Il faut briser la culture de dépendance à l'aide sociale


Édition du 21 Novembre 2015

Il faut briser la culture de dépendance à l'aide sociale


Édition du 21 Novembre 2015

Même si ce n'est ni payant ni glorieux de recevoir un chèque d'aide sociale de 616 $ par mois, certaines personnes en âge de travailler et en bonne santé arrivent à s'en accommoder.

Ou bien celles-ci détestent vraiment travailler, ou bien elles n'aiment pas les tâches qu'on leur a confiées, ou encore elles n'arrivent pas à conserver l'emploi qu'elles ont trouvé ou qu'on leur a trouvé parce que celui-ci n'est pas à la hauteur de leurs ambitions. Travailler chez McDo, comme le font souvent avec bonheur beaucoup d'étudiants et d'immigrants, ou cueillir des fruits et des légumes comme le font des travailleurs temporaires étrangers, ce n'est pas assez payant ou c'est trop exigeant pour le dos.

Tout compte fait, l'aide sociale leur paraît préférable, surtout si ces parasites peuvent continuer à demeurer au domicile familial, à se faire héberger chez un tiers, à prendre des «jobines» au noir ou à se livrer à des activités illicites.

Ces situations, que les bonnes âmes refusent de voir, existent vraiment, et les dénoncer n'est pas un manque d'empathie. Elles illustrent une culture de dépendance qu'il faut casser, par respect à la fois pour les travailleurs qui gagnent leur vie, parfois péniblement et au salaire minimum, et pour les désoeuvrés eux-mêmes qui sont pris dans un cercle vicieux dont ils ne semblent pas pouvoir s'extirper.

Un projet de loi pertinent et sensé

Selon le gouvernement du Québec, quelque 17 000 personnes demandent chaque année de l'aide sociale pour la première fois. De ce nombre, 60 % ont moins de 29 ans et 38 % viennent d'une famille qui reçoit déjà de l'aide sociale, ce qui signifie qu'il pourrait bien exister une accoutumance à ce mode de vie dans certaines cellules familiales. C'est une attitude qu'il faut changer, afin qu'elle cesse de se propager de génération en génération.

Le projet de loi 70, qui vise «une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi» et «l'intégration en emploi» n'est en aucune façon un «retour aux boubous macoutes», comme l'a prétendu le leader péquiste Pierre Karl Péladeau. Il n'est pas non plus «une atteinte à la dignité de la personne», comme l'a soutenu de façon démagogique Françoise David, de Québec solidaire. Ces deux députés semblent avoir oublié l'enseignement de notre grand poète Félix Leclerc : «La meilleure façon de tuer un homme, c'est de le payer à ne rien faire».

Les adversaires du projet de loi ont dénoncé le fait que le gouvernement pourrait forcer ses bénéficiaires de l'aide sociale à accepter un emploi à plusieurs centaines de kilomètres de leur domicile. Cette hypothèse serait davantage de la désinformation qu'une possibilité réelle. On peut et on doit l'appliquer avec souplesse et bon sens.

Formation et emploi

Les règlements qui suivront l'adoption du projet de loi ne sont pas connus dans le détail, mais selon des sources fiables, les personnes qui participeront activement à un programme de recherche d'emploi recevront quelque 130 $ par mois en sus de leur allocation de base, alors que ceux qui s'inscriront à un parcours de développement de leurs compétences et de leurs habiletés sociales pourront recevoir jusqu'à 250 $ par mois de plus que leur prestation de base (au lieu de 195 $ actuellement). Ces sommes supplémentaires devraient être offertes pendant 12 mois aux personnes qui s'inscriront à un programme de recherche d'emploi et jusqu'à deux ans à celles qui persisteront dans un parcours de formation.

Chaque candidat au nouveau programme recevra un accompagnement personnalisé, ce qui veut dire qu'il bénéficiera soit d'un suivi dans la recherche d'un emploi, soit d'une assistance dans son programme de formation. Cette assistance tiendra compte de ses connaissances acquises, des compétences nouvelles à développer et de ses préférences. Si un candidat «apte au travail» et «en bonne santé» refuse de participer au programme, il pourrait, dans un premier temps, perdre ses montants additionnels de 130 $ et 250 $ et, dans un deuxième temps, voir son allocation de base réduite jusqu'à 50 %. La mesure est draconienne, certes, mais comme c'est le cas pour les enfants, il y a des adultes qui ne comprennent le bon sens que lorsqu'ils sont obligés de faire face à une conséquence désagréable.

Ce n'est pas par intérêt partisan qu'un gouvernement présente un tel projet de loi. Au contraire, celui-ci se justifie économiquement et sur le plan de la justice sociale.

Si, tel qu'espéré, 85 % des 17 000 nouveaux candidats à l'aide sociale intègrent le marché du travail, le gouvernement du Québec économisera 50 millions de dollars par année. C'est non négligeable, mais ce ne sera pas le gain principal de ce programme. Le principal résultat sera plutôt d'avoir permis à 15 000 candidats à l'aide sociale d'avoir retrouvé une fierté.

J'aime

Selon le ministre Gaétan Barrette, l'État devra éventuellement revoir le panier des services de santé offerts à la population. Il a raison. Alors qu'on réduit les budgets partout, on peut se demander pourquoi des services non médicaux sont payés par l'État. La procréation assistée était un service que l'État n'avait pas les moyens d'offrir universellement. Grâce à la loi 20, l'aide financière pour ce service sera mieux circonscrite et limitée.

Je n'aime pas

Selon l'Office parlementaire du budget, 40 % des diplômés universitaires canadiens âgés de 25 à 40 ans sont trop qualifiés pour les emplois qu'ils occupent. En 2014, 582 000 d'entre eux étaient surqualifiés, 795 000 étaient correctement qualifiés et 77 000 étaient sans emploi. Formerait-on trop de personnes dans des disciplines non pertinentes par rapport au marché du travail ?

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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