Le sauve-qui-peut d'une société mal aimée et arrogante


Édition du 24 Novembre 2018

Le sauve-qui-peut d'une société mal aimée et arrogante


Édition du 24 Novembre 2018

Bombardier a longtemps été la société chouchou des Québécois et elle a été l'objet d'une grande fierté.

Principale société aéronautique du pays, elle a été le fer de lance du positionnement de la région de Montréal comme troisième pôle mondial de cette industrie, derrière Toulouse, où Airbus assemble ses avions, et Seattle, où Boeing a ses principales installations. Elle a été la créatrice de l'industrie de la motoneige et un des leaders de celle de la motomarine. Après avoir assemblé les premiers wagons de métro de Montréal, elle est devenu un important fabricant d'équipement de matériel de transport de personnes sur rail.

En plus d'être innovatrice et un chef de file dans le secteur des avions d'affaires, notamment avec les Global 6500 et Global 7500, qui sont des merveilles technologiques, Bombardier a pris le risque immense de lancer la C Series, un avion à la fine pointe de la technologie dans le marché des Airbus 320 et des Boeing 737.

C'était une très grosse bouchée qu'elle n'a pu digérer. Alors que le développement de cette merveille s'est révélé beaucoup plus long et coûteux que prévu, Bombardier a vendu sa division des produits récréatifs à BRP, qui a ensuite pris beaucoup de valeur. En plus de céder 30 % (part ramenée à 27,5 % depuis) de sa division Transport (fabrication d'équipement de transport sur rail) à la Caisse de dépôt pour une somme de 2 G$, elle a dû transférer à Airbus 50,01 % de la Société en commandite Avions C Series (SCACS) et 16,44 % de celle-ci à Investissement Québec (IQ).

Alors que IQ a payé 1,3 G$ pour son intérêt dans le programme C Series, Airbus, en plus de ne rien payer pour prendre le contrôle de la SCACS, a obtenu que Bombardier débourse autour de 1,2 G$ d'ici 2021 pour assurer le succès du déploiement de ce programme. Bombardier a conservé 33,55 % de la SCACS et a obtenu des droits d'acquisition d'actions sans droit de vote de cette dernière, mais Airbus a obtenu le droit d'acheter, jusqu'au 1er janvier 2026, les actions de la SCACS qu'elle ne détient pas. Autrement dit, Airbus deviendra éventuellement l'actionnaire unique de la C Series, rebaptisée Airbus 220. Notre prix de consolation : l'assemblage au Québec des A220 et les retombées qui en résultent sur l'emploi et les fournisseurs de cette industrie. Par contre, les A220 destinés au marché américain seront fabriqués en Alabama.

Pour continuer à se renflouer, Bombardier licenciera 5 000 employés, dont 2 500 au Québec, ce qui devrait réduire ses dépenses annuelles de 300 M$ d'ici 2021. Elle vendra aussi le programme d'avions turbopropulsés Q400, qui supportent mal la concurrence des ATR 42, fabriqués par un consortium franco-italien, leader dans ce segment de marché, et le programme de formation des pilotes et des techniciens d'avions d'affaires. Le programme Q400 sera acheté par Longview Aviation Capital, qui avait déjà acquis le programme des avions de lutte contre les incendies CL 215 et CL 415, et le programme de formation a été vendu à CAE. Ces cessions d'actifs rapporteront à Bombardier 1,2 G$ . On peut aussi déduire des propos nuancés récents d'Alain Bellemare, chef de la direction de Bombardier, que le programme des avions régionaux CRJ, qui fournissent 1 000 emplois à Mirabel, pourrait faire l'objet d'une transaction.

Si ces ventes se réalisent, Bombardier restera avec sa division des avions d'affaires, dont certains modèles sont très prometteurs, ses activités d'aérostructures et sa division Transport, dont elle veut retrouver 100 % de la propriété, un secteur où une consolidation est en vue.

Crise de confiance

Bombardier est l'une des sociétés qui comptent le plus grand nombre d'actionnaires québécois. Malheureusement, une forte proportion d'entre eux imputent à la haute direction de Bombardier les importantes pertes en capital qu'ils ont subies depuis plusieurs années. L'action de Bombardier est un titre dont il faut se tenir loin si l'on n'est pas capable de prendre des risques financiers.

La débâcle récente de la valeur de ses actions en Bourse est catastrophique. La chute du titre, d'environ 5,40 $ le 11 juillet 2018 à environ 2,05 $ le 15 novembre, a entraîné une perte de valeur boursière d'environ 8 G$.

Cette débandade de Bombardier devrait être prise en compte par ses cinq principaux dirigeants qui, en s'étant partagé 40 M$ l'an dernier, ne montrent aucune empathie envers leurs employés et les contribuables qui n'arrêtent pas de casquer pour sauver l'entreprise.

À l'instar des grandes sociétés américaines que l'État a protégées lors de la crise financière de 2008, Bombardier est trop importante pour être liquidée, d'autant plus qu'elle dispose de 3 G$ de liquidités. On s'attendrait toutefois à moins d'arrogance de la part de sa haute direction.

Le système nord-américain de rémunération des hauts dirigeants de sociétés est vicié. En l'absence d'une action des gouvernements, le conseil d'administration de Bombardier pourrait profiter de sa situation financière précaire (flux de trésorerie neutres pour 2018 et 2019 et avoir propre négatif de 5 G$) pour montrer que la modération a bien meilleur goût. Elle regagnerait une partie de l'estime perdue.

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J’aime
­Après avoir baissé jusqu’à 10 % les taxes foncières des petits commerçants pour 2019, la ­Ville de Montréal consacrera 25 M$ en aide financière aux commerçants qui ont subi des pertes à cause des travaux majeurs faits sur leur rue. Ces deux initiatives aideront les commerçants de plusieurs artères à continuer d’offrir des services de proximité aux citoyens et d’assurer la vitalité socioéconomique de leur quartier. Avec Vancouver et Toronto, les villes de Montréal et de Québec auraient les taxes foncières les plus élevées sur les propriétés commerciales 
du pays.
Je n’aime pas
­Hydro-Québec a caché à son conseil d’administration le versement de primes à une centaine d’employés, déjouant ainsi les politiques de rémunération de l’État. Le pot aux roses a été découvert par le vérificateur interne d’­Hydro-Québec et a provoqué la démission de la présidente du comité d’audit de la société. D’où l’importance de la vérification interne, une fonction parfois négligée au sein 
des organisations.

J’aime

­Après avoir baissé jusqu’à 10 % les taxes foncières des petits commerçants pour 2019, la ­Ville de Montréal consacrera 25 M$ en aide financière aux commerçants qui ont subi des pertes à cause des travaux majeurs faits sur leur rue. Ces deux initiatives aideront les commerçants de plusieurs artères à continuer d’offrir des services de proximité aux citoyens et d’assurer la vitalité socioéconomique de leur quartier. Avec Vancouver et Toronto, les villes de Montréal et de Québec auraient les taxes foncières les plus élevées sur les propriétés commerciales du pays.

Je n’aime pas

­Hydro-Québec a caché à son conseil d’administration le versement de primes à une centaine d’employés, déjouant ainsi les politiques de rémunération de l’État. Le pot aux roses a été découvert par le vérificateur interne d’­Hydro-Québec et a provoqué la démission de la présidente du comité d’audit de la société. D’où l’importance de la vérification interne, une fonction parfois négligée au sein des organisations.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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