Entrevue n°296 : Aniela Unguresan, cofondatrice, certification EDGE


Édition du 20 Août 2016

Entrevue n°296 : Aniela Unguresan, cofondatrice, certification EDGE


Édition du 20 Août 2016

Par Diane Bérard

«Le premier frein à l'égalité professionnelle des genres est de considérer l'écart comme normal» - Aniela Unguresan, cofondatrice, certification EDGE.

La certification EDGE mesure l'égalité professionnelle et économique entre les hommes et les femmes d'une même organisation grâce à des indicateurs. Les cofondatrices sont la scientifique Nicole Schwab, fille de Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial, et Aniela Unguresan, qui a fait carrière en entreprise.

Diane Bérard - Que signifie l'acronyme EDGE ?

Aniela Unguresan - Il évoque le fossé économique qui divise les genres (Economic Dividends for Gender Equality). Et ce que ça rapporte aux entreprises, et à l'économie, de le combler. La certification EDGE mesure l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes au sein d'une même organisation.

D.B. - D'où est venue l'inspiration ?

A.U. - Vers 2008-2009, le sujet de l'égalité professionnelle et économique commençait à susciter davantage d'intérêt. Nicole Schwab et moi, nous nous sommes demandé ce qui permettrait à cet enjeu d'être traité avec la même rigueur et la même discipline que tout autre objectif d'entreprise. Nous avons conclu qu'il fallait lui attribuer un système de mesure. Ce qui est mesuré peut être géré.

D.B. - Vous vouliez forcer les entreprises à «s'exposer». Expliquez-nous.

A.U. - Une certification n'est pas comme un projet interne. C'est une reconnaissance publique. Votre organisation expose son succès, mais elle suscite aussi des attentes. Il y a une forme d'engagement. Et puis, une certification doit être renouvelée. Le processus EDGE est à recommencer tous les deux ans. L'entreprise ne peut pas l'oublier.

D.B. - Et vous voulez aussi stimuler une certaine concurrence entre les entreprises.

A.U. - Vous parlez probablement de l'élément de comparaison. Lorsque les entreprises ont recueilli leurs indicateurs de performance, elles se comparent à des standards d'excellence. Cela leur permet de savoir si elles se classent parmi les organisations qui performent mieux ou celles qui performent moins bien.

D.B. - Pourquoi est-il important de mesurer l'égalité avec des indicateurs précis ?

A.U. - Les dirigeants d'entreprises ne jurent que par les indicateurs. Nous n'allions pas leur vendre l'égalité des genres en nous appuyant sur des intuitions ni des convictions. Nous nous sommes donc associées à des spécialistes des politiques publiques, du droit et des organisations internationales pour développer des indicateurs clairs, précis et pertinents.

D.B. - La certification EDGE repose donc sur les critères quantitatifs ?

A.U. - Nous avons développé quatre piliers : deux sont quantitatifs, et deux, qualitatifs. Les indicateurs quantitatifs mesurent la représentativité des hommes et des femmes dans le vivier de talents à chaque niveau de l'organisation et dans chaque métier. Ils mesurent aussi l'égalité salariale pour un travail équivalent, c'est-à-dire pour des employés qui ont les mêmes responsabilités et les mêmes caractéristiques personnelles (éducation, expérience, etc.). On regarde au-delà du salaire pour étudier la rémunération, ce qui inclut les primes. Cet ajout change radicalement le portrait. On a beau s'approcher de l'égalité salariale, l'égalité de rémunération, elle, est loin d'être acquise.

D.B. - Et qu'en est-il des critères qualitatifs ?

A.U. - Nous mesurons l'efficacité des politiques et des pratiques qui visent à assurer l'égalité des chances pour les hommes et les femmes. Répertorier les pratiques ne suffit pas, il faut voir comment elles sont appliquées ou pourquoi elles ne le sont pas. Et observer l'impact de ces politiques sur la culture de l'entreprise. Encouragent-elles l'employeur, et le personnel, à accepter différents types de management et de parcours de carrière ?

D.B. - Le processus comprend un sondage auprès des employés. Cet indicateur peut s'avérer plutôt subjectif.

A.U. - En effet, ce sondage demande aux employés s'ils considèrent que la culture de leur entreprise repose sur l'inclusion. Ont-ils la conviction que leur employeur offre des occasions de carrière égales, quel que soit le genre ? Les réponses peuvent être subjectives, mais leur impact, lui, est bien objectif. Si vous estimez ne pas bénéficier de chances égales à vos collègues de l'autre sexe, cela influera sur votre motivation et sur votre performance au travail.

D.B. - Comment se déroule le processus ?

A.U. - Il suit trois étapes. L'étape 1 consiste à recueillir des données et à les mesurer par rapport à des indicateurs clés, quantitatifs et qualitatifs, que j'ai évoqués précédemment. Cette étape permet de déterminer où se situe l'entreprise sur le chemin vers l'égalité. L'étape 2 compare les résultats de l'entreprise par rapport à des standards d'excellence. Elle peut voir si elle performe mieux ou moins bien que les autres organisations. L'étape 3 est une certification par un auditeur indépendant qui s'assure que les résultats présentés sont conformes à la réalité. Les auditeurs sont Intertek, des spécialistes internationaux de l'audit de qualité, et Flo-Cert, spécialiste de la certification en commerce équitable et des standards sociaux et environnementaux.

D.B. - Quelle somme de travail cette certification exige-t-elle ?

A.U. - Le processus s'étale en moyenne sur six mois.

D.B. - Pourquoi une entreprise voudrait-elle être certifiée EDGE ?

A.U. - Chacune a sa motivation. SAP, par exemple, est une société de technologie. Cette industrie a très mauvaise presse quant à la présence féminine. Cette sous-représentation, et l'espace média que cela occupe, inquiète SAP. La direction craint que la situation éloigne encore plus les femmes de son secteur. C'est donc pour améliorer sa capacité à attirer, motiver et conserver le talent féminin que SAP a visé la certification. Les hôtels Marriott l'ont fait dans la foulée de leur développement au Costa Rica. Un de leurs investisseurs, la Banque interaméricaine de développement (BID), leur a demandé de s'assurer de rehausser la valeur implicite de leur entreprise. La BID voulait ainsi tirer un meilleur rendement de son investissement. La contribution des femmes fait partie de cette valeur implicite. Il y a aussi le cas d'un assureur, qui est le numéro trois de son secteur. Il nous a joints lorsque ses concurrents, les numéros 1 et 2 du secteur, ont décroché leur certification et qu'ils se sont empressés de le communiquer ! Et cette banque mexicaine locale qui a voulu la certification pour concurrencer les banques internationales au moment du recrutement.

D.B. - Quel est votre but ultime ?

A.U. - Que l'on colmate la brèche de l'égalité professionnelle et économique hommes-femmes, et que ce sujet devienne caduc.

D.B. - Quel est le plus grand obstacle à l'égalité professionnelle et économique des genres ?

A.U. - La normalisation. On a l'habitude de considérer cet écart comme normal. Il est normal que les femmes s'occupent davantage des enfants. Il est normal que cela ait un effet sur leur carrière. On a l'impression d'être face à un phénomène social et non à une création humaine. Cela nous dédouane de toute responsabilité et de toute capacité d'intervention.

D.B. - Y a-t-il des entreprises canadiennes certifiées EDGE ?

A.U. - Plus de 100 entreprises de 40 pays dans 22 industries sont certifiées. Le Canada en compte une, L'Oréal Canada. Une autre, de Calgary, a amorcé le processus.

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