Fronde contre la réforme fiscale des entreprises d'Ottawa

Publié le 31/08/2017 à 13:56

Fronde contre la réforme fiscale des entreprises d'Ottawa

Publié le 31/08/2017 à 13:56

Par François Normand

Une coalition de plus de 40 organisations d’entreprises canadiennes monte aux barricades pour demander à Ottawa de retirer sa réforme fiscale des sociétés privées, car elle pourrait nuire à la création de PME et d’emplois.

En juillet, le gouvernement fédéral a proposé une réforme visant le partage des revenus, les gains en capital ainsi que les revenus passifs des entrepreneurs.

«Les données portent à croire que certaines personnes utilisent les structures de sociétés pour éviter de payer leur juste part, au lieu de réinvestir des fonds dans leur entreprise et de maintenir leur avantage concurrentiel», écrivait le ministre des Finances Bill Morneau dans l’introduction de son projet de réforme.

En entretien avec Les Affaires, la vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Martine Hébert, affirme que la formation de cette coalition est un signal fort envoyé au gouvernement Trudeau.

«Si plus de 40 organisations unissent leur voix, cela démontre qu’il y a une problématique importante soulevée par cette réforme», dit-elle au bout du fil.

Les organisations de la coalition -composée notamment du Conseil canadien du commerce de détail, de l’Association canadienne des radiologistes et de la Fédération canadienne de l’agriculture- ont d’ailleurs écrit une lettre au ministre Morneau.

Elles lui demandent de laisser tomber ses propositions et de s’asseoir avec elles «pour discuter des lacunes des politiques fiscales qui touchent les sociétés privées». Bref, il faut trouver des solutions précises et non pas mur à mur.

«Un bulldozer fiscal»

La réforme risque de toucher un «très grand nombre» de propriétaires de PME dans plusieurs secteurs, déplore Martine Hébert. «Ottawa dit viser certaines personnes, mais on passe le bulldozer fiscal dans le jardin financier des entrepreneurs.»

À ses yeux, le fédéral doit comprendre que les entrepreneurs ne sont pas dans la même situation que les salariés. Comme ils prennent plus de risques, il faut donc les compenser.

Car, si les modifications fiscales sont destinées aux plus nantis, elles feront aussi très mal à plusieurs propriétaires de PME de la classe moyenne, et ce, dans tous les secteurs de l'économie, affirme la coalition.

«Or, ces entrepreneurs -des commerçants, des agriculteurs, des médecins, des planificateurs financiers, des entrepreneurs en construction, des restaurateurs et autres- sont l'épine dorsale de notre économie et fournissent la majeure partie des emplois au pays», souligne la coalition dans un communiqué.

Dans sa forme actuelle, Martine Hébert n’exclut pas que la réforme puisse même provoquer des pertes d’emplois, même si elle demeure prudente à ce sujet.

«C’est difficile à dire, mais il est clair que cela va entraver la croissance des entreprises. S’il y a des coûts supplémentaires, il faudra couper», dit-elle.

Par exemple, des PME pourraient réduire le nombre d’heures de certains employés. D’autres pourraient créer moins d’emplois que prévu, voire réduire leurs investissements, selon la vice-présidente principale de la FCEI.

Luc Godbout, titulaire de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques à l’Université de Sherbrooke, affirme pour sa part qu’il faut bien mettre les choses en perspective.

L'ensemble des PME n'est pas affecté

Comme les changements proposés ne modifient pas les taux d’imposition des PME, ils n’affectent donc pas l’ensemble des PME, souligne-t-il dans un courriel.

«En regard des règles actuelles, les nouvelles règles ont zéro impact sur les PME qui ont des revenus de placement. Ainsi, une PME qui réalise un bénéfice de 500 000$ par an et qui en laisse 200 000 $ par année dans l’entreprise pendant 5 ans en vue de faire l’acquisition d’un nouvel équipement n’a aucun changement.»

De plus, ajoute-t-il, les modifications fiscales proposées par Ottawa ne rendent pas le transfert d’entreprise plus difficile aux membres de sa famille.

Selon Luc Godbout, les changements concernent essentiellement deux choses.

Premièrement, les planifications permettant le fractionnement de revenu avec un membre de sa famille (par exemple, un propriétaire d'une PME qui verse, par une planification fiscale, un dividende à son enfant de 19 ans sans revenu à la base) pour réduire ses impacts.

Deuxièmement, la détention d’un portefeuille de placement dans l’entreprise en vue de le verser à l’actionnaire subséquemment.

Pour sa part, la coalition dénonce en particulier la mesure qui s’attaque aux revenus passifs des entreprises.

Grosso modo, cette mesure permet aux entrepreneurs de placer de l’argent tiré à même les revenus de l’entreprise dans un portefeuille moins imposé. Ce dernier peut par exemple permettre à un dirigeant d’investir dans l’immobilier en prévision de sa retraite ou à une entrepreneure de financer son congé de maternité.

Or, Ottawa veut retirer cet avantage.

Le gouvernement libéral affirme ne pas vouloir étouffer l’entrepreneuriat au pays. Mais selon lui, «certaines personnes» abusent du système afin de payer tout simplement moins d’impôt.

«Lorsque les règles sont utilisées pour en tirer un avantage personnel, elles ne contribuent pas à la croissance économique de notre économie. De telles pratiques risquent plutôt de miner la confiance à l’égard de notre économie en procurant des avantages fiscaux à un groupe très sélect. À notre avis, ce n’est pas équitable», affirme le ministre Morneau.

 

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