Le gouvernement Marois s'est rendu aux arguments d'Alcoa qui demandait une réduction du prix de l'électricité achetée par ses usines d'aluminium primaire de Baie-Comeau, Bécancour et Deschambault.
L'énergie est le coût le plus important de la production d'aluminium. C'est d'ailleurs grâce à ses considérables ressources hydroélectriques à bon marché que le Québec est devenu un important producteur d'aluminium, avec une part de marché mondial de 8 %.
Alcoa paie actuellement son électricité au prix d'environ 2,8 cents le kilowattheure (kWh) en vertu de contrats spéciaux à long terme consentis il y a deux décennies et qui expireront à la fin de 2014. Ce prix est indexé sur le prix mondial de l'aluminium, qui est très bas actuellement.
Sans le rabais consenti par le gouvernement du Québec, Alcoa aurait dû payer le tarif L des grands consommateurs, qui doit passer de 4,25 ¢ le kWh à 4,46 ¢ si la hausse demandée par Hydro-Québec (HQ) est acceptée. La facture d'énergie du fabricant serait passée de 350 millions de dollars, cette année, à 570 M$.
Grâce à l'entente intervenue, Alcoa paiera à compter de 2015 un tarif de 3,3 ¢ le kWh, qui sera par la suite indexé selon une formule semblable aux contrats spéciaux. Sa facture sera alors d'environ 420 M$ au prix actuel de l'aluminium. Toutefois, cette facture augmentera dès que le prix du métal remontera, ce qui se produira quand les surplus de capacité de production s'estomperont. C'est pourquoi plusieurs fabricants continuent de fermer des entités de production dont les coûts sont très élevés.
Le contrat consenti par Québec aura une durée de 15 ans et ne vaut que pour ses trois usines de production d'aluminium primaire. Avec raison, les usines de transformation d'Alcoa ne bénéficient pas du tarif favorable. Toutefois, on peut penser que les autres alumineries du Québec profiteront également d'un tarif plus avantageux que le tarif L lorsque leurs contrats d'achat d'électricité devront être renouvelés.
Des retombées très importantes
Le gouvernement Marois a pris une bonne décision pour plusieurs raisons :
- À 3,3 ¢ le kWh, le nouveau tarif se situe au milieu du deuxième quartile des prix d'électricité payés par l'industrie mondiale de l'aluminium, alors que le tarif L actuel et futur (après la hausse demandée par HQ) se retrouve dans le quatrième quartile des prix payés par les producteurs. Certes, le prix payé par nos alumineries sera inférieur au coût de production des dernières centrales construites par HQ, mais il sera supérieur à son coût moyen de production ;
- Alcoa paiera son énergie plus cher que ce que HQ a obtenu l'an dernier sur le marché de l'exportation ;
- Il est évident qu'Alcoa n'aurait pas déménagé sa production demain matin sans cette concession tarifaire, mais elle n'aurait pas été encouragée à investir pour accroître sa productivité. Alcoa investira 150 M$ pour moderniser son complexe de Baie-Comeau et 100 M$ dans ses autres installations. Avec les surplus de capacité et les faibles prix d'électricité que l'on retrouve dans certaines régions, on peut penser qu'il ne s'ajoutera pas beaucoup de capacité de production au Québec dans un proche avenir ; il importait de protéger notre part de marché ;
- L'industrie de l'aluminium est un important producteur de richesse au Québec. Elle fournit 10 000 emplois directs, 20 000 emplois indirects et verse des pensions à 10 000 retraités. Elle contribue à 10 % des exportations du Québec et achète des biens et services de 4 500 PME. De plus, 1 800 entreprises font de la transformation de l'aluminium au Québec. Au total, ce sont 3 milliards de dollars qui sont injectés chaque année par cette industrie dans notre économie ;
- L'aluminium produit au Québec est fabriqué avec de l'hydroélectricité, une énergie renouvelable. Son impact sur les émissions de gaz à effet de serre est ainsi beaucoup plus faible que le métal gris fabriqué en Chine, aux États-Unis et au Moyen-Orient, où l'énergie utilisée est surtout issue d'hydrocarbures et du charbon ;
- L'aluminium est un important créneau du secteur manufacturier. Il appuie ainsi tout un réseau de sous-traitants et de spécialistes qui seraient moins disponibles pour d'autres transformateurs de métaux ;
- Le soutien de notre industrie de l'aluminium est capital pour l'utilisation de nos importants surplus de capacité de production d'électricité.
Puisque ces surplus sont appelés à augmenter à la suite des contrats de production d'énergie éolienne et de la réalisation du complexe de la rivière Romaine, le gouvernement a raison de les utiliser pour attirer chez nous de grands consommateurs d'énergie. Cette énergie est propre et renouvelable. Faisons-en un vecteur de développement de notre secteur manufacturier et un outil de création de richesse.