Rémunération des dirigeants: place au réveil des actionnaires


Édition du 09 Mai 2015

Rémunération des dirigeants: place au réveil des actionnaires


Édition du 09 Mai 2015

Phénomène nouveau au Canada, des actionnaires de sociétés en Bourse ont rejeté récemment la rémunération de leurs hauts dirigeants. Il s'agit toutefois de votes consultatifs. Selon le cabinet d'avocats Osler, environ 150 sociétés inscrites à la Bourse de Toronto ont tenu un tel vote en 2014.

Le bal a commencé à l'assemblée annuelle de la Banque CIBC, le 23 avril, quand il a été révélé que des actionnaires qui détenaient 57 % des droits de vote avaient rejeté le programme de rémunération de ses principaux dirigeants. Les actionnaires n'ont pas aimé les 16,7 millions de dollars et 8,5 M$ d'avantages de retraite anticipée accordés respectivement au chef de la direction sortant de la banque, Gerald McCaughey, et à son ex-chef de l'exploitation, Richard Nesbitt.

C'est la seconde fois depuis 2013. Les actionnaires détenant 85 % des droits de vote de Barrick Gold avaient alors rejeté la décision de son conseil d'administration d'accorder en 2012 à John L. Thornton une rémunération de 17 M$ US, dont 12 M$ US à titre de prime à la signature. M. Thornton, qui avait été nommé coprésident du conseil (aux côtés de Peter Munk, fondateur), avait été président de Goldman Sachs de New York, où la rémunération est stratosphérique.

Manifestement, M. Thornton et son conseil n'ont rien appris puisque des actionnaires détenant 75 % des droits de vote de Barrick ont rejeté, le 28 avril, le programme de rémunération de sa haute direction. Les actionnaires de Barrick sont mécontents des pertes subies de 10 milliards de dollars américains en 2013 et de 3 G$ US en 2014. Quant au titre de l'aurifère, il a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis janvier 2013. M. Thornton a promis de revoir éventuellement la rémunération des dirigeants, mais il n'a renoncé à rien.

Le 29 avril, c'était au tour du président de la minière Yamana Gold, Peter Marrone, de goûter à la colère des actionnaires détenant 63 % des droits de vote. La rémunération de base de M. Marrone a subi une diminution de 45 % à 5,8 M$ en 2014, mais on y a ajouté une prime de 2,7 M$ pour l'achat de 50 % d'Osisko et d'autres avantages valant 2,8 M$... malgré une chute de 43 % du titre en Bourse depuis un an. M. Marrone a toutefois renoncé aux 450 000 unités d'actions de performance qu'il avait obtenues.

Investisseurs institutionnels

La prise de conscience des actionnaires n'est toutefois pas généralisée. Les votes de protestation viennent surtout de caisses de retraite et d'autres investisseurs institutionnels qui suivent les recommandations de deux organisations spécialisées dans l'évaluation des systèmes de rémunération des sociétés inscrites, Institutional Shareholder Services et Glass, Lewis & Co.

Par contre, les actionnaires de Goldcorp et d'Agnico Eagle ont ignoré une recommandation analogue de Glass, Lewis, mais ils ont sans doute apprécié les baisses de 14 % et 20 % de la rémunération de leurs chefs de la direction respectifs.

Les sociétés ne semblent pas indifférentes à l'opinion des actionnaires. Les banques TD, Scotia et CIBC ont réduit de 33 % la rémunération de leur nouveau chef de la direction, par rapport à celle de leur prédécesseur. La Banque Royale a fait de même avec une diminution de 17 %.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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