur appareil à des proches quand ils ne peuvent pas le porter.

En 2006, la RAJAR a estimé que les auditeurs ne portaient correctement leur PPM que la moitié du temps. L'institut de sondage britannique a estimé qu'il était trop coûteux de s'assurer de la discipline des personnes sondées avec les PPM.

"Est-ce que les Montréalais sont plus disciplinés que les Anglais ? Et si non, est-ce que Sondages BBM s'est donné les moyens de contrer cette indiscipline ? Je l'espère, mais j'aimerais en être certain", observe M. Hétu.

Un échantillon trop petit

Autre source d'inquiétude chez les annonceurs et les agences de publicité : la taille de l'échantillon. Auparavant, Sondages BBM se fiait aux cahiers d'écoute fournis à 5 000 personnes. Aujourd'hui, l'organisme confie des PPM à 800 foyers montréalais, dont la moitié sont francophones. Selon BBM, ces 800 foyers représentent 1 800 personnes.

Pourquoi réduire la taille de l'échantillon alors qu'auparavant, on jugeait normal, pour obtenir de bons résultats, d'interroger 5 000 personnes ? À cause des coûts. D'après plusieurs analystes, il en coûte deux à trois fois plus d'utiliser des PPM que des cahiers d'écoute pour sonder les auditeurs.

"L'échantillon considéré par Sondages BBM est le strict minimum pouvant être utilisé pour avoir des résultats significatifs. Compte tenu de la taille de cet échantillon, il est clair que, pour certaines cibles et certaines catégories d'auditeurs, la marge d'erreur sera grande. Il faudra donc être prudent quant à certains résultats", met en garde Alain Tardy, président du Conseil des directeurs médias, qui regroupe une vingtaine de professionnels oeuvrant dans les principales agences de publicité établies au Québec. Étrange constat pour un outil de mesure qui prétend fournir des résultats plus précis et plus fiables.

Dans le monde, les cahiers restent la norme

Les PPM sont loin de représenter la norme dans le monde. En dehors de Montréal, seule la Belgique flamande, le Danemark, la Norvège, l'Islande et quelques villes américaines ont choisi les PPM comme outil de mesure radio.

Les Britanniques les ont abandonnés. Les Australiens ont levé le nez dessus et conserveront leurs cahiers d'écoute au moins jusqu'en 2011. Chinois, Malaisiens, Indonésiens, Thaïlandais et Indiens ont récemment décidé de se fier aux cahiers d'écoute.

Aux États-Unis, pays d'origine des PPM, l'implantation de cette technologie ne va pas de soi. Après plusieurs années d'essais à Philadelphie et à Houston, Arbitron, la société qui développe les PPM et qui mesure les cotes d'écoute radio aux États-Unis, commence à peine à étendre leur utilisation à d'autres grandes villes (New York, Los Angeles, Dallas, etc.). Plusieurs radiodiffuseurs et politiciens américains ont vivement contesté l'utilisation des PPM, estimant qu'Arbitron faisait fi d'une partie de l'auditoire radio : les Afro-Américains et les hispanophones. Des poursuites judiciaires ont même été intentées contre Arbitron. Elles ont toutefois été abandonnées, le 7 janvier, à la suite de la promesse d'Arbitron d'augmenter l'échantillon de sondage et d'acheter des espaces publicitaires aux demandeurs pour de généreux montants.

Arbitron doit toutefois encore apporter la preuve de l'amélioration de sa méthodologie dans plusieurs villes, dont New York et Philadelphie, pour obtenir une accréditation officielle du Media Rating Council, organisme fédéral qui veille à la qualité de la mesure des audiences dans les médias américains.

À noter aussi qu'Arbitron utilisera les cahiers d'écoute jusqu'en 2010 dans une grande majorité de villes américaines. D'autre part, Nielsen Media s'est aussi lancé dans la mesure d'audience radio au moyen... des cahiers d'écoute.

Ailleurs au Canada

Au Canada, seul le marché montréalais de la radio a adopté les PPM. Selon BBM Canada, l'équivalent pancanadien de Sondages BBM, Toronto, Vancouver, Calgary et Edmonton devraient en faire autant en septembre. "À condition que tout se passe bien. Pour ce qui est des autres marchés québécois, aucune date de déploiement des PPM n'a été avancée", dit Richard Lachance, président du Bureau de commercialisation de la radio du Québec, qui a contribué à l'implantation des PPM.

Au Québec, les annonceurs et agences de publicité devront jongler pendant encore un bon bout de temps avec deux outils de mesure. "Deux outils, ce n'est pas idéal. De plus, les annonceurs internationaux connaissent peu les PPM. Il faudra bien les informer des différences qui existent entre les chiffres fournis par les PPM et ceux fournis par les cahiers d'écoute, outil encore utilisé dans le monde", dit M. Tardy.

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