Modèle agricole de Pangea : plus d'avantages que d'inconvénients


Édition du 12 Mai 2018

Modèle agricole de Pangea : plus d'avantages que d'inconvénients


Édition du 12 Mai 2018

Le modèle de ­Pangea est pertinent. Il consolide la production céréalière, accroît sa productivité et la rentabilise. [Photo : 123RF]

Une étude commandée l'an dernier par le ministre de l'Agriculture des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ), Laurent Lessard, juge plutôt positif le modèle agricole de Pangea, une société en commandite créée par l'homme d'affaires Charles Sirois et l'agriculteur Serge Fortin, qui exploite des terres céréalières dans la région de Lanaudière. Cependant, comme l'Union des producteurs agricoles (UPA) n'est pas satisfaite de ce résultat, le ministre a décidé de faire effectuer une autre étude, « plus approfondie » cette fois, pour « déterminer si les fonds d'investissement, tels que Pangea, ont un effet sur la hausse de la valeur des terres agricoles », comme le prétend ce syndicat. Cette étude a été réalisée par le MAPAQ et la Financière agricole à la suite d'une critique acerbe de l'UPA après que la Caisse de dépôt et placement et le Fonds de solidarité du Québec eurent investi chacun 10 M $ dans Pangea. La Banque Nationale a aussi investi dans cette société.

Le modèle de Pangea

Depuis 2012, Pangea a créé huit sociétés opérantes agricoles (SOA) en partenariat avec des agriculteurs. L'entreprise achète des terres agricoles et en confie la gestion à un producteur qui possède lui aussi une ou plusieurs terres agricoles situées à proximité des siennes. Ces terres sont exploitées par une SOA, dont 51 % du capital est détenu par le partenaire-agriculteur. Chaque SOA possède sa main-d'oeuvre, sa comptabilité et gère toutes les fonctions de l'exploitation. Elle paie les salaires de l'agriculteur responsable et des ouvriers ainsi que la location des terres, dont le bail varie entre 9 à 12 ans. Elle achète les intrants et les équipements, et vend les récoltes.

Jusqu'à maintenant, l'entreprise a investi 28 M $. La taille moyenne d'une SOA est un peu plus de 1 000 hectares, comparativement à une moyenne de 123 hectares pour les exploitations agricoles. En raison de sa taille, une SOA bénéficie d'économies d'échelle pour ses achats et pour l'utilisation des équipements. Puisqu'elle dispose d'une bonne capacité d'entreposage, elle peut vendre ses céréales à un moment opportun et obtenir un meilleur prix. Il est prévu que les SOA transforment éventuellement les céréales produites.

Chaque SOA se veut une bonne citoyenne corporative : achats dans la région où elle exploite des terres, protection des rives, gestion écoresponsable des engrais, etc. Grâce à des améliorations foncières et de meilleures pratiques (remise en culture de terrains en friche, nivellement, drainage, correction du ph, dosage des matières organiques...), les SOA peuvent accroître les rendements de 10 à 15 % selon le type de culture et les correctifs apportés. Pangea possède 63 % des terres exploitées par les huit SOA. À terme, elle vise avoir 20 SOA, qui réuniraient 20 000 hectares, ce qui ne représenterait que 0,57 % des superficies exploitées du Québec, et compte exporter son modèle.

Saguenay-Lac-Saint-Jean

Les huit SOA sont situées dans six régions du Québec, mais c'est au Saguenay-Lac-Saint-Jean que se trouve de loin la plus forte concentration d'achats de terres avec une part de 60 % de l'ensemble des superficies qu'elles détiennent dans l'ensemble du Québec. C'est dans cette région que le prix des terres a le plus augmenté, d'où la réaction de l'UPA. Cette hausse des prix a été notamment influencée par l'achat en 2013 par Pangea des 2 892 hectares que la BNC avait acquis un an auparavant. Toutefois, la prime de 9 % payée par Pangea est semblable à la hausse de prix observée au cours de l'année précédente.

Soucieuse de ne pas payer trop cher, Pangea mandate deux évaluateurs agréés indépendants pour obtenir le juste prix des propriétés visées. Elle dit ne pas concurrencer les agriculteurs indépendants qui pourraient vouloir acquérir une terre. L'UPA toutefois cerne un cas d'acquisition au Lac-Saint-Jean, où, dans un encan, Pangea a payé 7,1 % de plus que le prix offert par un agriculteur. Pour sa part, la MRC du Lac-Saint-Jean-Est estime qu'il n'a pas été démontré que les achats de terres par des investisseurs ont provoqué une hausse importante de leur valeur. De son côté, la Financière agricole fait valoir que le prix des terres agricoles a augmenté de 16,5 % au cours d'une période donnée, soit à peine plus que la hausse de 15,3 % pour l'ensemble du Québec. Quant au MAPAQ, il précise qu'il est impossible de déterminer que la hausse du prix des terres a été influencée par Pangea. Qu'à cela ne tienne, pour se montrer réceptif face aux doléances de l'UPA, le ministre Laurent Lessard a commandé une autre étude.

Le modèle de Pangea est pertinent. Il consolide la production céréalière, accroît sa productivité et la rentabilise. Il crée de la valeur pour les agriculteurs participants et l'économie québécoise sans l'aide de subventions additionnelles. Il peut favoriser la relève agricole et ne menace aucunement la ferme familiale traditionnelle, qui a toujours sa place. La frilosité de l'UPA à l'endroit de ce modèle est injustifiée.

 

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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