Revenu Canada: un service à la clientèle exécrable et intolérable


Édition du 09 Décembre 2017

Revenu Canada: un service à la clientèle exécrable et intolérable


Édition du 09 Décembre 2017

[Photo : 123RF]

En dénonçant le fiasco du système de paye Phénix du gouvernement fédéral, le dernier rapport du Vérificateur général du Canada (VG) a pu détourner votre regard de l'exécrable qualité du service de l'Agence du revenu du Canada (ARC). Et pourtant...

Les constats du VG sont ahurissants. Non seulement les agents de l'ARC multiplient les erreurs et laissent en plan des contribuables qui les appellent, mais l'Agence se révèle incompétente dans sa gestion et pousse le mépris jusqu'à produire de faux rapports sur son efficacité.

Voici quelques données du rapport du VG :

> Au cours de la période de 12 mois se terminant le 31 mars 2017, les agents des centres d'appels de l'ARC n'ont répondu qu'à 32 % des appels des contribuables. Environ 14 % des appels ont été envoyés à un service automatisé sans possibilité de revenir pour parler à un agent. Les autres 54 % des appels ont frappé une ligne occupée ou ont été dirigés vers un message automatisé suggérant de consulter le site de l'Agence ou de rappeler plus tard.

> Comment se compare l'ARC à cet égard ? Selon le rapport du VG, les 68 % d'appels bloqués de l'ARC se comparaient très défavorablement pour l'exercice 2015-2016 aux 44 % observés aux États-Unis, aux 27 % du Royaume-Uni et aux 5 % de l'Australie.

> Pour vérifier l'exactitude des renseignements fournis aux contribuables, le VG a formulé 17 questions et fait 255 appels dans les centres d'appels de l'ARC entre février et avril 2017. Quand un appelant a pu parler à un agent pour demander un renseignement, il s'est fait servir une réponse erronée dans près de 30 % des cas. Dans un cas, le taux d'erreur a même été de 84 %. Cette question était la suivante : «Quand l'ARC commencera-t-elle à facturer des intérêts sur le montant de ma cotisation initiale de 2015 ?» La bonne réponse était le 2 mai 2016, le lundi suivant la date du samedi 30 avril, date limite de la remise des déclarations de revenus.

> L'ARC évalue mal la qualité de son service à la clientèle, qui est captive. Elle a un système d'écoute des réponses données par ses agents (six appels par agent par trimestre), mais celui-ci n'est pas fiable. Elle fait parfois écouter des appels par un «écoutant accrédité», qui est assis à côté des agents qui font l'objet d'une vérification. Une autre méthode utilisée consiste à faire faire des appels par des collègues des agents surveillés, qui détectent alors la voix des appelants. Résultat : l'ARC estime avoir un taux de réponses inexactes de 6 % à 7 %, ce qui est loin des 30 % de l'enquête du VG. Or, l'ARC n'a recommandé une formation supplémentaire qu'à 3 % de ses agents. Cela prouve son manque d'intérêt pour la qualité de son service à la clientèle.

Les conséquences de cette inefficacité peuvent être très préjudiciables aux contribuables. Frustrés de ne pouvoir parler à un agent ou obtenir une réponse, certains laissent tomber, se disant qu'il n'y a rien à espérer de cette agence indolente. D'autres peuvent payer trop d'impôt sans avoir le moyen de le vérifier. D'autres encore peuvent perdre des prestations auxquels ils auraient droit. À l'inverse, certains ne paient pas les impôts qu'ils devraient payer, ce qui est injuste pour les autres contribuables.

Situation intolérable

Cette incurie est non seulement profondément méprisable, mais elle ne doit pas être tolérée par le gouvernement. Acculée au pied du mur par le VG, l'ARC n'a pas cherché à nier ses torts et elle a promis de mieux former ses agents.

L'ARC a bénéficié d'une augmentation de son budget et de son effectif (23 %) depuis cinq ans, mais l'impact sur la qualité du service de son service a été à peu près nul. Naturellement, le volume d'appels est astronomique (53,5 millions au cours de la période de 12 mois terminée le 31 mars 2017, en hausse de 27 %) et les lois fiscales se complexifient constamment. Ce n'est toutefois pas une raison pour se foutre à ce point des contribuables. D'ailleurs, le nombre d'appels serait moins élevé s'il y avait moins d'erreurs dans les avis de cotisation. Il est aussi probable que la croissance des ressources de l'ARC ait surtout servi à combattre la fraude et l'évitement fiscal, ce qui est évidemment pertinent. Toutefois, on ne sait pas ce qui a été vraiment récupéré des 25 milliards de dollars de pertes fiscales que le gouvernement prétend avoir relevées à ce titre.

Les contribuables méritent d'avoir un service de qualité de l'ARC, ce qui est lié à son obligation de bien les servir. Malgré le dossier accablant du VG, il importe toutefois de reconnaître la politesse et la patience de ses agents.

La ministre responsable de l'ARC a tout à fait raison d'accroître la lutte contre la fraude et l'évitement fiscal ici et à l'étranger, mais elle se doit aussi d'amener l'ARC à mieux servir les contribuables. Deux priorités s'imposent à cet égard : une meilleure formation de ses agents et un système indépendant d'évaluation de la qualité de son service à la clientèle.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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