Safia ­Qureshi: «­Il faut réutiliser votre tasse en céramique 2000 fois pour être plus vert que notre service»


Édition du 10 Novembre 2018

Safia ­Qureshi: «­Il faut réutiliser votre tasse en céramique 2000 fois pour être plus vert que notre service»


Édition du 10 Novembre 2018

Par Diane Bérard

Safia ­Qureshi, fondatrice et ­PDG, ­CupClub

Personnalité internationale — En 2108, la jeune pousse britannique CupClub a remporté le prix du design en économie circulaire de la fondation Ellen MacArthur. Ce service de location de contenants réutilisables de breuvages est née de l'imagination de Safia Qureshi, une architecte qui estime que le design peut être mis à contribution pour résoudre des enjeux environnementaux.

Diane Bérard - Qu'est-ce que le service CupClub ?

Safia Qureshi - C'est un service de location de contenants réutilisables pour boissons chaudes et froides. Chaque jour, nous livrons au client des contenants propres. Ceux qui sont souillés peuvent être laissés par les consommateurs dans des boîtes réparties à proximité du lieu d'achat de la boisson. Nous les ramassons quotidiennement. Ils sont lavés chez un de nos partenaires et remis et circulation le lendemain. Tous nos clients se trouvent dans des environnements fermés : des centres commerciaux, des bureaux, des campus universitaires, des aéroports, des festivals. Il est donc facile de contrôler le déplacement et le dépôt des contenants. Les consommateurs n'ont pas à se compliquer la vie. Plus besoin de traîner avec soi sa tasse réutilisable.

D.B. - Comment avez-vous eu l'idée de ce service ?

S.Q. - Je suis architecte. Tout comme les designers, nous avons l'habitude de résoudre des problèmes. Dans le cas de CupClub, il s'agit de la multiplication des déchets, en général, et de celle du plastique, en particulier. Nous avons établi qu'une dizaine d'articles sont responsables, à répétition, de la majorité de la pollution des villes, notamment les boîtes-repas, les mégots de cigarettes, la gomme à mâcher, les sacs de plastique et les contenants pour boisson à usage unique. Voyant monter les enjeux liés au plastique, j'ai cherché une solution de rechange aux tasses jetables.

D.B. - Le plastique est entré massivement dans nos vies parce que c'était pratique. Pour nous convaincre de nous en débarrasser, il faut aussi que ce soit simple...

S.Q. - Que ce soit simple ou incontournable. Nous faisons partie de ces entreprises pour qui la réglementation environnementale est un facteur positif. Nos clients doivent disposer de leurs déchets. Cela occasionne des casse-têtes logistiques et des coûts. Vu ainsi, la transition vers nos contenants réutilisables devient simple.

D.B. - Quels défis avez-vous rencontrés pendant la phase de développement ?

S.Q. - Le premier fut de définir les clients. Nous avons d'abord développé l'idée pour ensuite nous demander : qui paiera pour notre service ? Second défi : le potentiel de croissance. Pourrions-nous vendre ce service à un nombre suffisant de clients pour bâtir une organisation pérenne ? Et puis, il fallait bâtir une chaîne d'approvisionnement pour un service qui n'existait pas. Et déterminer les joueurs à inclure. Qui nous aiderait à fabriquer, à distribuer et à faire circuler notre produit ? Il fallait aussi trouver un partenaire technologique. Nos contenants sont équipés de la radio-identification (RFID) pour suivre leurs déplacements et optimiser notre logistique.

D.B. - Parlons du défi du prix. Vos clients ne paient plus pour une boisson et ce qu'il en coûte pour le produire, mais bien pour un service incluant une infrastructure de soutien.

S.Q. - Vous avez raison. Pour chaque boisson, le prix de notre service doit inclure les coûts d'entretien des contenants ainsi que ceux de l'infrastructure requise pour assurer cet entretien. Nous travaillons avec nos partenaires afin de réduire l'écart entre le prix que nos clients payaient pour les boissons qu'ils vendaient dans des contenants jetables et celui de notre service. Et nous visons à fournir des données pertinentes à nos clients montrant l'impact positif de notre service sur leurs coûts totaux annuels. Nous mettons de l'avant un rendement de l'investissement qui est à la fois financier (grâce à l'élimination du ramassage des déchets) et «réputationnel» (qui accroît la fidélisation des clients).

D.B. - CupClub se veut une solution à un enjeu environnemental. Vos indicateurs environnementaux doivent être irréprochables...

S.Q. - Il faut être cohérent, c'est évident. Nos contenants sont fabriqués en Grande-Bretagne, pour limiter les déplacements. Chaque livraison chez le client est coordonnée avec un ramassage. Et le lavage est optimisé afin d'employer un minimum d'eau pour un maximum de contenants.

D.B. - En juillet 2018, vous avez dévoilé votre rapport de développement durable. Pouvez-vous nous donner quelques conclusions ?

S.Q. - Nous avons demandé à la firme britannique Giraffe Innovation, spécialiste de l'analyse cycle de vie et du calcul de l'empreinte carbone, de comparer l'impact de notre service à celui d'une tasse à café en carton, d'une tasse en polystyrène et d'une tasse en céramique réutilisable. On y apprend, par exemple, qu'une tasse de polystyrène et son couvercle ont une empreinte carbone 38 % plus élevée que celle du service CupClub ; qu'il faut utiliser sa tasse en céramique 2 000 fois pour tirer un meilleur rendement environnemental que le service CupClub, dont les tasses sont réutilisées, en moyenne, 132 fois. Pour que l'empreinte carbone des tasses jetables étudiées soit semblable à celles du service CupClub, il faudrait que celles-ci soient recyclées à 80 %. Ce qui est loin du compte en ce moment.

D.B. - CupClub est le début d'une gamme de services. Expliquez-nous.

S.Q. - En effet, pourquoi acheter un produit qu'on utilise à peine quelques minutes ? Nous comptons mettre sur pied un service similaire à CupClub pour les bouteilles jetables, les boîtes-repas et autres contenants jetables pour la nourriture à emporter.

D.B. - Existe-t-il d'autres services similaires à CupClub ?

S.Q. - Oui, quelques entrepreneurs européens travaillent sur des concepts similaires. Ce qui n'est guère surprenant, compte tenu de l'ampleur du problème. [N.D.L.R. La Québécoise CANOtogo développe un concept similaire.]

D.B. - Quelles sont vos sources de revenus ?

S.Q. - D'abord, la location de nos services. Ensuite, la monétisation des données que nous recueillons grâce à la puce installée sur nos contenants. Cette information permet à nos clients de connaître les habitudes de leurs consommateurs.

D.B. - Comment CupClub s'est-elle financée ?

S.Q. - CupClub fut d'abord un projet du Studio (D) Tale, une agence boutique de design et d'architecture que j'ai cocréée avec Maxwell Mutanda. Nous utilisons le design comme outil de résolution de problèmes sociétaux. Le financement initial fut donc fourni par Studio (D) Tale. Puis, CupClub est devenue une entreprise autonome. Nous avons reçu du financement d'anges investisseurs.

D.B. - Qu'est-ce qui a retenu l'attention de vos investisseurs ?

S.Q. - D'abord, le potentiel de marché. Un nombre croissant d'investisseurs recherchent des solutions aux enjeux environnementaux. Surtout si celles-ci peuvent passer à l'échelle. C'est le cas de CupClub, grâce à nos partenariats. Les investisseurs apprécient aussi nos projets pour d'autres gammes de services inspirés du modèle CupClub.

D.B. - Quel est votre but ultime ?

S.Q.- À terme, nous souhaitons que CupClub et ses futurs services dérivés amorcent un changement comportemental tel que, dans le secteur des aliments, les emballages réutilisables deviendraient la norme.

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