Il faut séparer les tâches dans la gestion des contrats publics


Édition du 18 Janvier 2014

Il faut séparer les tâches dans la gestion des contrats publics


Édition du 18 Janvier 2014

Même si la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction n'est pas à la veille de publier ses recommandations, on peut déjà prévoir qu'elle suggérera des moyens d'améliorer la gestion des contrats de travaux publics.

Des mémoires lui ont déjà été acheminés à cette fin, et certains sont même offerts sur le site Internet de leurs auteurs.

L'un de ces mémoires a été produit par l'Association des cadres municipaux de Montréal (ACMM), qui compte 750 membres. Certaines recommandations de ce mémoire ont été endossées par la Fédération des associations de cadres municipaux du Québec, qui regroupe 2 500 cadres de 25 grandes villes (y compris ceux de l'ACMM).

Un autre mémoire a été produit par Macogep, une firme spécialisée dans la gestion de projets et qui n'est pas liée à d'autres intervenants dans l'industrie de la construction.

Ces mémoires convergent sur certains aspects et divergent sur d'autres. Voyons d'abord les convergences. Tandis que le mémoire de l'ACMM recommande que la gestion des marchés publics des municipalités suive les règles de la Loi sur les contrats des organismes publics (loi québécoise), Macogep estime que le droit régissant ces marchés soit unifié.

Présentement, les contrats de travaux publics et les achats de services professionnels des municipalités sont gérés en vertu de la Loi sur les cités et villes. On sait maintenant que cette loi a permis le magouillage dans la gestion de nombreux contrats dans la région de Montréal. Selon Macogep, il n'y a aucune raison juridique, technique ou opérationnelle justifiant l'existence de deux régimes d'attribution de contrats dans le secteur public. On devrait se mettre d'accord sur ce point.

Autre point de convergence : comme c'est le cas en gestion financière (on ne confie pas à une même personne les tâches de passer les commandes, d'approuver les factures et de faire les chèques), il faut séparer les tâches dans la gestion des contrats de travaux publics. Il est élémentaire de ne pas faire surveiller les travaux de construction par les personnes qui en ont préparé les plans et les devis. Encore une fois, l'ACMM et Macogep logent à la même enseigne. C'est le gros bon sens.

Contrer le manque d'expertise

On sait que bien des municipalités manquent d'expertise technique pour gérer efficacement leurs contrats de travaux publics. Ce constat a été documenté dans un rapport remis au ministre Laurent Lessard en mars 2010. Au fil des ans, des vérificateurs généraux de certaines villes ont aussi fait des constats similaires. Heureusement, des actions ont déjà été posées par certaines villes, dont Montréal, qui a recruté des professionnels, nommé un contrôleur général et mis sur pied un groupe-conseil pour mieux gérer ses contrats. Ces initiatives sont pertinentes et justifiées.

Toutefois, l'embauche massive de fonctionnaires n'est pas une solution optimale pour les entités de plus petite taille, ni pour accéder à toutes les expertises dont les municipalités, indépendamment de leur taille, ont besoin pour bien gérer leurs contrats publics.

Sans être une panacée, la sous-traitance reste une solution efficiente pour le secteur public si celle-ci est utilisée de façon à éviter la collusion et la corruption. La clé ici est la séparation des tâches, ce dont la Ville de Montréal ne s'est aucunement préoccupée lorsqu'elle a confié à deux fournisseurs seulement la réalisation de son projet d'installation de compteurs d'eau, qui a été annulé depuis.

Avec tout ce que l'on sait déjà, il n'est pas nécessaire d'attendre le rapport de la Commission pour commencer à réfléchir sur des pistes de solution aux malversations qui ont déjà été cernées. Parmi les innovations qui pourraient nous inspirer, il y a le dispositif français de gestion des contrats publics, auquel le mémoire de Macogep fait écho.

Le fondement de ce modèle est un cadre juridique précis, qui définit les rôles et les responsabilités des intervenants dans un projet, à partir du maître de l'ouvrage (responsable de toutes les phases, soit de la conception à l'exécution) jusqu'à la sélection des mandataires (qui exécuteront des tâches spécifiques), en passant par l'assistance d'experts sur les différents éléments de la gestion du projet.

Ce dispositif repose sur le principe capital de la séparation des tâches et de la responsabilisation des différents intervenants. À quand une conférence sur les solutions à trouver pour mieux gérer nos contrats publics ?

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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