Jacques Parizeau: le dompteur des marchés financiers

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Juin 2015

Jacques Parizeau: le dompteur des marchés financiers

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Juin 2015

Jacques Parizeau.

Le 19 mars 1962, dans une salle feutrée de l'hôtel Le Reine Elizabeth, Jean Lesage rencontre le milieu montréalais de la finance. Un jeune économiste de 31 ans l'accompagne. Il se nomme Jacques Parizeau. Le premier ministre explique aux gens présents qu'il veut créer une société mixte qui encouragera les entreprises québécoises en manque de financement en achetant des actions. Il demande aux milieux financiers de contribuer au fonds de la future Société générale de financement (SGF).

Jacques Parizeau trouve la rencontre pénible. Les invités ne collaborent pas. Ils évoquent une forme de socialisme pour refuser de participer à la création de la SGF. Le mois précédent, le premier ministre est allé à New York. Il s'est fait dire par les financiers américains que son projet de bâtir une aciérie (Sidbec) est une mauvaise idée. Le syndicat financier de Montréal, le prêteur du gouvernement, ne tolère aucune concurrence. Ce monopole résiste à un autre projet, soit la nationalisation des compagnies d'électricité, défiant le gouvernement Lesage de trouver du financement. En avril, le ministre des Ressources naturelles, René Lévesque, demande à Jacques Parizeau d'évaluer combien il en coûterait d'acheter les entreprises hydroélectriques du Québec.

Les révolutionnaires tranquilles sont ambitieux. Ils lancent de nouvelles réformes, mais il faut les financer. Les Québécois sont alors dans un état de soumission économique. Toutes les entreprises d'importance sont entre les mains de la minorité anglophone. Le niveau d'éducation est bas. Les banques refusent la présence de francophones et de juifs sur leurs conseils d'administration. Pour contrer ce chantage financier, Jacques Parizeau dessine les plans de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il faut regrouper dans une caisse d'État tous les fonds administrés par l'État. En créant le régime des rentes du Québec, on peut offrir des pensions aux Québécois et garnir les coffres de la Caisse de dépôt pour qu'elle devienne un acteur financier incontournable et un prêteur de l'État québécois.

En donnant plus de pouvoirs au Québec, les révolutionnaires tranquilles ont dépouillé le gouvernement fédéral. Il en résulte «un manque de coordination entre le gouvernement fédéral et les provinces, ce qui met en péril tout le système de stabilisation et rend impossible toute planification fédérale, estime Jacques Parizeau. Et dès que l'autorité centrale n'a plus le contrôle des priorités, toute politique économique risque de sombrer dans l'inefficacité». Fédéraliste qu'il était, il devient indépendantiste vers 1967. Il adhère au Parti québécois en 1969.

L'approche du colimaçon

Comme ministre des Finances (1976-1984), Jacques Parizeau s'assure dès 1977 d'aller négocier des emprunts pour financer l'État québécois. Boudé par Toronto et New York, le ministre adopte l'approche du colimaçon. Il négocie des emprunts loin de l'épicentre du séisme. Il se rend en Allemagne, en Suisse et au Japon, puis revient à New York, où les coffres se déverrouillent. La concurrence, c'est merveilleux, s'exclame Jacques Parizeau.

Il redonnera de l'élan à la Caisse qu'il a contribué à faire naître en lançant des opérations de grande envergure. Avec Jean Campeau comme président, la Caisse va se porter acquéreur de Noranda, Gaz Métropolitain, Provigo et Domtar. Quand la Caisse se prépare à acheter un bloc d'actions du Canadien Pacifique, le navire amiral des Québécois devient si menaçant pour le Canada que le Sénat tente de le bloquer avec un projet de loi spécial. Jacques Parizeau incarne la puissance. Le temps des Québécois nés pour un petit pain est bel et bien terminé.

Il contribue au Québec inc. en lançant en 1979 le Régime d'épargne-actions. Tout Québécois qui achète des actions d'une entreprise ayant son siège social au Québec peut déduire cette dépense et payer moins d'impôts. C'est la fin de la sous-capitalisation des entreprises de chez nous. Les Québécois se mettent à jouer à la Bourse. Des entreprises comme Cascades, Jean-Coutu, Bombardier, SNC, Canam Manac ou Québecor doivent leur prospérité à cette initiative.

Lors du référendum d'octobre 1995, Jacques Parizeau, devenu premier ministre, a préparé un ingénieux plan financier visant à maintenir la valeur des titres du gouvernement du Québec. Il s'agit de neutraliser les spéculateurs qui voudraient profiter de l'événement advenant une victoire du «oui». Le ministère des Finances du Québec, la Caisse et Hydro-Québec ont alors 17 milliards de dollars de liquidités pour affronter une éventuelle tempête financière. Les trois institutions financières québécoises (le Mouvement Desjardins, la Banque Nationale et La Laurentienne) ont, quant à elles, 20 G$ de liquidités.

Jacques Parizeau était respecté de la communauté financière internationale. Il était prêt à donner aux Québécois un pays. Il se comportait comme un chef d'État, même si le Québec n'était qu'une province. Son génie vit au travers des institutions qu'il a su créer.

Pierre Duchesne est l'auteur d'une biographie de Jacques Parizeau en trois tomes (Le croisé, Le baron et Le régent). Actuellement conseiller stratégique auprès de l'aile parlementaire du Parti Québécois, il a été journaliste, puis député et ministre dans le gouvernement Marois.

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