La FTQ est indigne de gérer le Fonds FTQ : Québec doit agir


Édition du 01 Février 2014

La FTQ est indigne de gérer le Fonds FTQ : Québec doit agir


Édition du 01 Février 2014

On a tellement entendu parler des comportements indignes et du manque d'éthique de hauts dirigeants de la FTQ que la preuve est maintenant faite de la nécessité de retirer le contrôle du Fonds de solidarité FTQ de cette fédération syndicale.

Le Fonds n'est pas une bébelle, et il ne doit pas être la chose de leaders syndicaux qui se placent en conflit d'intérêts, qui pactisent avec des entrepreneurs suspects et qui sont des ignares sur le plan de la gouvernance.

Cela fait des décennies que des agents syndicaux de la FTQ-Construction font la pluie et le beau temps sur les chantiers de construction (ralentissement de travaux pour étirer leur réalisation, arrêts de travail injustifiés et illégaux, discrimination dans la sélection des travailleurs, élections truquées, etc.).

Même si la FTQ-Construction a renouvelé sa direction et que Québec a imposé au fil du temps certaines réformes pour tenter de civiliser les rapports dans l'industrie de la construction (bien sûr, certains entrepreneurs ont aussi été fautifs), rien ne garantit que la culture qui y a régné depuis un demi-siècle soit disparue comme par enchantement.

Au contraire, celle-ci a même déteint sur la Fédération elle-même. En témoignent la passivité de l'ex-président de la FTQ, Michel Arsenault, à l'égard du train de vie inapproprié et des relations mafieuses de Jocelyn Dupuis, ex-directeur général de la FTQ-Construction, et les relations de membres des conseils d'administration (CA) de la FTQ et du Fonds avec des personnages douteux. Dans une conversation enregistrée à son insu, Élaine Zakaïb, ex-directrice générale des fonds régionaux du Fonds, a révélé que la FTQ-Construction - présidée alors par Jean Lavallée - lui avait interdit de financer des entreprises concurrentes de celles de Tony Accurso, grand ami de Michel Arsenault. Jean Lavallée et Louis Bolduc, qui étaient administrateurs de la FTQ et du Fonds, ont aussi profité des largesses de l'entrepreneur en construction. Le premier, qui se faisait payer des voyages par Accurso, lui achetait des bouteilles de cognac à 2 000 $, tandis que le second, qui oeuvrait au sein des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, a séjourné sur son fameux yacht.

Réforme insuffisante de la gouvernance

Toutes les manigances rapportées à la commission Charbonneau grâce à l'écoute électronique ont eu lieu avant la réforme de la gouvernance du Fonds en 2009. Il semble toutefois que ce virage résulte beaucoup plus des craintes soulevées par les enquêtes de journalistes que par souci d'éthique. Michel Arsenault a même appelé son ami Tony Accurso pour lui dire de se méfier des journalistes, parce qu'il y avait une taupe à la FTQ.

En plus de la vente des actions que détenait le Fonds dans les entreprises de Tony Accurso, l'essentiel de cette réforme a consisté en la création de «conseils sectoriels délégués» pour évaluer les demandes d'investissements en capital de risque avant leur acheminement au CA du Fonds. Ces conseils, composés majoritairement d'experts indépendants, sont présidés par un administrateur issu de la FTQ.

Malgré les dommages que la FTQ a causés à la réputation du Fonds, celui-ci est toujours sous la gouverne de la fédération syndicale, qui détient la majorité des postes à son CA, conformément à la loi qui le constitue. Le CA du Fonds est dirigé par le président de la FTQ, mais ce n'est pas une exigence de la loi.

Une réputation entachée

Étant donné que de hauts dirigeants de la FTQ se sont montrés incapables de distinguer le bien du mal (gaspillage de fonds, conflits d'intérêts, liens douteux, aveuglement volontaire face à des actes illégaux, etc.), cette organisation syndicale n'a pas la fibre morale pour gérer une institution de 9,7 milliards de dollars d'actif net appartenant à 615 000 actionnaires.

Il ne fait aucun doute que le Fonds a été une excellente initiative. Mais celui-ci n'existerait plus si les épargnants avaient pu y retirer leurs placements, car les scandales invoqués au fil des ans auraient provoqué une vague de retraits dont il ne se serait pas remis. Heureusement, tel n'a pas été le cas. Le Fonds a obtenu au fil des ans des résultats financiers acceptables, et il n'y a pas lieu de penser que les épargnes des membres soient menacées.

La réputation du Fonds a été entachée par les frasques de certains dirigeants de la FTQ. Si celle-ci a à coeur le meilleur intérêt du Fonds, elle devrait renoncer à présider son conseil et à contrôler la majorité de ses sièges.

De son côté, le gouvernement du Québec doit légiférer pour changer la gouvernance du Fonds. Cela rassurerait ses actionnaires.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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