Mieux contrôler l’exécution de nos projets de construction


Édition du 11 Novembre 2020

Mieux contrôler l’exécution de nos projets de construction


Édition du 11 Novembre 2020

Il importe d’insister sur la rigueur qui doit prévaloir à toutes les étapes de la réalisation des ouvrages. (Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Le coût de construction du nouveau Complexe des sciences de l’Université de Montréal (UdeM) serait passé de 260 millions de dollars (M $) à 375 M $selon le Journal de Montréal.

EBC, l’entrepreneur général du complexe, a pris une hypothèque légale de près de 124 M $, qui inclut des réclamations de sous-traitants pour des travaux d’électricité de 12 M $ainsi que de ventilation et de climatisation pour 10 M $. Une partie de ces montants concerne des dépenses déjà convenues avec l’UdeM, mais les coûts contestés approcheraient les 100 M $.

Comment en est-on arrivé là ? Il se peut que tous les plans et devis n’étaient pas finalisés au début des travaux. Il arrive en effet que les plans et devis évoluent avec l’apparition de besoins additionnels et d’imprévus pendant les travaux. Il y a un risque élevé à procéder ainsi. Selon une autre hypothèse, la surveillance des travaux a peut-être été inadéquate.

Il est plausible que les parties s’entendent pour réduire les sommes en litige, mais il se peut que l’écart non réglé se retrouve en arbitrage. Quand la construction du Complexe a été annoncée, Québec et Ottawa se sont engagés pour des subventions respectives de 145 M $et de 84 M $, soit 229 M $sur un coût total de 260 M $. Il restait donc un solde à combler de 31 M $ pour l’UdeM. Celle-ci n’est pas sans moyen puisque la dernière campagne de financement qu’elle a menée avec HEC Montréal et Polytechnique Montréal a permis de recueillir 581 M $. Si Québec et Ottawa tiennent leur bout, c’est l’UdeM qui devra assumer les dépassements de coûts non reconnus par les entrepreneurs.

Cette situation n’est pas unique, mais on la voit trop souvent dans le secteur public, comme le rappelle de temps à autre le Vérificateur général du Québec.

Autre cas d’incompétence, le bateau F.A. Gauthier, que la Société des traversiers du Québec (STQ) a fait construire en Italie, a dû être mis hors service pendant 13 mois peu de temps après sa livraison et a dû subir des réparations majeures. La raison de ce «fiasco total», selon les mots du ministre François Bonnardel, est le manque d’expertise de la STQ en construction navale. Pire, celle-ci ne s’est pas assurée de pouvoir exercer des recours contre le constructeur pour des défauts de construction. Sans surprise, la facture a été refilée aux contribuables.

Contrôle et surveillance

Au moment où Québec veut accélérer la construction de plusieurs projets d’infrastructure de transport, de centres hospitaliers, de maisons des aînées et d’écoles, il importe d’insister sur la rigueur qui doit prévaloir à toutes les étapes de la réalisation des ouvrages, à savoir de leur conception jusqu’à leur livraison, en passant par la planification de l’échéan-cier et des étapes des travaux, la confection des plans et des devis, l’estimation des coûts et l’exécution du travail des différents intervenants.

Québec doit aussi s’assurer d’éliminer les conflits d’intérêts résultant de la non-séparation des tâches exécutées par les concepteurs des plans et des devis, les estimateurs des coûts, les exécutants des travaux et les surveillants des chantiers.

Ayant souvent manqué de rigueur sur ce plan, Québec devrait s’inspirer d’Infrastructure Ontario, qui exige que les projets réalisés en partenariat public-privé soient soumis à l’examen d’entités indépendantes pour valider leurs coûts et leurs budgets, superviser les contrats et surveiller l’exécution des travaux. Cette pratique explique que près de 95 % de ses projets sont réalisés selon les coûts prévus et que près de 70 % sont réalisés selon l’échéancier prévu, selon Louis Yves Lebeau, spécialiste en gestion de projet à Macogep. Québec pourrait aussi recourir à la grande expertise de nos universités en gestion de projets.

Québec a raison de vouloir accélérer la modernisation de nos infrastructures et ajouter de nouveaux équipements en santé et en éducation. Compte tenu de l’ampleur des investissements prévus, soit 130 milliards de dollars en dix ans, et des déboires vécus sur le plan des dépassements de coûts, des retards, de la non-qualité et même de la collusion et de la corruption, rien ne doit être négligé pour assurer de la qualité des projets, respecter leur coût et leurs échéanciers.

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J’aime

Il n’y a rien comme la peur de se faire prendre pour amener les tricheurs à s’amender. Depuis que le fisc a promis de sévir contre les fraudeurs fiscaux, plusieurs font des divulgations volontaires de leurs fautes fiscales. Ainsi, Revenu Québec a récupéré à ce titre 205 M $en 2019-2020, ce qui porte à environ 800 M$le total recueilli à ce titre en quatre ans. De plus, le fisc québécois a récupéré, l’an dernier, 198 M $d’impôts évités provenant de planifications fiscales dites «agressives», soit une somme quatre fois supérieure à celle d’il y a quatre ans. Un baume pour les contribuables honnêtes.

Je n’aime pas

C’est la ville de Montréal qui affiche le plus haut taux de taxation foncière commerciale (soit 36,99$par 1 000 $d’évaluation) parmi les grandes villes canadiennes. C’est aussi elle qui affiche le multiple le plus élevé (soit 4,01 fois) de son taux de taxe commerciale, en comparaison de son taux de taxe résidentielle. La ville de Québec arrive au deuxième rang de ces ratios. L’impact de ces taux défavorables aux entreprises québécoises est toutefois atténué par le fait que la taxe scolaire frappe moins les entreprises du Québec que celles des autres provinces.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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