Fermeture de Mélaric : bêtise de Québec, gouvernance médiocre


Édition du 23 Janvier 2016

Fermeture de Mélaric : bêtise de Québec, gouvernance médiocre


Édition du 23 Janvier 2016

L'annonce subite et dramatique de la fermeture de Mélaric, un centre de référence pour alcooliques et toxicomanes de Saint-André-d'Argenteuil, le 12 janvier, est le résultat d'un cafouillage insensé.

Du jour au lendemain, les 72 personnes qu'hébergeait ce centre se sont retrouvées dehors, tandis que 16 employés ont perdu leur emploi. Tout le monde aurait été informé le matin même de cette fermeture. Les médias ont été prévenus, afin que l'événement puisse susciter de l'émotion. Les pensionnaires qui venaient du milieu carcéral y ont été retournés, alors que d'autres ont été pris en charge par des proches ou hébergés ailleurs.

Cette fermeture était appréhendée par le milieu et le gouvernement la redoutait probablement. Mais Québec n'a pas été prévenu du moment où elle surviendrait. Il semble y avoir un enjeu de règlement de compte dans ce geste théâtral, ce qui est incorrect, malheureux et préjudiciable pour les utilisateurs du centre. Heureusement, des ressources compétentes sont venues à la rescousse. Décortiquons :

1. Mélaric est un organisme à but non lucratif accrédité par le Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides. Le gouvernement ne peut remettre en cause sa légitimité.

2. Sa gouvernance n'est guère impressionnante. Son conseil d'administration (CA) est présidé par Lise Bourgault, qui en est aussi la directrice générale adjointe, selon le site Web de l'établissement. On doit éviter ce cumul de postes. Selon ce site, le CA de Mélaric ne compte que quatre membres. Par contre, on en mentionne sept dans le registre des entreprises du Québec. Sur ces sept personnes, trois sont des employés, ce qui est inapproprié. On y trouve aussi un policier, pompier volontaire et investisseur immobilier de Hawkesbury, une administratrice scolaire, un travailleur «dans le domaine de l'électricité» et l'ex-directeur général (destitué) de Lachute.

3. On ne sait pas qui a pris la décision de fermer le centre Mélaric. Ou bien c'est Lise Bourgault, qui gère le dossier de main de maître, ou bien c'est le CA. Pourtant, il semble invraisemblable qu'un conseil qui a pour mission de veiller au bien-être de gens aussi vulnérables que ceux qui fréquentent ce centre et qui devrait avoir de la compassion pour de telles personnes ait pris une décision aussi lourde de conséquences.

4. Le centre est très peu transparent. Il ne semble pas publier de rapport annuel. Il n'a rien déclaré depuis 2013 à donnerocharites.ca, un site Web qui recueille de l'information sur les organismes de bienfaisance accrédités par l'Agence du revenu du Canada. Les dernières données divulguées datent de 2013 et font état de revenus de 10 000 $ et de dépenses de 12 000 $. C'est dire que le centre a très peu recours au financement autonome, ce qui est pourtant crucial lorsqu'on gère un organisme communautaire. Par prudence, son CA aurait dû trouver d'autres moyens de financement en cas de retrait de l'aide de l'État.

Un dossier qui devrait être revu

Le gouvernement ne peut se laver les mains de la fermeture de Mélaric. Les difficultés financières du centre découlent de la décision stupide du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale de l'époque, François Blais, de faire passer de 747 $ à 200 $ par mois à compter du 1er mai 2015 la prestation des assistés sociaux qui sont hébergés dans les 23 centres de désintoxication qui ne reçoivent pas d'aide du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC), comme Mélaric. Or, 33 centres semblables comptant 627 lits (plusieurs ne seraient pas occupés) bénéficient d'une somme de plus de 7 millions de dollars du PSOC. Cette différence de traitement pour des centres comparables semble aussi insensée qu'inexplicable.

Mélaric exigeait des frais d'admission de 150 $ et de 400 $ par mois pour les thérapies dispensées, sommes qui étaient prélevées à même la prestation de 747 $ des bénéficiaires, ce qui leur permettait de conserver environ 300 $ d'argent de poche. Ce financement était en sus du financement gouvernemental de 37 $ par jour pour les personnes hébergées dans une chambre à plusieurs lits et de près de 50 $ par jour pour celles qui disposaient de chambres à deux lits.

À la suite de la réduction de la prestation à 200 $, le centre s'est trouvé face au choix suivant : continuer d'exiger les 400 $ que les prestataires ne pouvaient pas payer, ou renoncer à ces 400 $ et devenir non rentable, ce qui est arrivé.

D'autres centres vivent la situation de Mélaric et pourraient fermer s'ils ne recevaient pas d'aide d'ailleurs. L'association qui les représente demande 10 $ par jour par bénéficiaire, ce qui ne représente pas une fortune ; ce montant pourrait aussi venir des chambres payées et non occupées dans les centres appuyés par le PSOC.

Ce dossier a été géré sans compassion par des ministères qui se sont renvoyé la balle et par un CA irrespectueux des valeurs humaines que devraient pourtant partager ses administrateurs qui entrevoient peut-être une autre vocation pour leur immeuble.

Bref, il s'agit d'un dossier dans lequel on a erré sur le dos de bénéficiaires mal aimés et qui devrait être revu.

J'aime

La juge Danielle Grenier de la Cour supérieure a confirmé la justesse des dommages punitifs de deux millions de dollars imposés au syndicat des cols bleus de Montréal à la suite d'une grève illégale survenue en décembre 2004. Environ 50 piétons avaient alors poursuivi le syndicat des cols bleus relativement à des accidents survenus sur des trottoirs non déglacés. Transformées en recours collectif, ces requêtes avaient fait l'objet d'un premier jugement en 2010.

Je n'aime pas

Il a fallu attendre plus de 10 mois avant que le ministre de l'Éducation, François Blais, ne visite des écoles de Montréal. Il l'a fait le 16 janvier, mais il ne voulait pas y rencontrer les médias. Autre concession, c'est grâce à des pressions soutenues qu'il a invité la Commission scolaire de Montréal et la Commission scolaire English-Montréal à la commission parlementaire liée à son projet de loi 86 sur la réforme des commissions scolaires.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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