Le libre-échange Canada-Chine est-il encore possible?

Publié le 16/10/2018 à 10:06

Le libre-échange Canada-Chine est-il encore possible?

Publié le 16/10/2018 à 10:06

Par François Normand

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, et le président chinois, Xi Jinping (source photo: Getty)

La conclusion d’un éventuel accord de libre-échange entre le Canada et la Chine devient de plus en plus improbable en raison de la stratégie commerciale de l’administration Trump qui s’incarne dans le nouvel Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC).

Les Affaires a consulté trois avocats nord-américains spécialisés en droit du commerce international pour avoir leur avis à ce sujet.

Ils sont formels : Ottawa a bien entendu le droit de négocier un traité de libre-échange avec la Chine s’il le souhaite. Par contre, le prix à payer pourrait être l’exclusion du Canada du libre-échange nord-américain en raison de l’article 32.10 de l’AEUMC.

Cet article oblige un État signataire de l’AEUMC voulant négocier un traité avec la Chine à informer les deux autres parties qui peuvent consulter le texte, explique Bernard Colas, du cabinet montréalais CMKZ.

Si jamais les deux parties désapprouvent les termes de la future entente, elles peuvent sortir de l’USMCA avec un avis de 6 mois et le remplacer par un accord bilatéral avec la partie restante.

Dans le cas présent, Washington et Mexico auraient un traité de libre-échange, tandis que le Canada serait soumis aux tarifs douaniers de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour exporter aux États-Unis et au Mexique.

On comprend qu’Ottawa y penserait deux fois avant de conclure un accord avec la Chine étant donné que 76% des exportations canadiennes sont destinées au marché américain (4% seulement vont en en Chine), selon Statistique Canada.

Washington a fait inclure l’article 32.10 dans l’AEUMC alors que les tensions sont de plus en plus tendues entre les États-Unis et la Chine.

D’une part, sur le plan du commerce, comme en témoigne la guerre commerciale entre les deux principales économies de la planète. D’autre part, sur la plan politique et militaire, car la Chine veut mettre fin à terme à l’hégémonie américaine en Asie-Pacifique.

En fait, avec l’article 32.10 de l’AEUMC, les États-Unis envoient un message très clair au Canada et au Mexique qu’il pourrait y avoir un prix politique à payer s’ils voulaient trop se rapprocher de la Chine, affirme un deuxième avocat expérimenté en négociations commerciales, mais qui préfère garder l’anonymat.

Selon lui, ce message s’adresse aussi à tous les autres pays qui ont déjà un accord de libre-échange avec les États-Unis ou ceux qui sont en train d’en négocier un ou qui auraient l’intention de le faire un jour.

Et si l’article 32.10 était une porte de sortie pour Ottawa?

Par ailleurs, l’article 32.10 pourrait bien faire l’affaire du gouvernement canadien, soutient un troisième juriste à l’emploi d’un grand cabinet international, qui requiert lui aussi l’anonymat.

Selon lui, il y a peu d’enthousiasme dans les milieux d’affaires canadiens pour un accord de libre-échange avec la Chine, car cela accentuerait la concurrence chinoise au Canada dans le secteur des biens et des services.

En fait, c’est la Chine qui réclame depuis des années un accord de libre-échange avec le Canada, notamment pour avoir un meilleur accès à ses ressources naturelles. Un projet auquel était d’ailleurs opposé l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Ottawa est actuellement ouvert à un accord.

Mais à vrai dire, les libéraux de Justin Trudeau n’auraient pas vraiment le choix d’être en faveur du libre-échange avec la Chine, car Pékin pourrait restreindre l’accès au marché chinois aux entreprises canadiennes en cas de refus du Canada, dit une source.

Bref, il y aurait un prix politique à payer pour les entreprises canadiennes.

Or, l’article 32.10 de l’AEUMC pourrait donner un prétexte au Canada pour ne pas aller plus loin avec ce projet de libre-échange avec la Chine, et ce, sans en payer un prix politique.

Bref, Ottawa pourrait signifier à Pékin que c’est Washington qui l’empêche de conclure un traité avec la Chine.

Reste à avoir maintenant comment le gouvernement canadien pourra ménager la chèvre et la chou dans ses relations avec les Chinois et les Américains.

Chose certaine, les échanges économiques entre la Chine et le Canada progressent déjà rapidement sans accord de libre-échange.

Depuis 10 ans, les exportations canadiennes en Chine ont plus que doublé pour atteindre 23,6 milliards de dollars en 2017.

Pendant la même période, les expéditions de marchandises des entreprises chinoises au Canada ont quant à elles bondi de 66% à 70,9 G$.

Le Canada a donc un important déficit commercial avec la Chine.

 

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