Le chasseur de têtes de demain sera un agent d'artistes!


Édition du 29 Septembre 2018

Le chasseur de têtes de demain sera un agent d'artistes!


Édition du 29 Septembre 2018

Par Nathalie Francisci

[Photo: 123RF]

Je sens que je ne vais pas me faire des amis chez mes collègues avec cette chronique. Mais au diable la popularité et bonjour l'innovation !

Le métier de recruteur existe depuis 1880... Avec la création des premières usines, les premiers «services de personnel» ont fait leur apparition. Après la Seconde Guerre mondiale, c'est un ancien militaire qui a inventé le recrutement de cadres pour recommander d'anciens soldats aux compétences rares et uniques à des entreprises.

Bref, je ne vous ferai pas ici un cours d'histoire de la chasse de têtes, mais force est de constater que le modèle d'affaires des recruteurs ne date pas d'hier et qu'il fonctionne toujours sur les mêmes principes : le recruteur se fait payer sur la base d'un pourcentage appliqué à la rémunération de la première année du candidat. En échange, il donne une garantie de remplacement si l'heureux ou l'heureuse élue ne donne pas satisfaction ou quitte l'entreprise.

On est dans un modèle d'intermédiation typique, semblable à celui des agents immobiliers ou des courtiers en placement. Cette industrie de l'intermédiation a très bien fonctionné, et de manière assez lucrative en plus, jusqu'à aujourd'hui (d'accord on se laisse un petit sursis...). Mais le monde a changé depuis. Je sais que vous le savez déjà, mais des recruteurs font encore la politique de l'autruche.

Aujourd'hui, toute l'industrie des services professionnels s'interroge sur son avenir et réfléchit à des façons d'offrir de la «vraie valeur ajoutée» aux clients. Si je peux acheter ma maison sur Kijiji, trouver mon emploi sur Indeed, choisir et réserver mon prochain voyage en ligne et négocier moi-même mes placements, il faut que mon courtier, quel qu'il soit, m'offre un service à très haute valeur ajoutée pour faire ce que je ne peux pas accomplir moi-même. Les individus aujourd'hui se moquent bien d'être reçus dans des bureaux luxueux, de se faire envoyer des rapports vertigineux tant les pages sont nombreuses et les copies couleur inutiles, s'ils peuvent en deux clics trouver la même information et régler leur problème du même coup. La conscience sociale et environnementale a pris le pas sur le fla-fla des firmes de services professionnels. On retourne donc à l'essence même du métier. Dans le cas des recruteurs, c'est de convaincre la perle rare de se joindre à votre entreprise pour le bien de celle-ci, et, élément non négligeable, pour le bien de sa propre carrière. Tout est là dans ce nouveau modèle d'affaires innovateur du recruteur moderne.

On est au mois d'août 2018, une collègue me recommande de regarder la série Dix pour cent (Call my agent !, en anglais) sur Netflix. Moi qui ne regarde jamais la télé, d'autant que je n'ai pas le câble, j'ai quand même Netflix (je ne vis pas non plus dans une caverne !). Elle me dit que c'est une version romancée (très, je confirme, mais pas si éloignée...) de notre métier de chasseur de têtes.

Ce fut une révélation ! Le futur modèle d'affaires de mon métier est dans le travail d'un... agent d'artistes. Ce qui me sera confirmé quelques semaines plus tard par un ami PDG qui me confie qu'il serait prêt à consentir à verser un pourcentage de sa rémunération annuelle à un agent qui veillerait autant à ses intérêts financiers qu'à sa carrière pour le placer dans des entreprises gagnantes et des projets uniques.

Les candidats d'aujourd'hui veulent se sentir uniques et désirés, ils recherchent des projets qui vont les stimuler et les exciter, peu importe le logo de l'organisation. Demandez donc aux firmes de jeux vidéo. Les créateurs sont des vedettes qui changent de studio pour la meilleure équipe ou la meilleure plateforme. Les gestionnaires de placements sont pareils. Quant aux PDG ou aux cadres dirigeants, c'est la même chose. Alors... le chasseur de têtes de demain aurait plus intérêt à miser sur son bassin de talents plutôt que sur ses clients. S'il a dans son écurie les meilleurs talents et qu'il sait les garder heureux, il aura les meilleurs clients, car les organisations viendront vers ceux qui savent reconnaître et évaluer les meilleurs talents. On s'entend que c'est un modèle complètement inversé, et même, techniquement, selon les ordres professionnels, impensable. Se faire payer par un individu au lieu d'une entreprise? Ben voyons ! Ben oui, justement...

Pourquoi le recruteur de demain ne veillerait-il pas uniquement au bien-être de son poulain pour lui présenter seulement le meilleur emploi dans la meilleure entreprise ? En contrepartie, le candidat reverserait un pourcentage de son salaire (dans la série Dix pour cent, on parle de 10 % du cachet de l'artiste). Tout cela mérite d'être peaufiné, mais le concept est là. La loyauté du chasseur de têtes ne serait qu'envers son candidat plutôt qu'envers l'entreprise. Si l'entreprise est incapable de satisfaire les ambitions de l'individu ou lui fait de fausses représentations, il sera transféré dans une autre organisation qui lui sera plus bénéfique à long terme.

Exit les occasions bancales, les entreprises qui manquent de transparence ou les mauvaises surprises. Ce sera le rôle du chasseur de têtes, agent de vedette, de s'assurer que le candidat est une étoile et que l'entreprise le mérite. Dans un marché de pénurie de talents et de mondialisation des ressources, je peux vous dire que le concept a de l'avenir.

Innover ne réside pas uniquement dans des «widgets» et des applications sympathiques. On peut innover dans des processus et des modèles d'affaires. Je suggère que mes collègues s'y mettent rapidement, parce que le monde change chaque minute. La Seconde Guerre mondiale est terminée et la prochaine, encore en gestation... N'attendons pas le prochain armistice pour s'y mettre !

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