La guerre économique entre la Chine et les États-Unis a débuté


Édition du 01 Juin 2019

La guerre économique entre la Chine et les États-Unis a débuté


Édition du 01 Juin 2019

CHRONIQUE. L'affaire Huawei, dont on parle beaucoup, n'est que la pointe de l'iceberg de la guerre économique qui s'est amorcée entre la Chine et les États-Unis.

En parallèle à cette polémique, l'escalade des tarifs douaniers à laquelle se livrent les deux rivaux donne à penser que ceux-ci montrent leurs muscles pour conclure un accord commercial.

Or, cette tentative a volé en éclat le 4 mai quand Donald Trump a révélé dans un tweet qu'il allait imposer des tarifs douaniers de 10 % à 25 % sur 200 milliards de dollars américains de produits importés de la Chine. Un décret a confirmé cette intention le 10 mai, après quoi la Chine a répliqué qu'elle allait exiger des tarifs sur 60 G$ US de produits américains à compter du 1er juin. Des rencontres ont ensuite eu lieu, mais tout est tombé à l'eau après que les Chinois eurent refusé un projet de texte d'accord soumis par les Américains. Les premiers voulaient des engagements précis et détaillés, mais les seconds préféraient des généralités.

Compte tenu des ego démesurés de Donald Trump et de Xi Jinping et des appuis qu'ils reçoivent de leurs commettants, il y a fort à parier que les enjeux qui se présentent à eux les amèneront à pousser encore plus loin les hostilités commerciales. Alors que des médias chinois, dont le Quotidien du peuple, qui est la propriété du Parti communiste, ridiculisent les manoeuvres américaines, Donald Trump explique à ses électeurs que les tarifs imposés sur les produits chinois vont ramener des emplois au pays. Il est allé jusqu'à dire que les «plus de 100 G$ US de tarifs» qui seront ainsi perçus serviront à acheter des produits agricoles de «nos grands fermiers», qui seront envoyés en aide alimentaire à l'étranger. Ce discours pourrait tenir aussi longtemps que l'économie ira bien (croissance du PIB de plus de 3 % et taux de chômage inférieur à 4 %).

La menace du président Trump en faveur d'une guerre commerciale avec la Chine n'est pas une surprise. Celui-ci en avait parlé abondamment pendant sa campagne électorale de 2016. Steve Bannon, son conseiller stratégique de l'époque, qui l'encourageait dans cette croisade, vient de réapparaître dans les médias américains pour expliquer que ce n'est pas un accord commercial qui doit être négocié, mais plutôt une guerre économique qu'il faut livrer à la Chine.

Le président qu'il faut face à la Chine

L'argumentaire de Bannon est le même que celui du chroniqueur et auteur Thomas L. Friedman, du New York Times, pour qui il est temps de bloquer la Chine, qui a profité trop longtemps de la naïveté des États-Unis, en volant leur propriété intellectuelle, en subventionnant ses exportateurs, en forçant des transferts de technologies et en fermant son marché à des produits concurrents de ceux de Huawei, etc. Bannon dénonce la stratégie «Made in China 2025», le projet hégémonique des nouvelles routes de la soie et le déploiement de la technologie 5G pour la téléphonie mobile de Huawei.

Craignant cette technologie, que les Américains ne possèdent pas et qu'ils présentent comme un cheval de Troie pour espionner à l'étranger, les États-Unis en ont interdit l'utilisation chez eux et font pression pour que d'autres pays les imitent. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont acquiescé, mais le Royaume-Uni, le Canada et l'Allemagne sont toujours en réflexion à ce sujet. À la demande de Trump, Google a retiré à Huawei ses licences d'utilisation de sa suite Android pour ses nouveaux téléphones mobiles 5G. Huawei arrive au deuxième rang des ventes mondiales de téléphones mobiles, derrière Samsung et devant Apple.

Par contre, Trump vient de permettre aux fournisseurs américains de processeurs de vendre, pendant 90 jours, leurs produits à Huawei, comme quoi le boycottage américain du 5G leur fait très mal. Huawei a acheté, en 2018, pour 11 G$ US de processeurs américains. En prévention du boycottage américain, Huawei a engrangé 36 G$ US de liquidités, a accumulé des stocks de processeurs et dit travailler ardemment pour devenir autosuffisante en composants.

Puissance de la Chine

Forte de ses 1,4 milliard d'habitants, d'une très forte croissance de son PIB, d'un surplus commercial de 323 G$ US avec les États-Unis, de parts de marché dominantes dans plusieurs secteurs de l'économie, d'une influence grandissante dans plusieurs parties du monde, d'une force militaire sophistiquée sur le plan technologique et, selon le FMI, d'un PIB en parité de pouvoir d'achat de 25 270 milliards de dollars internationaux*, supérieur à celui des États-Unis (20 494 G$ Int.*), la Chine fait peur aux Américains.

Avec Trump, les États-Unis ont un président assez buté pour tenter de livrer une guerre économique à leur grand rival. Les deux pays disposent d'armes inégales et des enjeux politiques s'imposeront, si bien qu'il est impossible de savoir qui pourrait en sortir gagnant.

Il se pourrait plutôt que tous en sortent perdants, ce qui devrait inciter à chercher une solution qui soit gagnante pour toutes les parties.

*Source : Fonds monétaire international, données de 2018. Le dollar international est utilisé pour comparer la parité de pouvoir d'achat des devises de différents pays.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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