Une récession en vue cette année, selon Jacques Nantel

Offert par Les Affaires


Édition du 16 Février 2022

Une récession en vue cette année, selon Jacques Nantel

Offert par Les Affaires


Édition du 16 Février 2022

Par Emmanuel Martinez

Jacques Nantel (Photo: HEC Montréal)

L’ économie québécoise n’est pas au bout de ses peines selon le professeur émérite de HEC Montréal Jacques Nantel, qui prédit une récession plus tard cette année. Il s’agit d’une des répercussions de la crise de la COVID-19 qu’il identifie dans son livre S’en sortir ! Notre consommation entre pandémie et crise climatique. Les Affaires l’a interrogé en vue de la parution de son ouvrage.

Les Affaires – Vous mentionnez dans votre livre qu’on risque de passer d’un statut de «consommateur confiné» à celui de «consommateur assiégé». Que voulezvous dire ?

Jacques Nantel – En étant confiné, on ne pouvait pas faire grand-chose ni vraiment dépenser. Mais dans les prochaines années, le «consommateur assiégé»risque de subir des pressions qu’il n’a pas voulues:l’augmentation de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, la hausse des taux de taxation et la diminution des services en raison de la dette qui devra être abaissée.

L’État a bien fait d’accroître la dette et la masse monétaire pour soutenir l’économie durant la pandémie. Mais cela a créé des problèmes, dont l’inflation, qui était inévitable. Et qui est exacerbée par les ennuis logistiques que connaissent les entreprises.

Il existe deux façons de résorber la dette pour l’État:aller chercher plus d’argent dans la poche des contribuables ou des entreprises et réduire les services. Il y aurait aussi une autre solution, soit la croissance rapide du PIB, mais je n’ai pas trop d’espoir à moyen terme à ce sujet.

 

L. A. – Craignez-vous qu’une inflation plus élevée que 2 % devienne la norme ?

J.N. – J’ai toujours été très sceptique quant à l’objectif de la banque centrale de tenir l’inflation à 2 %. Comme si elle pouvait la contrôler directement ! Il n’existe pas un bouton «inflation»sur lequel elle peut peser. Il n’y a aucun facteur qui pointe vers le scénario voulu par la Banque du Canada:les chaînes d’approvisionnement sont encore bouleversées, la masse monétaire est élevée et la pénurie de main-d’oeuvre ainsi que la hausse du coût de la vie qui engendrent des demandes salariales plus fortes font grimper l’inflation.

Lorsque les salaires commencent à augmenter, cela crée un effet de cliquet. Le prix du bois peut baisser, mais la rémunération peut difficilement reculer. Cela provoque un effet pérenne. L’inflation devient en quelque sorte structurelle. Je m’attends à ce qu’elle soit supérieure à 2 % cette année et même l’an prochain.

 

L.A. – Vous anticipez une récession ?

J.N. – Je ne la souhaite pas, mais je crains qu’elle ne soit inévitable. Il y a beaucoup d’entreprises québécoises qui sont encore sur le respirateur artificiel grâce aux aides gouvernementales qui sont encore extrêmement présentes. Lorsque ce soutien disparaitra, beaucoup d’entre elles ne survivront pas. J’espère me tromper, mais je crois que la récession surviendra au 3e ou au 4e trimestre de cette année.

 

L.A. – L’achat local a été vanté durant la pandémie. Est-ce une tendance qui va se poursuivre ?

J.N. – Oui, mais pas pour les raisons qu’on pense. L’achat local viendra des détaillants, des institutions et des entreprises, pas nécessairement des consommateurs. Cela va se maintenir parce qu’on se rend compte comme société que notre production et notre consommation deviennent vulnérables avec une chaîne d’approvisionnement si longue à l’étranger et donc plus fragile. L’autre conséquence de la pandémie, c’est qu’on a découvert des occasions pour de la production locale. Par exemple, on ne produit pas d’écouvillons au Québec. Mais d’avoir un minimum de production d’ici dans toute sorte de domaines, ce serait sage. Cela devrait être notamment encouragé par l’État par l’entremise des achats institutionnels. La production locale va croître, je n’ai aucun doute.

 

L.A. – Pensez-vous que la consommation a été modifiée par la pandémie ? Quelle est la consommation de demain ?

J.N. – La pandémie risque d’avoir des effets importants pour l’avenir. Certaines dépenses augmenteront pour des raisons structurelles, comme l’habitation, qui grugera une plus grande part du budget des ménages. Ce sera le cas aussi bien pour les locataires que pour les propriétaires, en raison de la hausse des prix et des loyers, conjugués à celle des taux d’intérêt.

De plus, avec les salaires qui devraient moins croître que l’inflation, les consommateurs devront alors comprimer leurs dépenses non essentielles. Ces diminutions vont malheureusement toucher des secteurs qui ont été très affectés par la pandémie, comme la restauration, le divertissement, la culture et le voyage. Je m’attends à un rebond dans ces industries avec le déconfinement, mais après, elles seront sous pression. Par contre, le télétravail engendre moins de dépenses en transport et en habillement.

 

L.A. – Croyez-vous que le monde des affaires a appris de la crise ?

J. N. – J’estime que certaines entreprises ont appris à faire des choses différemment:télétravail, chaîne d’approvisionnement, achat local… Mais c’est l’exception. La plupart des gens aimeraient revenir en 2018 et ne tireront pas de leçons. Quoi qu’on dise et qu’on fasse, il y a une autre crise qui pointe à l’horizon: c’est celle des changements climatiques. La pandémie a été en quelque sorte une répétition générale pour repenser notre économie.

 

NDLR:Les réponses de cette entrevue ont été éditées par souci de clarté et de concision.

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