Lettre ouverte à Bill Morneau : vous êtes dans l'erreur sur la TPS


Édition du 27 Janvier 2018

Lettre ouverte à Bill Morneau : vous êtes dans l'erreur sur la TPS


Édition du 27 Janvier 2018

Monsieur le Ministre,

Les consultations prébudgétaires que vous venez de mener vous ont sans doute permis de saisir l'humeur et les attentes des groupes d'intérêt en anticipation de votre prochain discours sur le budget.

Permettez-moi de faire valoir quelques points qui, à mon avis, devraient être prioritaires.

Le premier concerne les baisses d'impôt sur les profits que le président Trump a réussi à faire adopter par le Congrès grâce à la complaisance des républicains. Le taux général de l'impôt sur les profits des sociétés qui font affaire aux États-Unis a été baissé de 35 % à 21 %. Comme ce taux s'applique aussi sur les profits des filiales américaines des sociétés canadiennes, il est clair que cette mesure rendra les entreprises américaines plus concurrentielles et qu'elle incitera les sociétés canadiennes à investir davantage aux États-Unis. Il faut remédier à cet enjeu.

Bien entendu, votre gouvernement en subira un manque à gagner. Vous devriez, pour compenser, vous attaquer vigoureusement aux pertes fiscales qui résultent de la non-perception de la TPS sur les ventes en ligne et de l'évasion fiscale. Les Paradise Papers, qui viennent d'être publiés, ont identifié environ 2 700 personnes, 560 sociétés, 14 fiducies du Canada qui ont des avoirs dans des paradis fiscaux. Entre 250 et 300 milliards de dollars y seraient détenus.

Le gouvernement fédéral fait figure de cancre dans la lutte à l'évasion fiscale. Contrairement à plusieurs autres pays industrialisés, l'Agence de revenu du Canada (ARC), dont l'incurie a été démontrée dans un récent rapport du Vérificateur général, ne calcule pas l'« écart fiscal » du gouvernement, qui est la différence entre les impôts qui devraient être perçus et ceux qui le sont réellement. Il s'agit d'une question d'équité puisque les taxes et les impôts non payés par certaines personnes et sociétés augmentent le fardeau des contribuables respectueux de la loi.

Depuis la publication, en avril 2016, des Panama Papers, certains gouvernements auraient récupéré quelque 500 millions de dollars. Or, aucun impôt n'aurait été perçu des 625 Canadiens qui y figurent.

Vous avez annoncé un engagement de 1 G$ en cinq ans pour lutter contre l'évasion fiscale (impôt sur des revenus cachés à l'étranger) et l'évitement fiscal (impôt non payé grâce à des échappatoires). Or, seulement 40 M$ auraient été dépensés à cette fin au cours de l'exercice 2016-2017.

Après avoir dit que 25 G$ d'impôts non payés avaient été « récupérés », l'ARC indique maintenant qu'il s'agit plutôt d'une somme qui a été « identifiée ». De son côté, le Conference Board a évalué l'« écart fiscal » du gouvernement fédéral à une somme comprise entre 8,9 G$ et 47,8 G$ annuellement. Pourquoi, au nom de la transparence, ne pas profiter de votre prochain budget pour faire le point sur ce dossier épineux ?

J'ai accueilli avec satisfaction l'engagement de votre gouvernement envers la protection du pouvoir d'achat de la classe moyenne. Pour ne pas accroître son fardeau fiscal, vous avez porté de 29 % à 33 % le taux d'impôt personnel marginal maximum. Ce fut bien compris.

De grâce, percevez la TPS

Par contre, vous errez en utilisant cet argument pour éviter de percevoir la TPS sur les biens et les services vendus par des multinationales étrangères comme Netflix, Google et Facebook. Je comprends que Justin Trudeau s'est fait piéger par Stephen Harper lorsqu'il a promis qu'il n'y aurait pas de « taxe Netflix ». Faites amende honorable et expliquez aux Canadiens que votre tactique électoraliste porte une grave atteinte à l'intégrité du système fiscal et qu'il est sage de faire marche arrière. Il faut savoir admettre ses erreurs. Denis Coderre serait peut-être encore maire de Montréal s'il avait admis son erreur rapidement et s'il avait été transparent avec la course de voitures électriques au centre-ville.

Selon la fiscaliste Marwah Rizqi, le gouvernement fédéral et les provinces perdent 100 M$ par année en ne percevant pas leur taxe de vente sur les produits de Netflix, alors que ses concurrents canadiens, tels illico et tou.tv, doivent en percevoir. De plus, les taxes évitées sur les ventes de Google et de Facebook (plus de 5 G$ de revenus en 2017) s'élèveraient à des centaines de millions. Et cela va croître. Il s'agit d'un autre trou qu'il faut boucher de toute urgence.

Il est sidérant d'apprendre que votre gouvernement n'a fait aucune étude sur les pertes fiscales subies par le commerce électronique. Plus clairvoyant, le gouvernement du Québec estime les siennes à 270 M$ par année, sur les 700 M$ de pertes fiscales totales à l'international.

L'Australie, un pays qui nous ressemble, nous a montré la voie sur la taxation des ventes des fournisseurs étrangers. Pourquoi ne pas vous en inspirer ? Cela vous aiderait à boucher les trous dans l'assiette fiscale canadienne et à éponger une partie des importants déficits qui sont en voie de marquer votre gouvernement.

Avec mes salutations distinguées.

J’aime
-Mario -Dion, nouveau commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique au -Parlement fédéral, demandera aux parlementaires de respecter non pas la lettre, mais l’esprit de la Loi sur les conflits d’intérêts. C’est ce qu’aurait dû faire sa prédécesseure, -Mary -Dawson, lorsqu’elle a conseillé le ministre des -Finances -Bill -Morneau. Les entrepreneurs, les gestionnaires de sociétés et les fonctionnaires seraient bien avisés de suivre cet excellent conseil.

Je n’aime pas
-Les démissions récentes de députés de l’Assemblée nationale, ainsi que plusieurs autres déjà survenues et à venir, ne sont pas étrangères à l’insuffisance de leur rémunération. Cette situation, qui décourage des candidatures intéressantes, a provoqué plusieurs élections complémentaires ces dernières années, ce qui est coûteux. Que les élus oublient la basse partisanerie et règlent cet enjeu une fois pour toutes !

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

Blogues similaires

Apprendre à tourner la page

Édition du 20 Janvier 2021 | Olivier Schmouker

CHRONIQUE. J’ ai une grande nouvelle que j’ai annoncée déjà il y a quelques jours sur notre site web.