Nouvelles compétences, nouveaux emplois


Édition du 11 Mai 2019

Nouvelles compétences, nouveaux emplois


Édition du 11 Mai 2019

Par Olivier Schmouker

(Photo: 123RF)

D'ici 2022, 54 % des employés à l'échelle mondiale devront acquérir de nouvelles compétences. Sans quoi, la porte de la sortie risque fort de leur être montrée. C'est ce qu'affirme un rapport du Forum économique mondial.

Il ne s'agira pas, alors, de modifier un ou deux talents professionnels. Non, ces employés-là devront changer pas moins de 42 % de leurs compétences. «L'idée, c'est de mettre de côté le savoir-faire pour accorder davantage de place au savoir-être. Ce qui est l'exact opposé de tout ce à quoi on est habitué dans nos milieux de travail», explique Jenny Ouellette, fondatrice de la firme-conseil pour cadres BonBoss.ca.

Une étude du cabinet-conseil McKinsey & Company montre en effet que les talents professionnels de demain sont de trois types :

> Les compétences cognitives. Elles comprennent, entre autres, la pensée critique, l'esprit de synthèse, la résolution de problèmes complexes, la créativité, l'écoute et la persuasion.

> Les compétences sociales. Il s'agit notamment de l'intelligence émotionnelle, de l'empathie, de l'influence, de la négociation et de la capacité à travailler en équipe.

> Les compétences technologiques. Elles concernent la maîtrise de la technologie, ce qui passe par l'analyse de données et la programmation.

«Chacun devra effectuer la vente-débarras de ses compétences, en se demandant lesquelles il lui faut abandonner - surtout les techniques - et lesquelles il lui faut acquérir - surtout les non techniques. L'erreur, ce serait de chercher à en prendre toujours plus, et donc d'accumuler les savoirs pour rien. Il faut plutôt en profiter pour viser une sorte de «simplicité volontaire professionnelle»«, dit Julie Carignan, psychologue organisationnelle, de la firme-conseil SPB, lors du dernier Congrès RH de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA).

Vers l'ère du travailleur occasionnel

«Nous ne pouvons plus nous contenter de remodeler, ni même de réinventer nos métiers. Il nous faut carrément les «réimaginer». Maintenant», lance Pascal Occean, associé, Transformation des RH, chez Deloitte, lors de l'événement HR Tech Montréal.

Et de souligner : «Le temps est venu de passer du capital humain au capital social.»

Qu'est-ce à dire, au juste ? Que l'heure est à la révolution managériale. Ni plus ni moins.

Les employeurs doivent arrêter de se voir à la tête d'un groupe d'humains chargés de faire croître leur activité commune. Il leur faut plutôt se percevoir au coeur d'un vaste réseau de connexions dont la mission est de faire croître tout le monde de manière harmonieuse.

«En conséquence, le concept même d'employé est appelé à muter, dit Amanda Nichols, directrice principale, Pratique commerciale, secteurs du commerce de détail, de l'hôtellerie et des services d'alimentation, du cabinet-conseil en ressources humaines Kronos, lors du HR Tech Montréal. Le débat à propos de la disparition progressive des emplois à temps plein est d'ores et déjà futile, car nous serons tous demain des «travailleurs occasionnels», c'est-à-dire des individus qui travailleront par périodes de temps, dans différents champs d'activités, en fonction des missions qui leur sont confiées par des entreprises. Et qui, le reste du temps, suivront différents programmes de formation.»

Une vision du futur corroborée par les travaux de John Boudreau, professeur de management à l'Université de Californie du Sud, à Los Angeles, et de Ravin Jesuthasan, directeur général du cabinet-conseil Willis Towers Watson, de Chicago, divulgués dans leur livre Reinventing jobs : A 4-Step Approach for Applying Automation to Work.

En voici les trois faits saillants :

> Apprentissage continuel. Jusqu'à présent, une carrière revenait à «apprendre, faire et partir à la retraite». Désormais, nous serons en apprentissage continuel : «apprendre, faire, apprendre, faire, relaxer, faire...»

> Rémunérations hétéroclites. Jusqu'à présent, nous touchions des salaires. Désormais, les rémunérations seront disparates : chacun sera payé sur mesure, en fonction des efforts et des talents mis en oeuvre.

> Panoplie de compétences. Jusqu'à présent, nous avions une liste de tâches à accomplir. Désormais, chacun présentera une panoplie de compétences susceptibles de booster la performance de l'équipe.

Tout cela se concrétise aujourd'hui au Canada : 43 % des employeurs prévoient recourir davantage aux travailleurs contractuels d'ici 2020, et utiliser plus de pigistes et de travailleurs occasionnels dans une proportion de 25 % et de 20 % respectivement, selon une étude de Deloitte.

Pas le choix, donc, d'apprendre tout au long de notre vie et de nous adapter à chaque mission qui nous sera confiée, aussi distincte de la précédente soit-elle. D'ailleurs, l'Institut Brookfield le souligne clairement dans son récent rapport intitulé «C'est le début d'un temps nouveau : Changements ayant une incidence sur l'avenir de l'emploi au Canada» : «Bientôt, l'apprentissage professionnel ne connaîtra pas de début ni de fin, d'autant plus que bon nombre des emplois du futur n'ont pas encore été déterminés, y est-il noté. Un signe ne trompe pas : 400 000 Canadiens sont actuellement inscrits à des programmes universitaires de formation continue, et ce n'est qu'un début.»

Une relève mal préparée?

Le monde du travail va changer du tout au tout en un clin d'oeil. La relève est-elle prête ? La réponse est négative, si l'on en croit une étude nord-américaine de McKinsey & Company et de Microsoft : «Au vu des systèmes éducatifs actuels, moins de 50 % des étudiants d'aujourd'hui seront aptes à prendre les virages professionnels qui leur seront imposés dans les prochaines années, y est-il noté. Car des compétences qui seront incontournables demain - curiosité, empathie, leadership... - ne leur sont pas assez bien enseignées.»

À cela s'ajoute un fait aggravant : la plupart des enseignants n'ont pas conscience de l'inefficacité de leurs cours actuels. «Par exemple, près de 50 % des enseignants considèrent qu'ils aident activement leurs élèves à développer leurs compétences socioémotionnelles, mais lorsqu'on demande aux mêmes élèves ce qu'il en est, seuls 30 % d'entre eux estiment que leur professeur les aide en ce sens», indique l'étude.

La solution? Elle passe, en toute logique, par une mutation profonde de nos systèmes éducatifs. Le hic, c'est que ce genre de transformation radicale prend du temps, ce que n'a justement pas la relève.

Alors? Nicholas Papageorge, professeur d'économie à l'Université Johns-Hopkins, à Baltimore (États-Unis), et son équipe de chercheurs ont une suggestion originale : encourager la «rébellion constructive» auprès des élèves. Ils ont en effet découvert que ceux qui étaient promis à un bel avenir professionnel étaient ceux qui avaient aujourd'hui de «mauvais comportements» en cours - en vérité, des comportements qui leur permettent d'éveiller leurs talents socioémotionnels (ex.: lancer des réponses farfelues ou rigolotes), quitte à ce que cela perturbe le déroulement du cours, trop «rigide» et «plate» à leurs yeux. À une condition, primordiale, cependant, à savoir qu'ils parviennent malgré tout à se doter de solides connaissances. Autrement dit, demain appartient aux jeunes à la fois turbulents et curieux d'apprendre, à ceux qui pétillent d'intelligence. Et les enseignants se doivent non pas de les brimer, mais de les encourager à pétiller de plus belle.

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