Vers des investissements manufacturiers records de 6G$ en 2022

Publié le 06/05/2022 à 09:35

Vers des investissements manufacturiers records de 6G$ en 2022

Publié le 06/05/2022 à 09:35

Par François Normand

En 2000, le secteur manufacturier représentait 18,5% du PIB québécois. Or, en une décennie, sa part a dégringolé pour atteindre 12,7% en 2010. (Photo: Getty Images)

Sans tambour ni trompette, le secteur manufacturier québécois se dirige vers des investissements en immobilisations records de près 6 milliards de dollars en 2022. Un symbole fort qui illustre la relance et le nouveau dynamisme de l’industrie manufacturière, amorcés depuis 10 ans.

Voilà l’un des constats forts de la 7e édition de Le point sur le Québec manufacturier (2010-2030, de négligé à champion sociétal), une analyse présentée mercredi à Montréal lors de la sixième édition de la conférence Transformation numérique — secteur manufacturier, des Événements Les Affaires.

Louis J. Duhamel, conseiller stratégique chez Deloitte, a décortiqué les principales tendances de cette analyse effectuée par la firme — qu’il explique aux quatre coins du Québec lors de conférences.

Le dernier record des investissements manufacturiers en immobilisations datait de 2019, juste avant la pandémie de COVID-19.

Ils avaient diminué fortement en 2020, pour repartir ensuite à la hausse l’an dernier, mais en étant toujours inférieurs au niveau de 2019. Dans le cas de 2022, on relève encore la barre, démontre Le point sur le Québec manufacturier.

Ces investissements en immobilisations projetés à 5,9 G$ cette année (selon les estimations de Statistique Canada) représentent le double de ceux réalisés en 2010, alors que l’industrie pâtissait d’un long déclin, comme dans la plupart des pays industrialisés.

C’était une époque difficile pour l’industrie, rappelle Louis J. Duhamel.

En 2000, le secteur manufacturier représentait 18,5% du PIB québécois. Or, en une décennie, sa part a dégringolé pour atteindre 12,7% en 2010. Durant cette période, les revenus générés par les entreprises manufacturières ont fondu de 54,9 G$ à 44,7 G$.

Toutefois, au courant de la dernière décennie, le secteur a repris des forces. «Le revirement est majeur, la chute a été stoppée», insiste-t-il.

Depuis 2010, le secteur s’est stabilisé ; il représente toujours 12,7% du PIB — soit près de deux points que plus qu’en Ontario à 11%, selon une récente analyse réalisée en mars par Investissement Québec (L’état du secteur manufacturier).

 

Les trois ingrédients de la relance manufacturière

Trois facteurs ont contribué à ce «revirement majeur», selon Le point sur le Québec manufacturier.

Premièrement, les différents gouvernements à Québec ont fait de la relance manufacturière une priorité nationale entre 2010 et 2021, et ce, peu importe leur couleur politique (Parti libéral du Québec, Parti québécois, Coalition avenir Québec).

Sur cette période, le gouvernement a lancé cinq mesures structurantes:

 

  • Plan d’action manufacturier (2010)
  • Politique industrielle (2013)
  • Manufacturier innovant (2017)
  • Offensive de transformation numérique (2021)
  • Plan d’action pour la relance des exportations (2021)

 

Deuxièmement, les organismes de l'écosystème manufacturier québécois se sont mobilisés pour redynamiser l’industrie.

Ils ont entre autres organisé des événements (le forum stratégique annuel organisé par IQ et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, par exemple) ou des missions québécoises à l’étranger (comme la foire du manufacturier 4,0 Hannover Messe, en Allemagne).

La création du Réseau des centres d’expertises industrielles 4.0 — une collaboration entre l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec (ADRIQ), le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), les acteurs des milieux économiques et de l’éducation et le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI) — a aussi été structurante.

Troisièmement, plusieurs entreprises manufacturières ont investi des sommes importantes afin de se moderniser au fil des ans, comme Kruger, Intersand, Groupe Meloche, Fruit d’Or, Bell Helicopter Textron Canada, Groupe Soucy ou BRP.

 

Depuis 10 ans, la valeur des investissements manufacturiers en immobilisations a doublé pour frôler les 6 G$. (Source: 7e édition de Le point sur le Québec manufacturier (2010-2030, de négligé à champion sociétal)

Des enjeux critiques à surveiller d’ici 2030

Même si le secteur manufacturier est sur une belle lancée, ce dernier fait face à sept enjeux critiques sur l’horizon 2022-2030, a insisté Louis J. Duhamel.

1. Un retour de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt, ce qui accroît le coût en capital des entreprises.

2. Un accès aux marchés plus restreint en raison de tendances protectionnistes qui n’échappent à aucun pays, à commencer par les États-Unis, de loin le principal, partenaire commercial du Québec.

3. Une perturbation des chaînes d’approvisionnement, ce qui entraîne des hausses importantes des coûts de transport des entreprises manufacturières.

4. Des incertitudes constantes reliées aux crises sanitaires, climatiques et géopolitiques, comme en témoigne par exemple l’invasion de l’Ukraine par la Russie, des risques qui peuvent avoir des impacts financiers majeurs.

5. Un maintien de la compétitivité, qui implique d’accroître davantage les investissements des entreprises manufacturières.

6. Une crise de la main-d’œuvre qui se poursuivra sur le long terme, contribuant à un écart de compétences, à l’émergence de nouveaux métiers et à la transformation du travail.

7. L’angle mort de la cybersécurité, alors que les cybermenaces croissantes conduisent le secteur manufacturier à être beaucoup plus vigilant afin de protéger leurs données et assurer la continuité de leurs activités.

 

Les priorités de l’industrie pour s’adapter

En marge de la présentation du Point sur le Québec manufacturier, Les Affaires a interviewé trois des acteurs de l’écosystème manufacturier afin de connaître les initiatives prioritaires à déployer afin d’aider les entreprises à faire face à ces enjeux critiques.

Aux yeux de Julie Morand, vice-présidente placements privés et investissements d’impact — industries au Fonds de solidarité FTQ, la priorité doit être la main-d’œuvre, incluant la formation de la relève dans de nombreuses entreprises manufacturières du Québec.

«Il y a des gens qui ont atteint 60 ans et qui se pensent éternels», dit-elle pour illustrer l’importance de préparer un plan de relève afin d’assurer la pérennité des entreprises et la croissance de l’ensemble de l’industrie.

Marc Villeneuve, vice-président, développement et rayonnement des affaires, services aux entreprises chez Desjardins, estime pour sa part que la rapidité d’exécution doit être le nerf de la guerre pour évoluer dans cet environnement d’affaires de plus en plus complexe.

«On a des manufacturiers qui sont souvent champions dans leur créneau. Ce n’est donc pas la qualité de nos produits ou la qualité de fabrication qui est l’enjeu, c’est la rapidité de fabrication, la capacité de répondre à la demande», dit-il, en soulignant à quel point la technologie est cruciale pour aider les entreprises à être plus efficaces.

Pour Francis Lemieux, directeur principal en stratégie manufacturière et opérations intelligentes chez Deloitte, la résilience des chaînes d’approvisionnement doit être en haut de la liste de priorités des entreprises manufacturières.

Selon lui, des crises comme la guerre en Ukraine, qui a perturbé les flux commerciaux, forcent les entreprises à être plus proactives.

«Au lieu de suivre leurs propres fournisseurs, de plus en plus de manufacturiers vont même jusqu’à suivre les fournisseurs de leurs fournisseurs afin de s’assurer d’obtenir les matériaux dont ils ont besoin», dit-il.

Louis J. Duhamel pense pour sa part que le maintien de la compétitivité est sans doute l’enjeu principal auquel font face les entreprises manufacturières dans la décennie.

«Il suffit que l’inflation augmente ou que le dollar canadien se renforce vis-à-vis du dollar américain pour que nos travers commencent à paraître. On ne pourrait plus alors se cacher derrière la devise pour compenser nos déficits de productivité», dit-il.

C’est la raison pour laquelle il affirme qu'il ne faut pas tenir la productivité pour acquise, «dans un monde plus autarcique, plus fermé, où le Québec a besoin d’exporter beaucoup».

 


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