[Photo : 123RF]
Donald Trump avait promis une très grande réforme fiscale. Il avait aussi promis qu'elle n'avantagerait pas les riches et qu'il en serait un très grand perdant. Tout cela est faux.
Il aurait été inimaginable qu'il en soit autrement puisque Trump voit l'État comme sa chose et qu'il partage l'idéologie des leaders républicains. Trump s'est entouré de milliardaires, alors que plusieurs républicains sont financés par de puissants lobbies industriels et financiers. On sait aussi que le leader républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, est un adepte de la philosophie d'Ayn Rand, qui prône un capitalisme individualiste, le libertarianisme, l'égoïsme et le «laissez-faire» par rapport à toute contrainte de l'État. Le mouvement Tea Party, que financent les frères milliardaires Koch, et qui réunit de plus en plus de législateurs républicains, s'appuie sur cette idéologie destructrice de la société américaine.
Inégalitaire et antagoniste
Cette réforme fiscale réduit les taux d'impôt fédéral de tous les particuliers, mais élimine les exemptions personnelles et plafonne à 10 000 $ la déduction de l'impôt fédéral des taxes payées aux États et aux municipalités (tous les dollars de ce texte sont en dollars américains). En revanche, la déduction de base est presque doublée à 12 000 $ pour une personne seule et à 24 000 $ pour un couple. Globalement, les réductions sont plus généreuses pour les contribuables à haut revenu que pour ceux qui gagnent peu. De plus, le fait que le taux marginal le plus élevé passe de 39,6 % à 37 % profitera surtout aux plus riches. Autre avantage, la déduction de l'impôt sur les successions est haussée à 22 M$ d'actifs transférés par un couple (11 M$ pour une personne seule).
De plus, les propriétaires de sociétés qui bénéficient d'un pass-through (comme ils ne paient pas d'impôt, leurs profits sont imposés entre les mains de leurs actionnaires ; on les trouve surtout dans le secteur immobilier), le président Trump en contrôlerait environ 500, et une quinzaine de sénateurs en possèdent aussi. Cet avantage a été accordé pour sécuriser le vote de certains sénateurs. Fait significatif, c'est le secteur immobilier qui, parmi toutes les industries, bénéficiera de la plus importante baisse de son fardeau fiscal.
Autre privilège, le carried interest, que Trump avait juré d'éliminer, a été maintenu in extremis. Cet échappatoire permet de traiter comme gains en capital les revenus personnels tirés d'un partenariat dans des fonds d'investissement privés comme Blackstone, KKR, etc.
En avantageant les plus fortunés, la réforme accentuera les inégalités, qui ne cessent de croître au sein de la société américaine. Autre facteur d'appauvrissement des moins nantis, l'abolition de la pénalité imposée aux personnes qui refusent d'adhérer à une assurance santé aura pour effet de sortir jusqu'à 13 millions d'assurés du programme, d'accroître les primes d'assurance de ceux qui y resteront et de décourager l'adhésion à ce système. C'est une façon d'affaiblir l'Obamacare que Trump et les républicains ont juré de détruire. Ils y arriveront peut-être.
Autre facteur important de division parmi les citoyens, alors que les baisses d'impôt des sociétés, dont le taux général passera de 35 % à 21 %, sont permanentes, les mesures touchant les particuliers prendront fin en 2025, huit ans après l'élection de Trump. Il appartiendra à un autre président de récupérer ce cadeau empoisonné.
Cet ensemble de mesures explique pourquoi 53 % des Américains désapprouvent cette réforme, alors que 35 % l'approuvent. Plus de 60 % d'entre eux croient qu'elle avantagera les grandes sociétés, les riches, Wall Street et les grands donateurs aux partis, et plus de 40 % pensent qu'elle pénalisera les pauvres, la classe moyenne et les PME. Ils ont raison.
Incohérence économique
Le retour en 2025 aux taux d'imposition des particuliers d'avant la réforme s'explique par les limites au déficit que le Sénat doit respecter. C'est une admission que l'important manque à gagner créé par la réforme fiscale ne sera pas comblé par la croissance de l'économie et de l'emploi qu'elle doit générer selon les messages envoyés aux électeurs par Trump et les bonzes républicains du Congrès.
Les manques à gagner pour l'État qui résultent des baisses de l'impôt des sociétés et des particuliers s'élèveraient respectivement à 1 350 G$ et à 1 200 G$. Même si cette réforme stimulera l'investissement des sociétés, accroîtra leur productivité et créera des emplois et de la richesse, il s'ensuivra néanmoins une hausse du déficit du gouvernement fédéral de 1 460 G$ en dix ans. C'est énorme et même dangereux, sinon irresponsable puisque la dette publique du gouvernement dépasse déjà 100 % du PIB américain.
Jumelée au protectionnisme agressif du président, cette réforme aura un impact majeur sur notre économie. Il importe que nos ministres des Finances intègrent cette nouvelle compétitivité américaine dans les analyses préparatoires aux budgets qu'ils nous présenteront bientôt. la
Il importe que nos ministres des Finances intègrent la nouvelle compétitivité américaine dans les analyses préparatoires aux budgets qu'ils nous présenteront bientôt.
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