Trois grands enjeux interpellent ­Biden: la pandémie, l’économie et la démocratie


Édition du 09 Décembre 2020

Trois grands enjeux interpellent ­Biden: la pandémie, l’économie et la démocratie


Édition du 09 Décembre 2020

Joe Biden (Photo: 123RF)

 

Le succès ou l’insuccès politique et économique de la présidence de ­Joe ­Biden repose sur le résultat des élections du 5 janvier prochain pour les deux postes de sénateur de la ­Géorgie au ­Congrès. Cette élection résulte de la loi électorale de cet État, qui prévoit que ces sénateurs doivent avoir été élus par 50 % des votes plus un, ce qui ne s’est pas produit le 3 novembre dernier.
Si le ­Parti démocrate remporte ces deux sièges, ­celui-ci en aura alors 50, 
à égalité avec le ­Parti républicain. Il sera alors possible pour ­Kamala ­Harris, la nouvelle ­vice-présidente, de voter, donc de dénouer des impasses au bénéfice 
de son parti.
Cette éventualité serait une vraie planche de salut pour ­Biden. En effet, si les républicains conservent leur majorité au sénat, il est sûr que le président y rencontrera la même hostilité que celle dont a été victime ­Barack ­Obama. Il est prévisible en effet que le troupeau de sénateurs républicains adoptera très souvent les tactiques de blocage que leur dictera leur chef, le puissant ­Mitch ­McConnell. C’est lui qui a su coaliser son caucus pour défendre ­Donald Trump lors de la tentative des démocrates de le destituer. McConnell travaille plus pour son parti que pour le pays. Grâce au financement électoral propre aux ­États-Unis, ­McConnell a dépensé 94 millions de dollars américains (M$ ­US) en publicité cet automne pour protéger la réélection d’une douzaine de collègues. ­Ceux-ci lui seront reconnaissants.
En revanche, ­Joe ­Biden a noué de bonnes relations avec plusieurs sénateurs républicains au cours de ses 36 ans au ­Sénat. Cela pourrait l’aider lors de votes serrés malgré l’obstruction du clan ­McConnell.
Grandes priorités
La composition du ­Sénat sera déterminante pour les réponses que devra apporter ­Biden quant à plusieurs sujets sociétaux (division extrême des électeurs, menaces sérieuses à la démocratie, inégalités grandissantes, etc.), pour la réalisation de ses principaux engagements et pour reconstruire ce que ­Trump a saboté.
Quatre urgences s’imposent : développer une stratégie de lutte contre la ­COVID-19 ; organiser la distribution des vaccins avec les États et les grandes villes ; soutenir les victimes de la crise ; relancer l’économie. Au moment où j’écris ce texte, des sénateurs des deux partis travaillent à un plan de soutien de 908 milliards de dollars américains (G $ ­US) visant les chômeurs, les ­PME, les étudiants, les écoles, le transport collectif et les soins de santé.
Biden devra aussi s’attaquer à la réalisation de ses engagements, tels que des investissements de 2 000 G$ ­US dans les énergies vertes, l’extension de l’Obamacare à 97 % de la population, une réforme de la justice criminelle pour civiliser les rapports entre la police et les gens de couleur, le désendettement des étudiants, la hausse du salaire minimum fédéral à 15 $ l’heure, la régularisation des immigrants illégaux, l’abandon de la séparation des enfants et des parents qui traversent illégalement la frontière, la hausse des impôts des riches, grands bénéficiaires de la réforme fiscale trumpienne de 1,9 G$.
Cette réforme a fait croître la dette nationale, qui est passée en quatre ans de 3 800 G$ ­US à 6 800 G$ ­US, soit environ 100 % du ­PIB. Alors que les républicains au ­Congrès ont laissé ­Trump endetter leur pays, plusieurs s’objectent maintenant à ce que ­Biden recourt à la dette pour financer son programme. Avec un taux d’intérêt de 0,8 % sur des obligations de dix ans, plusieurs économistes jugent que le gouvernement peut accroître son endettement.
Tel est d’ailleurs l’avis de l’économiste réputée de ­Harvard et ­ex-présidente de la ­Réserve fédérale, ­Janet ­Yellen, que ­Biden a nommée secrétaire au ­Trésor. Première femme à occuper ce poste, sa nomination brise une autre tradition : elle ne vient pas de ­Wall ­Street. Manifestement, ­Biden mise vraiment sur la compétence dans ses recrutements.
Renouer avec 
le multilatéralisme
Alors que ­Trump a isolé son pays, ­Joe ­Biden devra renouer avec le multilatéralisme. Les ­États-Unis vont rejoindre l’Accord de ­Paris sur le climat, et rassurer l’OTAN et l’Organisation mondiale de la santé, à qui ­Trump a menacé de couper du financement.
Biden devra aussi s’attaquer à plusieurs problèmes ignorés ou créés par ­Trump : le programme nucléaire de la ­Corée du ­Nord, la rupture de l’accord avec l’Iran sur le nucléaire, le rapatriement de 2 500 militaires de l’Afghanistan alors que les talibans et l’ISIS rebondissent, le retrait anticipé de soldats de l’Iraq, où l’ISIS survit, les tensions toujours vives au ­Moyen-Orient et, bien sûr, l’expansion de l’influence de ­Beijing dans la mer de ­Chine orientale et à ­Hong ­Kong.
La ­Chine vient de créer le ­Partenariat régional économique global (PREG) avec 14 autres pays de la zone du ­Pacifique, dont le ­Japon, la ­Corée, ­Singapour, l’Australie, la ­Nouvelle-Zélande. Ce groupe représente 2,4 milliards d’habitants, 30 % de la richesse mondiale et 50 % de la production manufacturière mondiale. C’est la réponse de la ­Chine à l’Accord de partenariat transpacifique, duquel les ­États-Unis se sont retirés après l’élection de ­Trump. Ce partenariat, dont fait partie le ­Canada, 
a été signé, mais il s’agit d’un poids plume par rapport au ­PREG.
Biden devra aussi renouer avec l’Europe, que ­Trump a tenté de torpiller, mais c’est surtout avec la ­Chine qu’il presse de rouvrir un dialogue. Deuxième puissance économique mondiale, la ­Chine étend son influence méthodiquement et rapidement. Elle restera une concurrente déterminée, mais il nous importe de nous en faire un partenaire relativement aux grands enjeux qui menacent notre planète. 

 

CHRONIQUE. Le succès ou l’insuccès politique et économique de la présidence de ­Joe ­Biden repose sur le résultat des élections du 5 janvier prochain pour les deux postes de sénateur de la ­Géorgie au ­Congrès. Cette élection résulte de la loi électorale de cet État, qui prévoit que ces sénateurs doivent avoir été élus par 50 % des votes plus un, ce qui ne s’est pas produit le 3 novembre dernier.

Si le ­Parti démocrate remporte ces deux sièges, ­celui-ci en aura alors 50, à égalité avec le ­Parti républicain. Il sera alors possible pour ­Kamala ­Harris, la nouvelle ­vice-présidente, de voter, donc de dénouer des impasses au bénéfice de son parti.

Cette éventualité serait une vraie planche de salut pour ­Biden. En effet, si les républicains conservent leur majorité au sénat, il est sûr que le président y rencontrera la même hostilité que celle dont a été victime ­Barack ­Obama. Il est prévisible en effet que le troupeau de sénateurs républicains adoptera très souvent les tactiques de blocage que leur dictera leur chef, le puissant ­Mitch ­McConnell. C’est lui qui a su coaliser son caucus pour défendre ­Donald Trump lors de la tentative des démocrates de le destituer. McConnell travaille plus pour son parti que pour le pays. Grâce au financement électoral propre aux ­États-Unis, ­McConnell a dépensé 94 millions de dollars américains (M$ ­US) en publicité cet automne pour protéger la réélection d’une douzaine de collègues. ­Ceux-ci lui seront reconnaissants.

En revanche, ­Joe ­Biden a noué de bonnes relations avec plusieurs sénateurs républicains au cours de ses 36 ans au ­Sénat. Cela pourrait l’aider lors de votes serrés malgré l’obstruction du clan ­McConnell.

Grandes priorités

La composition du ­Sénat sera déterminante pour les réponses que devra apporter ­Biden quant à plusieurs sujets sociétaux (division extrême des électeurs, menaces sérieuses à la démocratie, inégalités grandissantes, etc.), pour la réalisation de ses principaux engagements et pour reconstruire ce que ­Trump a saboté.

Quatre urgences s’imposent : développer une stratégie de lutte contre la ­COVID-19 ; organiser la distribution des vaccins avec les États et les grandes villes ; soutenir les victimes de la crise ; relancer l’économie. Au moment où j’écris ce texte, des sénateurs des deux partis travaillent à un plan de soutien de 908 milliards de dollars américains (G $ ­US) visant les chômeurs, les ­PME, les étudiants, les écoles, le transport collectif et les soins de santé.

Biden devra aussi s’attaquer à la réalisation de ses engagements, tels que des investissements de 2 000 G$ ­US dans les énergies vertes, l’extension de l’Obamacare à 97 % de la population, une réforme de la justice criminelle pour civiliser les rapports entre la police et les gens de couleur, le désendettement des étudiants, la hausse du salaire minimum fédéral à 15 $ l’heure, la régularisation des immigrants illégaux, l’abandon de la séparation des enfants et des parents qui traversent illégalement la frontière, la hausse des impôts des riches, grands bénéficiaires de la réforme fiscale trumpienne de 1,9 G$.

Cette réforme a fait croître la dette nationale, qui est passée en quatre ans de 3 800 G$ ­US à 6 800 G$ ­US, soit environ 100 % du ­PIB. Alors que les républicains au ­Congrès ont laissé ­Trump endetter leur pays, plusieurs s’objectent maintenant à ce que ­Biden recourt à la dette pour financer son programme. Avec un taux d’intérêt de 0,8 % sur des obligations de dix ans, plusieurs économistes jugent que le gouvernement peut accroître son endettement.

Tel est d’ailleurs l’avis de l’économiste réputée de ­Harvard et ­ex-présidente de la ­Réserve fédérale, ­Janet ­Yellen, que ­Biden a nommée secrétaire au ­Trésor. Première femme à occuper ce poste, sa nomination brise une autre tradition : elle ne vient pas de ­Wall ­Street. Manifestement, ­Biden mise vraiment sur la compétence dans ses recrutements.

Renouer avec le multilatéralisme

Alors que ­Trump a isolé son pays, ­Joe ­Biden devra renouer avec le multilatéralisme. Les ­États-Unis vont rejoindre l’Accord de ­Paris sur le climat, et rassurer l’OTAN et l’Organisation mondiale de la santé, à qui ­Trump a menacé de couper du financement.

Biden devra aussi s’attaquer à plusieurs problèmes ignorés ou créés par ­Trump : le programme nucléaire de la ­Corée du ­Nord, la rupture de l’accord avec l’Iran sur le nucléaire, le rapatriement de 2 500 militaires de l’Afghanistan alors que les talibans et l’ISIS rebondissent, le retrait anticipé de soldats de l’Iraq, où l’ISIS survit, les tensions toujours vives au ­Moyen-Orient et, bien sûr, l’expansion de l’influence de ­Beijing dans la mer de ­Chine orientale et à ­Hong ­Kong.

La ­Chine vient de créer le ­Partenariat régional économique global (PREG) avec 14 autres pays de la zone du ­Pacifique, dont le ­Japon, la ­Corée, ­Singapour, l’Australie, la ­Nouvelle-Zélande. Ce groupe représente 2,4 milliards d’habitants, 30 % de la richesse mondiale et 50 % de la production manufacturière mondiale. C’est la réponse de la ­Chine à l’Accord de partenariat transpacifique, duquel les ­États-Unis se sont retirés après l’élection de ­Trump. Ce partenariat, dont fait partie le ­Canada, a été signé, mais il s’agit d’un poids plume par rapport au ­PREG.

Biden devra aussi renouer avec l’Europe, que ­Trump a tenté de torpiller, mais c’est surtout avec la ­Chine qu’il presse de rouvrir un dialogue. Deuxième puissance économique mondiale, la ­Chine étend son influence méthodiquement et rapidement. Elle restera une concurrente déterminée, mais il nous importe de nous en faire un partenaire relativement aux grands enjeux qui menacent notre planète. 

 

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J’aime

Québec vient d’annoncer un nouveau programme de requalification de la ­main-d’œuvre de 115 M$ qui s’adressera aux chômeurs qui suivront une formation menant à des professions et des métiers présentant de bonnes perspectives d’emploi. Ce programme est inclus dans les 459 M$ d’investissements d’ici 2022 annoncés récemment à cette fin par le ministre des ­Finances. De côté, ­Ottawa consacrera 1,5 G $ en 2020‑2021 pour la formation de la ­main-d’œuvre, en partenariat avec les provinces. Les clientèles visées sont les personnes non admissibles à l’­assurance-emploi, les ­Autochtones, les personnes handicapées, les jeunes, les travailleurs âgés et les immigrants.

Je n’aime pas

Element ­AI a été la plus grande bénéficiaire privée de l’aide de l’État dans le développement de l’intelligence artificielle à ­Montréal. Elle est une pièce maîtresse de cet écosystème, dont fait partie le ­MILA, l’Institut québécois d’intelligence artificielle rattaché à l’Université de ­Montréal, qui a reçu beaucoup d’argent de l’État. Element ­AI, qui vient d’être vendue à la société californienne ­ServiceNow, continuera d’exister, mais on en sait toujours très peu sur les liens opaques qui l’unissent au ­MILA, sur ses succès ou ses déboires, sur le prix de la transaction, sur les gains réalisés par ses actionnaires, sur l’évolution de son effectif à ­Montréal, ni sur la valeur de la propriété intellectuelle cédée à ­ServiceNow. 

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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