Le programme REA se meurt. Qui se préoccupe de sa relance?

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Décembre 2014

Le programme REA se meurt. Qui se préoccupe de sa relance?

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Décembre 2014

Tous les investisseurs d’un certain âge se souviennent sans doute du Régime d’épargne--actions du Québec, appelé communément le RÉA. Ce programme a permis à des dizaines de sociétés québécoises de lever des milliards de dollars de financement en capital-actions et de grandir. Des noms : CGI, Cascades, Alimentation Couche-Tard, Metro, Saputo, SNC-Lavalin, Genivar (devenue WSP), Jean-Coutu, Transcontinental, Canam, Transat A.T., Gildan, Héroux--Devtek, Cogeco, Lassonde et des dizaines d’autres. Il a aussi aidé des dizaines de milliers de Québécois à s’initier à l’investissement en Bourse. Il faut dire merci à Jacques Parizeau de l’avoir créé.

Par contre, à moins d’avoir lu notre manchette sur le défi des PAPEs au Québec (http://bit.ly/1vLn0nn), à peu près personne ne sait qu’il existe toujours un programme RÉA, appelé RÉA II par les initiés. La cause de cette méconnaissance : ce programme est très très peu utilisé, parce qu’il a été mal conçu. Pire, il est à l’article de la mort, sa date de péremption ayant été fixée au 31 décembre 2014. Plusieurs facteurs ont causé cette situation :

> Le programme RÉA a fait l’objet d’un moratoire de 2003 à 2005. Après l’échec du programme accro-PME, lancé en 2005 pour le remplacer, Québec a créé le RÉA II en 2009, assorti d’une déduction de 150 % du montant investi, déduction qui fut ramenée à 100 % en 2011. Résultat de ce cafouillage : il ne s’est émis que pour 20 millions de dollars d’actions RÉA par année depuis cinq ans, représentant un coût fiscal annuel insignifiant de 5 M$ ;

> Les courtiers en valeurs mobilières ne s’intéressent qu’aux émissions d’une certaine taille. Les premiers financements RÉA avaient été réalisés par des courtiers de petite et de moyenne taille, comme McNeil Mantha, Geoffrion Leclerc et Tassé. Or, la presque totalité des courtiers qui avaient pignon sur rue au Québec ont été achetés par les banques ; contrairement à d’autres provinces, le Québec n’a presque plus de courtiers boutiques ;

> La faiblesse des taux d’intérêt facilite les financements des entreprises par la dette ;

> Le capital de risque abonde au Québec ; en plus des fonds qui procurent un avantage fiscal (Fonds FTQ, Fondaction, Capital régional et coopératif Desjardins), plusieurs fonds spécialisés, dont certains sont étrangers, offrent du financement sous forme de capital-actions ;

> La Bourse de Montréal, qui inscrivait à sa cote toutes les actions financées dans le cadre du RÉA, a été achetée par la Bourse de Toronto, à laquelle ses activités de marché sur les actions ont été intégrées. La Bourse de Montréal jouait un rôle dans la liquidité et la visibilité des actions des sociétés québécoises.

Tous ces facteurs ont affaibli l’écosystème de financement des entreprises par l’émission publique d’actions.

Un contexte défavorable aux entreprises québécoises

Il en résulte un moins grand accès au financement public et un contexte moins favorable au développement de grandes sociétés québécoises qui ont leur siège social au Québec : cela veut aussi dire moins d’emplois de qualité et moins de retombées économiques dans l’industrie des services : audit comptable, conseil juridique et fiscal, assurance, analyse financière, etc.

Le Québec ne compterait plus que 7 % des sociétés inscrites à la Bourse de Toronto et à la Bourse de croissance TSX (petites capitalisations). En 2013, seulement 5,3 % des nouvelles sociétés inscrites à la cote de ces Bourses venaient du Québec. Il faudrait être borné économiquement pour se satisfaire de cela et laisser Toronto, Vancouver et Calgary accroître leur part des sièges sociaux de sociétés canadiennes.

Mesures de relance du RÉA

Il est certain que le RÉA n’aura plus jamais l’impact qu’il a eu dans les années 1980. Cela ne veut pas dire que l’on doive se résigner à perdre cet outil de financement des PME. L’émission publique d’actions permet aussi à une société de profiter des cycles boursiers.

Voici plusieurs mesures parmi lesquelles le gouvernement du Québec pourrait puiser pour relancer le programme RÉA :

> Porter de 200 M$ à au moins 500 M$ le plafond du capital des sociétés admissibles au RÉA ;

> Alléger l’obligation de détenir les titres pendant trois 31 décembre d’affilée pour conserver l’avantage fiscal du programme ;

> Accroître le taux de la déduction fiscale au moins pour les petites sociétés des secteurs à haut risque (santé et hautes technologies) ;

> Rendre admissibles les sociétés non québécoises si la majorité de leurs emplois ou de leurs immobilisations se trouvent au Québec ;

> Rendre admissibles les sociétés québécoises dont la majorité des emplois sont à l’extérieur ;

> Rendre admissibles au REER ou au CELI les titres RÉA ;

> Encourager le développement au Québec de courtiers boutiques spécialisés dans le financement par actions de PME.

Preuve du manque de vision des apprentis sorciers qui se sont amusés à défier les marchés, le RÉA II relève de Revenu Québec. Pourrait-on considérer le RÉA comme un outil de financement au lieu de le voir comme une dépense fiscale à contrôler ?

J'aime

Le projet de loi 3 sur les régimes de retraite des municipalités a été adopté. En proposant un remboursement des déficits passés des régimes de retraite des municipalités (payé à 45 % par les employés et à 55 % par les municipalités) et en répartissant également les cotisations des deux parties, ce projet de loi assure la survie de ces régimes.

Je n'aime pas

Greenpeace se discrédite. Pour intimider Best Buy, qui utilise du papier provenant de la forêt boréale, Aspa Tzaras, coordonnatrice du programme des volontaires de Greenpeace Canada, a suggéré aux cyberactivistes le 1er décembre dernier d'écrire une fausse évaluation de produit («write a false product review») sur le site Internet de Best Buy. Greenpeace s'attaque de cette façon à Produits forestiers Résolu, qui lui vend ce papier.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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