Émissions de cryptomonnaies : quand l'engouement se bute au risque


Édition du 16 Septembre 2017

Émissions de cryptomonnaies : quand l'engouement se bute au risque


Édition du 16 Septembre 2017

Par Alain McKenna

[Photo : Getty Images]

L'expression Initial coin offering, ou ICO, est sur toutes les lèvres dans le secteur financier ces jours-ci. La raison en est simple : cette méthode de financement par création de monnaies virtuelles a permis de récolter des centaines de millions de dollars américains dans le monde ces quatre dernières années. Une récolte pas toujours propre, ce qui amène les autorités à vouloir mieux encadrer le phénomène.

Le fait que la valeur totale des monnaies virtuelles les plus populaires dépasse aujourd'hui la centaine de milliards de dollars n'est pas étranger à l'engouement suscité par ces «premières émissions de cryptomonnaies», pourrait-on traduire. «Ces monnaies ont tellement de potentiel : programmes de fidélité, économie locale, programmes d'affiliation... Même l'argent Canadian Tire, qui existe depuis des décennies, pourrait en bénéficier», croit Chris Arsenault, associé principal chez iNovia, à Montréal.

Ça fait évidemment saliver les investisseurs férus de technologies émergentes. M. Arsenault compare la situation aux premiers projets de sociofinancement, sur des plateformes comme Kickstarter. L'attrait est grand, mais le risque l'est également, avertit-il. «Il y a tellement d'effervescence que certains seront forcément déçus ou perdront de l'argent.»

Premières émissions de monnaies virtuelles

L'émission de monnaies virtuelles est une technologie émergente prometteuse, mais risquée. Il s'agit du croisement entre deux pratiques financières aux antipodes : le sociofinancement et la Bourse. Pour quiconque désire se lancer en affaires, c'est un moyen d'obtenir du financement d'internautes et d'investisseurs en tout genre, selon un modèle reprenant celui des premiers appels publics à l'épargne, qui mènent ensuite à être coté en Bourse. À la différence que ces émissions ne se retrouvent justement pas en Bourse : les investisseurs reçoivent plutôt une participation dans une monnaie virtuelle qui peut ensuite prendre de la valeur (ou au contraire, en perdre) en fonction de divers facteurs, mais qui n'est encadrée par aucune autorité réglementaire reconnue.

Cela a donné lieu à des pratiques frauduleuses, comme la publication de fausses informations permettant de gonfler artificiellement la valeur de ces monnaies, après quoi leurs créateurs, souvent anonymes, liquident tout et se sauvent avec l'argent. Cette pratique a un nom : le pump and dump (le «gonfle et vend»). Ça a forcé certains pays à réagir. Au début de septembre, la Chine a notamment décidé d'interdire tout financement à partir de monnaies virtuelles.

D'autres pays adoptent une approche plus modérée. La Banque du Canada et la plupart des institutions financières suivent l'émergence des monnaies virtuelles depuis les lignes de côté, mais les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et l'Autorité des marchés financiers (AMF) aimeraient bien encadrer ces nouvelles monnaies. «En ce moment, on peut créer une monnaie virtuelle en une heure. Il y en a aux États-Unis qui ont récolté des millions en quelques minutes ! Toutefois, si ça va mal, les investisseurs n'ont aucun recours. Ces monnaies sont décentralisées. Qui poursuivre ? Selon quelle jurisprudence ? Ce n'est pas évident», explique Patrick Théorêt, directeur financier des sociétés pour l'AMF.

Au-delà des quelques délinquants qui font la manchette (voir l'encadré), c'est une nouvelle dont se réjouissent les participants à cette forme d'investissement, assure Craig Asano, président de l'Association nationale du sociofinancement du Canada. «Établir des règles claires, réduire la spéculation et combattre le battage superflu aideront à créer un climat de confiance fort bienvenu pour les investisseurs», dit-il.

Un engouement qui passe par un meilleur encadrement

Cet été, l'AMF a donné son aval à Impak Finance, une entreprise montréalaise qui a lancé sa propre monnaie virtuelle, l'Impak Coin. Son objectif d'aider à développer des projets à impacts sociaux, environnementaux et durables positifs a convaincu l'AMF de sa bonne volonté. «Notre stratégie visant à soutenir une économie d'impact est ce qui a fait la différence aux yeux de l'AMF, croit Paul Allard, PDG d'Impak Finance. Les investisseurs pourront décider dans quels projets ils veulent investir. Nous serons entièrement transparents afin d'être conformes aux règles.»

La stratégie d'Impak Finance a convaincu d'autres acteurs que l'AMF. En moins de six semaines, plus d'un million de dollars d'Impak Coin ont trouvé preneur auprès de 1 750 investisseurs provenant d'une cinquantaine de pays. Sept de ces pays, dont la France, les Pays-Bas et le Chili, ont aussi approché Impak Finance afin de lancer des projets similaires sur leur territoire.

L'engouement pour les nouvelles monnaies virtuelles ne date pas d'hier. L'idée remonte à 2013, dans la foulée des déboires du Bitcoin. La création de l'Ethereum a initialement permis de récolter 18 millions de dollars américains (M$ US). Il a fallu un rien de temps pour qu'on comprenne que ce modèle pouvait être reproduit à volonté. Selon le site d'information spécialisé Coin Telegraph, pas moins de 64 monnaies virtuelles ont vu le jour l'an dernier pour une valeur totale de 103 M$ US, portant le montant investi dans ces collectes de capitaux à environ 150 M$ US en quatre ans.

Si les promoteurs des monnaies virtuelles parviennent à convaincre les autorités du bien-fondé de leurs projets, ce chiffre sera sans doute appelé à grossir substantiellement. Cependant, rien n'est encore joué.

Gare aux projets délinquants !

Si l’Impak ­Coin est la première monnaie virtuelle à respecter les règles financières traditionnelles, le ­PlexCoin, lui, a été la première à être formellement qualifiée de « délinquante » par l’Autorité des marchés financiers (AMF), en juillet dernier.

Par l’intermédiaire du Tribunal administratif des marchés financiers, l’AMF a imposé à ­PlexCorps et à son principal promoteur, ­Dominic ­Lacroix, de cesser toute démarche associée à cette monnaie virtuelle au ­Québec, allant jusqu’à ordonner le blocage de ses sites Internet à quiconque ayant une adresse web située dans la province. « Ça avait toutes les apparences d’un projet d’investissement délinquant, résume ­Patrick ­Théorêt, de l’AMF. C’est le seul cas où on a cru bon d’intervenir. »

Le ­PlexCoin promettait « une monnaie décentralisée révolutionnaire » au rendement spectaculaire qui transformerait la façon dont on fait des transactions partout sur la planète. L’équipe d’une quarantaine de développeurs à l’origine de ce projet, qui devait être lancé au début du mois d’août, promettait une transparence totale, mais refusait d’être identifiée.

C’est la deuxième fois que l’AMF épingle M. Lacroix, qui avait dû payer une amende de 25 000 $ en 2013 après avoir plaidé coupable à des accusations de représentation illégale et de fausses déclarations auprès d’investisseurs financiers.

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