Le Canada doit être vigilant face aux attaques contre la démocratie


Édition du 11 Mai 2022

Le Canada doit être vigilant face aux attaques contre la démocratie


Édition du 11 Mai 2022

Marine Le Pen, du Ralliement national en France (Photo: 123RF)

Le Ralliement national de Marine Le Pen a obtenu 41,5 % des votes à l’élection présidentielle française. Ce parti d’extrême droite s’était maquillé aux couleurs du centre pour mieux séduire l’électorat. Il a encore amélioré son score.

En Hongrie, le Fidesz de Viktor Orbán a recueilli 53 % des votes et 68 % des sièges du Parlement. Après avoir neutralisé les médias et enrichi ses amis, Orbán s’attaquerait à une réforme du système de justice afin de pouvoir nommer des juges plus compréhensifs face aux attentes de l’État. Comme l’a fait le président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan, qui obtient maintenant les jugements qu’il veut. Un tribunal vient de condamner à la prison à vie l’homme d’affaires Osman Kavala, et à 18 ans de séquestration sept autres personnes qui ont participé aux manifestations violentes du parc Gezi en 2013. Aux Philippines, Rodrigo Duterte est plus expéditif : il a demandé aux policiers de tuer sur-le-champ les trafiquants de drogue.

Ces populistes méprisent la démocratie, qui les empêche d’exercer le pouvoir à leur guise. Ils utilisent les médias sociaux pour manipuler l’opinion, musellent les médias, bafouent les libertés civiles. Ils soudoient des fonctionnaires et des maires pour obtenir leur loyauté, pratiquent le népotisme et enrichissent leurs amis. On peut aussi mettre dans ce lot Jair Bolsonaro, du Brésil, Narendra Modi, de l’Inde, et des chefs d’État d’anciennes républiques soviétiques et de pays arabes, tels que l’Algérie, la Tunisie et le Maroc.

Font aussi partie de cette mouvance populiste des chefs de partis d’opposition de pays démocratiques, comme l’Autriche, l’Espagne, la Suède, la Hollande et même l’Allemagne, depuis qu’Angela Merkel y fait entrer un million de réfugiés.

Bref, la démocratie se porte mal. L’index sur l’état de la démocratie de l’Intelligence Unit du magazine The Economist a reculé de 5,37 à 5,28 de 2020 à 2021, soit la plus importante baisse depuis 2010. C’est aussi le plus faible score depuis 2006, quand cet indice a été créé. Sur les 167 pays recensés, seulement 21 sont considérés comme pleinement démocratiques. Le Canada y figure au 12e rang et les États-Unis, au 26e.

 

Les États-Unis s’enfoncent

Alors que le géant américain se présente souvent comme la plus grande démocratie au monde, sa santé démocratique est plutôt défaillante. En fait foi le coup d’État manqué organisé par l’ex-président Donald Trump et ses sbires après sa défaite de novembre 2020 et jusqu’au 6 janvier 2021, quand des centaines de manifestants, parfois armés, ont envahi le Capitole pour empêcher l’assermentation du président Joe Biden.

Non seulement des élus républicains du Congrès ont alors tenté de faire avorter la cérémonie, mais, dans certains États, des complices avaient essayé préalablement de remplacer les grands électeurs désignés par le processus électoral par d’autres grands électeurs nommés arbitrairement, une manœuvre hautement illégale.

Dix-huit mois après l’élection de Joe Biden, les deux tiers des électeurs républicains croient encore que Trump a gagné l’élection de novembre 2020. Pire, 30 % d’entre eux croient qu’un recours à la violence serait justifié pour « sauver le pays ». Une expression chère à Trump.

Ce climat conspirationniste est entretenu par la grande majorité des élus républicains. Le grand parti de Lincoln n’a plus de pensée politique. Il poursuit deux buts : ramasser le plus d’argent possible (le financement électoral y est illimité) et remplacer les démocrates dans tous les lieux de pouvoir. Il favorise les baisses de taxes pour les riches, multiplie les contraintes au vote des minorités visibles, défend un système électoral antidémocratique, bloque tout ce qui est proposé par les démocrates, fait nommer des juges conservateurs (ils sont cinq sur neuf à la Cour suprême), veut réécrire l’histoire, privatiser l’éducation, bannir l’éducation sexuelle dans les écoles, etc. Mary Trump (nièce de Donald) le qualifie de « fasciste ».

 

Rester alerte

Il faudrait être naïf pour ne pas voir monter les effluves du poison Trump vers le nord. Nous avons aussi nos populistes : Maxime Bernier, Éric Duhaime, Pierre Poilievre, aspirant chef du Parti conservateur du Canada. Ce dernier veut faire d’Ottawa la capitale des cryptomonnaies, abolir CBC, tuer la taxe carbone. Il casse du sucre sur les élites, joue avec les faits et exploite la colère des laissés-pour-compte pour se faire du capital politique.

Il faut prendre au très au sérieux ce courant, qui s’installe tranquillement, comme en font foi les manifestations en faveur de la « liberté », qui sont organisées par des activistes et qui bénéficient parfois de financement américain.

En plus d’accroître la surveillance des médias sociaux et des agitateurs, l’État doit aussi se préoccuper de ceux qui s’estiment négligés et oubliés, qui sont parfois des proies faciles pour les populistes.

Le gouvernement canadien devrait, comme le propose le professeur et chercheur Thomas Homer-Dixon, créer un comité non partisan qui recevrait des renseignements d’experts politiques et sociaux susceptibles d’affecter la qualité de la démocratie au Canada et aux États-Unis et qui pourrait le guider dans les moyens à prendre pour contrer les dangers, émanant à la fois de l’extérieur et de l’intérieur, et qui menacent notre démocratie. Celle-ci est de loin supérieure à celle des Américains, mais il ne faut pas penser qu’elle n’est pas menacée.

 

***

 

J’aime 

Le bon sens a enfin prévalu et une grave erreur de planification a été corrigée. Le transport collectif sur rail dans l’est de l’île de Montréal sera conçu par une équipe composée du ministère québécois des Transports, de la Ville de Montréal, de la Société de transport de Montréal et de l’Autorité régionale de transport métropolitain. Exit le tracé du Réseau électrique métropolitain (REM) qu’avait planifié CDPQ Infra sur le boulevard René-Lévesque, qui défigurait le centre-ville et qui cannibalisait d’autres lignes de transport collectif. Le réseau qui sera construit dans l’est de la ville sera raccordé aux lignes existantes. 

 

Je n’aime pas

Alors que le salaire minimum au Québec vient de passer de 13,50 $ l’heure à 14,25 $ le 1er mai, la rémunération moyenne des PDG des 100 plus importantes entreprises canadiennes s’élevait à 10,9 M$ en 2020, soit 191 fois le salaire moyen de leurs employés. Aux États-Unis, la rémunération moyenne des PDG des 100 plus importantes sociétés a bondi de 31 % en 2021, pour atteindre 20 M$ $ US, soit 254 fois (238 fois en 2020) le salaire moyen de leurs employés. Cette iniquité pourrait conduire au désordre social. Pas étonnant qu’une vague de syndicalisation s’installe dans les entrepôts d’Amazon et vise 250 Starbucks. Le président Biden veut taxer davantage les riches, mais le Parti républicain préfère défendre ceux qui le financent. En France, le président Emmanuel Macron promet de s’attaquer à cette injustice.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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