Trump profite de la perte de confiance envers l'establishment


Édition du 01 Octobre 2016

Trump profite de la perte de confiance envers l'establishment


Édition du 01 Octobre 2016

La grande popularité de Donald Trump auprès d'une bonne partie de l'électorat américain ne s'explique pas par ce qu'il dit, mais plutôt par ce qu'il représente : le désir de changement. Ces électeurs ne font plus confiance aux deux grands pouvoirs qui dirigent leur pays : 1. Wall Street, où les banques manipulent les marchés et tirent profit d'activités souvent frauduleuses ; 2. Washington, où des congressistes sont maintenus en poste par des groupes d'intérêts puissants.

Une raison sous-jacente est la faiblesse de la candidate démocrate, Hillary Clinton, qui est associée à l'establishment politique et financier et qui manque de crédibilité. Bernie Sanders, qui incarnait le changement, aurait été un meilleur candidat pour affronter Donald Trump.

Le scandale de Wells Fargo

Les électeurs désabusés qui s'alimentent des commentaires de tout un chacun sur les médias sociaux ont eu une foule d'occasions de nourrir leur cynisme ces derniers jours.

Commençons par le dernier scandale à survenir dans le monde bancaire, celui de Wells Fargo (troisième banque américaine en ce qui a trait à l'actif sous gestion). Convoqué par un comité du Sénat, son président, John Stumpf, a offert ses plates excuses pour l'ouverture de deux millions de comptes bancaires et de cartes de crédit à l'insu des clients sur huit ans et pour le congédiement des 5 300 employés de succursales qui les avaient ouverts, alors qu'aucun de leurs patrons n'a été viré. Pire encore, on a licencié les employés qui avaient dénoncé ce système.

Ce scandale s'explique par le mode de rémunération incitatif mis en place, dont tout le monde profite dans la hiérarchie de la banque, y compris Stumpf. Interpellée par la justice fédérale, la banque a payé 185 millions de dollars américains d'amendes. Sentant la soupe chaude, la grande patronne du service a annoncé son départ, avec comme récompense pour services rendus 125 M$ US en rentes, actions et options. La sénatrice Élizabeth Warren a demandé à Stumpf de démissionner. S'il quittait, il pourrait partir avec 200 M$ US de rentes, d'actions et d'options. Depuis l'éclatement de la crise, l'action de Wells Fargo a chuté de 6 % par rapport à l'indice bancaire du Dow Jones. Le CA de Wells Fargo est muet. Même chose pour Warren Buffett, l'un des plus importants actionnaires de la banque.

Stumpf est le dernier grand banquier à passer au confessionnal du comité bancaire du congrès au cours des dernières années. Tous s'excusent, mais repartent indemnes. Les péchés sont payés par les actionnaires. Lors du scandale des subprimes (prêts hypothécaires à taux élevé), qui a déclenché la crise de 2008, ce sont 37 milliards de dollars américains d'amendes et d'indemnités que le ministère de la Justice a obtenus des grandes banques impliquées en date du 20 août 2014. Aucun de leurs dirigeants n'a été accusé, malgré les millions de personnes qui ont été victimes de ces malversations. Une nouvelle loi pourrait maintenant permettre de poursuivre les hauts dirigeants de sociétés qui s'adonnent à des malversations pour lesquelles les actionnaires ont payé des dizaines de milliards de dollars d'amendes et d'indemnités diverses.

L'indécence des pharmas

Presque en même temps que Stumpf, un autre comité du congrès a entendu Heather Bresch, présidente de Mylan, qui a tenté de justifier la hausse de 100 $ US en 2007 à 608 $ US en 2016 du prix d'un paquet de deux auto-injecteurs (EpiPen). L'action de Mylan a perdu 15 % de sa valeur en Bourse en quelques semaines.

Cet abus s'ajoute à plusieurs autres : hausse de 3 900 %, à 9 561 $ US, du prix d'un tube de 60 g de crème Aloquin contre l'acné et l'eczéma par Novum Pharma. Avant son rachat par Novum il y a 17 mois, Primus vendait ce tube 241,50 $ US ; hausse de 5 456 % (de 13,50 $ US à 750 $ US) d'une pilule de Daraprim, un médicament pour traiter le VIH, par Turing ; hausse par Retrophin de 1,50 $ US à 30 $ US du prix d'une pilule de Thiola (les patients peuvent consommer jusqu'à 15 pilules par jour). Quand Martin Shkreli, qui a dirigé Retrophin et Turing, a comparu devant le Congrès en février 2016, il a refusé de répondre aux questions des élus. Shkreli est accusé de fraude financière. Enfin, Valeant a elle aussi haussé abusivement le prix de médicaments de sociétés qu'elle rachetait. Les irrégularités qu'on lui reproche ont eu raison de son président et entraîné la chute de 335 à 35 $ CA en un an du prix de son action en Bourse.

Il est facile de comprendre que de nombreux électeurs répudient leurs élites financières et politiques. Ils ne se formalisent pas des inepties de Donald Trump et pensent qu'il a peut-être une chance de faire le ménage.

J'aime

Un citoyen albertain tente de faire autoriser un recours collectif contre LoyaltyOne, gestionnaire d'Air Miles, qui a décidé d'annuler à la fin de 2016 les points gagnés avant le 31 décembre 2011.

Je n'aime pas

Un chirurgien du Centre hospitalier de La Sarre, Issam El-Haddad, a gagné près de 1,5 M$ en 2015. Le chirurgien opère surtout le soir, la nuit et les fins de semaine, ce qui lui permet de multiplier les primes prévues au code de facturation des médecins. Trois facteurs expliquent cette aberration : 1. l'autonomie des médecins ; 2. l'incompétence des gestionnaires de l'établissement ; 3. l'ineptie du système de contrôle de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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