Investir davantage en éducation plutôt que de baisser les impôts


Édition du 26 Janvier 2019

Investir davantage en éducation plutôt que de baisser les impôts


Édition du 26 Janvier 2019

Il ne se passe pas une journée sans que l'on entende parler des injustices créées ou inspirées par des dirigeants populistes autoritaires comme Duterte aux Philippines, Orban en Hongrie, Erdogan en Turquie, Poutine en Russie, Xi Jinping en Chine, Kim Jong-un en Corée du Nord, les Saoud en Arabie-Saoudite, Salvini en Italie, Bolsonaro au Brésil, Trump aux États-Unis et autres cryptodictateurs.

La montée du populisme frappe aussi en Autriche, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suède, au Danemark et dans d'autres pays d'Europe, où les populations affichent souvent leur racisme.

Deux grandes raisons expliquent ce courant : la perte de confiance envers les élites politiques et économiques, qui sont souvent corrompues et amorales, et la montée des inégalités.

Le Canada échappe pour le moment à ce phénomène, bien que Maxime Bernier, qui a senti le vent trumpien, a fondé un parti qui fait la promotion des valeurs de droite et qui s'est collé au populisme. Pour le moment, son parti ne semble pas pouvoir décoller.

La raison de ce manque d'intérêt vient probablement du fait que le Canada est un pays beaucoup moins inégalitaire que son voisin, comme en témoigne le coefficient GINI, qui mesure les inégalités au sein des 35 pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Le Canada est au 19e rang de ce classement avec un indice de 0,306 pour le revenu disponible, en regard de 0,391 pour les États-Unis, qui arrivent au 33e rang, devant la Turquie, le Chili et le Mexique.

Plus ce coefficient est bas, plus faibles sont les inégalités. Dans l'édition 2018 de son «Bilan de la fiscalité» que vient de publier la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, les chercheurs ont établi le coefficient de GINI pour le Québec à 0,284, ce qui le place au 11e rang du classement des pays de l'OCDE. Le Québec suit plusieurs pays de l'Europe du Nord, où les inégalités sont généralement moins grandes qu'en Europe de l'Ouest.

Modèle québécois

On constate davantage aujourd'hui l'impact positif du modèle québécois. Souvent critiqué pour le coût des mesures sociales qui le définissent et pour l'interventionnisme étatique qui l'accompagne, le modèle québécois est certainement un facteur de stabilité et de paix sociale. Parce que la progressivité de l'impôt est plus forte au Québec, que le système de garderie pour les enfants est très développé, ce qui permet aux femmes de participer davantage au marché du travail, et que nos programmes sociaux sont bien développés, le Québec offre un système de redistribution de la richesse enviable.

Grâce à ce dispositif, le Québec est l'une des provinces les plus égalitaires. Par contre, si on fait abstraction de la fiscalité et des programmes sociaux, le Québec devient l'une des provinces les plus inégalitaires, selon une étude publiée en juin 2017 par l'Institut du Québec sous le titre «Le Québec est-il égalitaire ?»

On constate que si la redistribution de la richesse propre au modèle québécois se révèle un facteur très positif pour la paix sociale, celle-ci n'assure pas la mobilité sociale, c'est-à-dire la possibilité pour les enfants d'avoir de meilleurs revenus que leurs parents. Selon l'étude de l'Insitut du Québec, le Québec présente une mobilité sociale comparable à celle du Canada dans son ensemble, mais plus basse que celle de la Colombie- Britannique et de la Saskatchewan. C'est aussi le cas pour Montréal par rapport à Toronto et Vancouver, qui offrent de meilleures perspectives d'ascension sociale à leurs résidents. La conclusion vient d'elle-même. Il ne suffit pas de redistribuer la richesse pour créer une société plus égalitaire. Autrement dit, comme le veut le dicton, il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher que de lui donner un poisson.

Enjeu pour le gouvernement Legault

En promettant de réduire les impôts et en faisant de l'éducation sa grande priorité, le gouvernement Legault s'est placé dans un certain dilemme : ou bien réduire les inégalités à court terme en baissant les impôts, ou bien s'attaquer aux inégalités à long terme en investissant dans des programmes sociaux structurants.

Un investissement massif en éducation qui donnerait des chances égales à tous les enfants permettrait aux moins favorisés d'entre eux, notamment à ceux qui sont issus de l'immigration et de certaines minorités culturelles, de gagner de meilleurs revenus que leurs parents. La mobilité sociale accrue qui en résulterait réduirait les inégalités de façon durable. On briserait ainsi le cercle vicieux voulant que les enfants pauvres deviennent des parents pauvres.

Voilà pourquoi il serait plus structurant sur le plan social et économique de faire plus et mieux pour l'éducation et l'intégration des immigrants que de mettre quelques dollars dans les poches des contribuables.

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J’aime ­

Bonne nouvelle pour les contribuables qui paient leurs impôts. Revenu ­Québec a imposé des amendes et a obtenu des jugements pour fraudes fiscales et contrebande du tabac totalisant 216 millions de dollars pendant les six premiers mois de l’exercice 2018‑2019. Trente-neuf peines de prison ont été imposées. Le dossier ­Carat, dans l’orfèvrerie, a coûté 169 M$ d’amendes aux 11 sociétés et aux huit administrateurs impliqués, lesquels ont aussi été envoyés en prison.

Je n’aime pas ­
Selon un sondage récent d’Ipsos auprès de 2 000 ­Canadiens adultes, les ­Québécois sont très imprévoyants quant à leurs besoins financiers à la retraite. Alors que 53% d’entre eux ont avoué ne pas avoir de plan de retraite, les ­Québécois ont estimé à 427 000 $ en moyenne l’actif nécessaire à une retraite confortable. Cela se compare à 787 000 $ pour l’ensemble des ­Canadiens, à 872 000 $ pour les ­Ontariens et à 774 000 $ pour les résidents des provinces de l’Atlantique.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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