Le ministère des Transports victime du cartel de l'asphalte, mais des directeurs choyés

Publié le 29/05/2013 à 06:28, mis à jour le 29/05/2013 à 06:32

Le ministère des Transports victime du cartel de l'asphalte, mais des directeurs choyés

Publié le 29/05/2013 à 06:28, mis à jour le 29/05/2013 à 06:32

Par La Presse Canadienne

Photo: Bloomberg

Le ministère des Transports du Québec a aussi été victime du cartel de l'asphalte pendant des années, a affirmé mardi à la Commission Charbonneau Gilles Théberge, ex-directeur de l'entreprise Sintra.

Mais des directeurs territoriaux du ministère ont bénéficié des largesses de Sintra. Ils ont été invités à des partys d'huîtres et des voyages de pêche au saumon, a ajouté le témoin.

Les entrepreneurs cherchaient à se partager les territoires, comme c'était le cas sur la Rive-Nord de Montréal et la Rive-Sud, mais en se basant aussi sur la proximité de leurs usines d'asphalte par rapport aux projets à réaliser, a-t-il souligné.

La collusion des entrepreneurs dans les contrats du MTQ touchait les contrats d'asphaltage, mais pas les autres travaux de construction du ministère, a-t-il expliqué.

Sintra a été un acteur majeur dans l'asphalte et d'autres travaux pour le ministère des Transports du Québec, ayant décroché pas moins de 1,645 milliard $ de 1997 à 2012 pour les contrats de travaux divers, selon les tableaux déposés par la Commission.

À lire: Une entreprise français au coeur du cartel de l'asphalte

Sintra était au premier rang des entreprises pour le MTQ, suivie de DJL avec 1,016 milliard $, a relevé Me Claudine Roy, procureure de la commission.

«On est en mesure de voir que 50% de ces contrats (du ministère) en valeur sont distribués à moins de 19 entreprises», a signalé Me Roy.

Du montant global des contrats accordés à Sintra, 863 M$ avaient trait à des travaux d'asphaltage principalement. Là encore, Sintra arrive au premier rang des entrepreneurs, devant DJL, avec 518M$.

«Sintra obtient plus du quart de la valeur des contrats octroyés par le ministère des Transports», a relevé Me Roy.

M. Théberge a confirmé que pour Sintra aussi, le ministère était un «donneur d'ouvrage» important. «C'est un chiffre qui m'avait été lancé par mon président: que notre plus gros client, c'était le ministère des Transports, et que c'était 60% de notre chiffre d'affaires», a-t-il rapporté.

La collusion s'est poursuivie, même après son départ

En contre-interrogatoire, l'avocat du Procureur général, Me Benoît Boucher, a tenté de lui faire dire que comme il avait quitté Sintra en juin 2000, il ne pouvait affirmer avec certitude que le ministère avait continué d'être victime du cartel de l'asphalte. Mais M. Théberge a maintenu sa version.

«Ce n'est pas parce que moi j'ai quitté le secteur asphalte en l'an 2000 que la collusion s'est arrêtée. Ce n'est pas Gilles Théberge qui pouvait arrêter la collusion chez Sintra. Je pense vraiment que la collusion a continué au point de vue du MTQ. J'en suis pratiquement sûr. Je n'ai pas de faits précis, mais c'était ancré dans l'entrepreneur comme tel cette collusion-là», a-t-il opiné.

Il a déjà témoigné du fait qu'il a quitté Sintra le 15 juin 2000 après que sa voiture ait explosé. Selon lui, Sintra avait voulu pousser trop loin la collusion.

Interrogé par le commissaire Renaud Lachance, M. Théberge a admis que le fait que la prise de décision ait lieu à Québec plutôt que dans les directions territoriales concernées du ministère des Transports a pu favoriser la collusion, puisque Québec est moins au courant de la situation du marché dans chaque région. «Ça n'a sûrement pas nui», a opiné M. Théberge.

Directeurs choyés

Sintra traitait bien les directeurs territoriaux du ministère. Son vice-président au marketing organisait chaque année un party d'huîtres dans un manoir à Gould, dans les Cantons-de-l'Est, pour 100 à 150 personnes, où steak et huîtres étaient servis à volonté. Sintra emmenait ses invités en autobus: des maires, directeurs généraux de villes, ingénieurs conseils, en plus des directeurs territoriaux du ministère, a précisé M. Théberge, qui ne se rappelait d'aucun nom. S'il restait des huîtres, les gens partaient même avec, a-t-il raconté.

M. Théberge a aussi assisté à un voyage de pêche au saumon près de l'Anse Saint-Jean, pour 10 ou 12 personnes, en compagnie de directeurs territoriaux du ministère. Lui ne s'y est rendu qu'une seule fois et il y avait emmené dans sa voiture un représentant du ministère.

Il a aussi pris le lunch avec des directeurs territoriaux du ministère à Ormstown, Napierville, Saint-Jérôme, Montréal et Lachute. Ceux-ci lui donnaient des informations sur les projets à venir, ce qui facilitait la préparation de son propre budget.

Mais il assure que les mêmes informations devaient être livrées à d'autres entrepreneurs et que, de toute façon, les informations dont il bénéficiait allaient être connues un mois ou deux plus tard.

Hausse de 80% à Montréal

La Ville de Montréal a aussi subi une étonnante augmentation des coûts de l'asphalte entre 1999 et 2000, soit de 80% en un an. En 2000, la fourniture d'asphalte par DJL, Simard-Beaudry et Sintra à la Ville de Montréal coûtait 4,7 millions $.

Mais la collusion n'explique pas à elle seule cette augmentation subite du coût, bien que la première réunion du cartel de l'asphalte ait aussi eu lieu en 2000, a avancé M. Théberge.

Une note présentée à la commission explique qu'en 1998, il y avait eu une «importante diminution» du coût de l'asphalte. L'appel d'offres de janvier 1999 reflétait donc ce contexte de coût exceptionnellement bas. L'appel d'offres de janvier 2000 reflète donc une augmentation soudaine par rapport à l'année 1999 marquée par de bas prix.

M. Théberge a maintenant terminé son témoignage. Avant d'entendre l'entrepreneur en construction Ronnie René Mergl, tel qu'annoncé, la Commission a fait savoir qu'elle entendra finalement mercredi un autre entrepreneur, Pierre Allard.

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