
Donald Trump [Photo: 123RF]
Pas facile de déchiffrer Donald Trump. La raison : il ne se comporte pas comme le commun des mortels.
En plus d'être atteint du trouble de la personnalité narcissique, le président du plus important pays du monde se comporte comme un mâle alpha, une expression utilisée par les primatologues pour décrire le mâle dominant dans une colonie de singes. Bien entendu, ce concept s'applique aussi aux humains. Le mâle alpha est un leader fort, dominant, charismatique, combatif et craint. Il s'attribue des privilèges et il est toujours prêt à se battre agressivement pour maintenir son statut. Il a une confiance inébranlable en lui.
Vladimir Poutine, que Trump vient de rencontrer en tête à tête, en a aussi les caractérisques. Ayant mis à sa main l'armée, les services de renseignement (Poutine a passé 16 ans au KGB et un an comme directeur du FSB) et l'Église orthodoxe, qui est en pleine expansion, le président russe est admiré par la population.
Trump et Poutine gèrent leur pays comme s'il leur appartenait. Partant de l'idée que celui-ci a été mal géré et qu'il a été victime des autres nations, ils veulent lui redonner sa grandeur, d'où leur approche nationaliste, interventionniste et agressive chaque fois que l'occasion leur est donnée. En plus de chercher à affaiblir les pays concurrents, ils ne lésinent pas sur les moyens pour étendre leur domination.
Les deux s'attaquent ainsi à l'Union européenne (UE), qui, avec ses 28 membres, est devenue une grande force économique. Alors que Trump qualifie l'Europe de « dangereuse » et d'« ennemie » sur le plan commercial (« Il y a trop de Mercedes-Benz dans Manhattan », dit-il) et qu'il soutient le Brexit, qui affaiblira le Royaume-Uni, Poutine en a contre le fait que l'UE a intégré plusieurs pays de l'Europe de l'Est, qui étaient des satellites de la défunte URSS. De plus, six ex-républiques soviétiques sont membres du « partenariat oriental », une étape en attendant leur entrée dans l'UE. Pour Poutine, il s'agit là d'un « encerclement » inacceptable de son pays, d'où son soutien militaire aux séparatistes russophones de l'est de l'Ukraine et l'annexion de la Crimée. À cause de cet empiétement, des sanctions commerciales ont été imposées à la Russie, qui fut expulsée du G8.
Indifférent face à ces sanctions et désireux de plaire à Poutine, Trump a demandé au G7 de réadmettre la Russie. Trump se garde bien de critiquer Poutine, alors qu'il affiche une agressivité inexcusable à l'endroit d'Angela Merkel, chancelière de l'Allemagne. Il a aussi été très condescendant à l'endroit de Justin Trudeau, qu'il a qualifié de « faible », et de Theresa May, qui ne suit pas ses conseils sur le Brexit.
La domination à tout prix
Trump s'attaque aussi aux alliances que ses prédécesseurs ont contribué à créer, telles que l'ALÉNA et l'OTAN, et qui constituent des ancrages dans l'ordre mondial. Adepte du double discours, il souffle le chaud et le froid face aux autres leaders du monde libre sans se rendre compte qu'il mine sa crédibilité dans l'ensemble des capitales étrangères et dans son propre pays. En trois jours, il a changé trois fois sa version de ce qu'il aurait dit à Poutine sur l'interférence de la Russie dans les dernières élections américaines lors de leur rencontre à Helsinki.
Ignorant la majorité des experts et les milieux d'affaires, Trump a déclenché une guerre commerciale avec des régions ou pays alliés (Europe, Canada, Mexique, etc.), mais aussi avec la Chine. Il s'en suivra des ruptures dans les chaînes d'approvisionnement, des pertes d'emplois et des prix plus élevés. Il veut ainsi plaire aux « déplorables » qui forment sa base électorale, mais qui ne comprennent rien aux questions commerciales.
Isolationnisme et déconstruction
On gère comme on est, dit-on, et Trump ne fait pas exception à cette maxime. Malheureusement, les défauts associés à son tempérament en font un dirigeant très dangereux pour la stabilité de son pays et l'ordre mondial.
Fort de l'appui de 40 % des électeurs américains et s'estimant supérieur à tout le monde sur la planète, Trump a pris le contrôle du Parti républicain, qui, après avoir été victime du Tea Party sur le plan fiscal, s'avère maintenant incapable de résister aux velléités protectionnistes du président et à son manque de respect pour la démocratie, les lois, les libertés et les bonnes pratiques dans la gouvernance de l'État.
Avec ses attaques contre l'Obamacare, sa réforme fiscale, qui avantage les riches, sa politique d'immigration (il chasse les immigrants et il a séparé des enfants de leurs familles), ses nominations de juges conservateurs, son mépris pour la science et la protection de l'environnement, ses compressions dans le financement de programmes sociaux, sa tolérance face aux suprémacistes et son appui au lobby des armes à feu, Trump a rendu la société américaine plus intolérante, plus inégale et plus injuste. C'est éminemment dangereux sur le plan social.
Ajouté à la montée du populisme que plusieurs autocrates exploitent pour asseoir leur pouvoir et imposer leurs valeurs rétrogrades, le travail de sape de Trump est aussi dangereux pour l'ordre mondial. Il faut espérer que son manque de crédibilité limite son influence réelle, que les électeurs aillent voter et que les élections de novembre débouchent sur un Congrès plus équilibré et plus fonctionnel.