Trump : autodestruction et dommages collatéraux multiples


Édition du 26 Août 2017

Trump : autodestruction et dommages collatéraux multiples


Édition du 26 Août 2017

Sept mois après son élection, Donald Trump ne peut résister à son autodestruction.

Parce que tout ce qu'il dit et entreprend est fait en fonction de sa personne, il détruit jour après jour la capacité de leadership associée à la présidence du plus puissant pays du monde. En mettant sur un pied d'égalité les suprémacistes blancs, les néonazis et autres racistes qui sont allés manifester à Charlottesville et les activistes de Black Lives Matters, d'Antifa et d'autres groupes de gauche («there are very fine people on both sides», a-t-il répété), Trump a convaincu une douzaine de chefs de la direction de grandes sociétés de se dissocier de lui. Insulté, il a aboli les deux comités consultatifs où ils siégeaient, l'un sur les stratégies et les politiques et l'autre sur le secteur manufacturier.

En réalité, ces comités étaient cosmétiques puisque Trump n'écoute personne. Des PDG avaient accepté d'y participer sans doute en espérant influencer certaines politiques et se rapprocher du pouvoir. Ils constatent qu'ils n'ont pas besoin de lui.

Le pouvoir réel du président doit se mériter

Pour devenir président, Trump a pris les rênes du Parti républicain de manière hostile. Une fois en poste, il a nommé des gens dont la loyauté à son égard ne pouvait être mise en doute : sa fille Ivanka, conseillère, son gendre Jared Kushner, à qui il a demandé de régler le conflit israélo- palestinien (ouf !), et Steve Bannon, ex-dirigeant de Breitbart News, un site voué à la promotion de l'alt-right, une idéologie des valeurs de la droite. Après Flynn, Priebus et Spicer, Bannon vient de se faire congédier. Entré en août 2016 au service de Trump à titre de stratège de sa campagne, Bannon partageait plusieurs des points de vue de celui qui allait devenir président, notamment sur l'Obamacare, le ménage dans l'immigration, la construction du mur à la frontière du Mexique et le protectionnisme. Il voulait livrer une guerre commerciale à la Chine.

De retour à Breitbart, Bannon, qui est indépendant d'esprit et de fortune, va régler ses comptes avec plusieurs de ses ennemis : des proches de Trump (Ivanka, M. Kushner), Gary Cohn, conseiller économique, qui est libre-échangiste, le général John Kelly, nouveau chef de cabinet, qui est trop porté aux compromis, et le Parti républicain, qui n'a pas assez de leadership. Bannon dit vouloir défendre de l'extérieur le programme de Trump, que ses ennemis sont en train de détruire. Ça risque de brasser.

Malgré la nomination de John Kelly comme chef de cabinet, la Maison-Blanche restera dysfonctionnelle, surtout à cause de Trump lui-même, qui ne suit aucun conseil, ne respecte aucune consigne, continue de tweeter sans réfléchir, ce qui l'amène à se contredire, à contredire ses proches, à insulter, à accuser, à multiplier ses ennemis et à miner sa crédibilité.

Le pouvoir d'influence du poste de président dépend du leadership de celui qui l'occupe. Or, Trump n'a aucun leadership moral (l'affaire de Charlottesville l'a bien démontré), il est un mauvais administrateur (nominations douteuses à son cabinet) et il est la risée des gens à l'étranger.

Bref, Trump gère comme il est : narcissique, menteur, égocentrique, arrogant, polarisant, méprisant, odieux, incompétent, incapable de rassembler, de reconnaître une erreur et de s'excuser. Il veut se faire admirer et aimer, ce qu'il réussit très bien auprès de sa base d'électeurs.

Trump travaille pour sa propre gloire, comme il l'a toujours fait dans ses aventures financières, où il a intimidé, insulté, réalisé plusieurs faillites, attaqué durement des concurrents, tels des Amérindiens qui voulaient exploiter des casinos, et mené des campagnes odieuses contre des Afro-Américains, faussement accusés d'assassinat à Central Park, et contre Barack Obama, dont il a contesté l'origine américaine pendant cinq ans - par racisme ?

De plus en plus isolé, il continue de s'appuyer sur ceux qui l'ont élu : les hommes blancs qui s'estiment laissés pour compte, les amateurs d'armes à feu, les cols-bleus victimes de la mondialisation, les évangélistes chrétiens, les racistes et autres deplorables dont a parlé Hillary Clinton.

Il a multiplié ses ennemis :

Des membres influents du Congrès, tels Mitch McConnell, président du Sénat, qui «n'a pas livré la réforme sur la santé», le sénateur John McCain, qui n'est «pas un héros de la guerre du Vietnam, car il s'est fait attraper», et le leader de la Chambre des représentants, Paul Ryan, qui «fait trop peu pour protéger le président».

Les milieux d'affaires qui ont cru en lui. Trump s'avère incapable de livrer les baisses d'impôt, la déréglementation et les dépenses d'infrastructures qu'il avait promises. La devise américaine a perdu 9 % de sa valeur en 2017.

Des chefs de gouvernement étrangers. Il a résilié l'Accord de Paris sur les changements climatiques et il menace de répudier l'entente sur le nucléaire avec l'Iran.

Les serviteurs de l'État, qui ne reconnaissent pas sa compétence et sa légitimité, et chez qui il imagine une conspiration contre lui.

Les dommages de l'élection de Trump sont majeurs :

- pour son pays, qui perd de son influence dans plusieurs forums et organisations ;
- pour ses partenaires de l'ALÉNA, le Mexique et le Canada, qui pourraient toutefois bénéficier d'un bon appui des milieux d'affaires, qui désappouvent le protectionnisme de Trump ;
- pour sa famille, qui doit se demander dans quelle galère il l'a entraînée (les enquêtes sur la Russie risquent d'en éclabousser certains) ;
- pour les électeurs de sa base, qu'il décevra et rendra encore plus frustrés ;
- pour la démocratie, la liberté et la tolérance, en raison de la légitimation des actions des groupes racistes de plusieurs pays.

Une question se pose : jusqu'à quand va-t-on le tolérer ?

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Mélanie Joly, ministre fédérale du Patrimoine, demande au CRTC d'obliger les télédiffuseurs privés à consacrer une part raisonnable de leur budget au financement de productions originales au lieu de se contenter d'acheter et de traduire des productions étrangères.

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Les jeunes libéraux ont remis à l'ordre du jour l'opportunité de créer un ordre professionnel dont la mission serait de «protéger le public». On espérerait ainsi mieux évaluer les enseignants et diminuer l'influence des syndicats dans l'exercice de leurs responsabilités. Cette proposition est irréaliste. Puisqu'un ordre professionnel a la responsabilité d'inspecter le travail de ses membres, un tel dispositif serait incompatible avec le rôle de protection que les syndicats exercent à l'endroit de leurs membres. De plus, comme le travail des enseignants est très encadré par les commissions scolaires, c'est à elles que revient le rôle de protection des élèves.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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