Éloge de la stabilité

Offert par Les Affaires


Édition du 22 Mars 2014

Éloge de la stabilité

Offert par Les Affaires


Édition du 22 Mars 2014

Le rendement économique du Québec est toujours un sujet d'actualité pertinent, mais il est encore plus intéressant actuellement : nous sommes en pleine campagne électorale alors que la performance économique du Québec a été plutôt anémique au cours des dernières années. Chaque parti politique y va bien sûr de son plan de relance quelque peu magique : nos politiciens ont tous soudainement trouvé comment ils créeront de l'emploi très prochainement. Les observateurs les plus clairvoyants noteront que, dans les faits, ces politiciens ont peu de pouvoir sur la trajectoire économique à court terme de notre société. Le plus souvent, les facteurs qui influencent le plus nos économies à très court terme sont d'ordre mondial et échappent en grande partie au pouvoir provincial. Prenons les exemples du prix des ressources naturelles, du taux de change, des crises politiques à l'étranger, de la lenteur ou de la rapidité de la reprise américaine, etc.

Étonnamment, il y a une chose que nos politiciens contrôlent et qui influe sur notre prospérité économique, mais elle n'est que très rarement mentionnée. Il s'agit de la stabilité. Les sociétés dont les institutions permettent un environnement d'affaires stable, c'est-à-dire où les règles sont prévisibles, où les contrats sont respectés et où il n'y a ni violence ni corruption pour gêner le bon déroulement des projets de tout un chacun, sont plus riches que les sociétés instables. Bien sûr, l'instabilité est parfois inévitable et même utile, par exemple pour prendre un virage majeur ou mettre en place des réformes nécessaires et durables. Mais il y a aussi l'instabilité inutile, et je crois que le Québec en a eu son lot au cours des dernières années.

Une première forme d'instabilité malsaine survient lorsque nos gouvernements veulent faire les choses rapidement et décident de court-circuiter le processus de consultation publique nécessaire à une prise de décision éclairée. Le Plan Nord, la hausse d'impôt rétroactive, la rénovation du pont Champlain et la crise étudiante sont des dossiers forts différents, mais qui ont en commun une volonté de se précipiter sans s'informer au préalable des intérêts et du savoir de chacun. Le processus décisionnel suivi étant précipité, improvisé et parfois même falsifié, il s'ensuit des déchirements et des blocages sociétaux importants et bien légitimes, dans la mesure où plusieurs intervenants, n'ayant pas été consultés, ne disposent plus que de la protestation pour être entendus. Mais surtout, le processus n'étant pas fondé sur le savoir et misant plutôt sur le goût du jour ou la satisfaction d'intérêts privés qui collaborent de près avec le gouvernement, la qualité et l'intelligence de nos politiques publiques en souffrent grandement.

Une perte de confiance à l'égard de nos institutions démocratiques

Cette habitude prend des allures de cauchemar lorsque ce court-circuit cache en fait des conflits d'intérêts et une gouvernance douteuse. Dans le dossier du gaz de schiste, la proximité entre l'industrie et le gouvernement, conjuguée à l'empressement inexplicable du gouvernement qui a finalement consulté le BAPE à reculons, allait bien sûr créer une réaction forte et légitime dans la population. Dans le dossier de l'industrie de la construction, plusieurs intervenants ont réclamé sans succès pendant des années une commission d'enquête sur la corruption dans ce secteur. Notre Assemblée nationale a été paralysée pendant des mois par cet enjeu, sans compter le temps et l'argent perdus lorsque le gouvernement a mis sur pied une première mouture de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, qui était en fait en contradiction avec la Loi sur les commissions d'enquête. Ce genre d'instabilité est coûteuse, tant sur le plan budgétaire que sur celui du climat d'affaires, mais elle nous fait également perdre confiance en nos institutions démocratiques. Par conséquent, nous serons plus méfiants et moins coopératifs lors de prochains débats.

Une autre forme d'instabilité dommageable survient lorsque nos gouvernements maintiennent intentionnellement une ambiguïté à des fins de stratégie politique. Le dossier de la Charte des valeurs québécoises en est un exemple très frappant : ce débat traîne en longueur depuis plusieurs mois, alors que les occasions de faire des compromis vers une mouture plus nuancée de ce projet de loi n'ont pas manqué. Malheureusement, on a préféré conserver l'ambiguïté pour bâtir un enjeu électoral. Le conflit d'intérêts qu'engendre la candidature de Pierre Karl Péladeau en politique est tout aussi problématique en ce sens. Plutôt que de nous expliquer dès maintenant comment un gouvernement péquiste majoritaire compte gérer le fait que le détenteur de 40 % de la production de l'information exercerait désormais le pouvoir politique, on entretient intentionnellement un flou autour de cette question en se contentant d'affirmer que M. Péladeau a l'intention de respecter les lois. C'est le genre d'ambiguïté qui est coûteuse, mais également très dangereuse sur plan démocratique.

Je me doute bien que certains lecteurs espèrent que je mentionne l'instabilité qu'entraîne la question linguistique et celle de l'indépendance du Québec. Il s'agit bel et bien d'une instabilité onéreuse, mais je ne pense pas qu'on puisse la classer avec les sources d'instabilité illégitime mentionnées plus haut. Il s'agit plutôt de sources d'instabilité structurelle, légitime et prévisible. Je me pencherai sur ces enjeux lors d'un prochain texte. Dans l'intervalle, si nous pouvions aborder les sources d'instabilité frivoles et pourtant très coûteuses, ce serait déjà un premier pas.

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Biographie

Paul St-Pierre Plamondon est vice-président de Delegatus services juridiques, une firme de 25 avocats issus des grands cabinets, dont la mission est de servir le Québec inc. Il est chroniqueur politique, entre autres à l'émission Bazzo.tv à Télé-Québec. En 2007, il a cofondé l'organisme Génération d'idées, qui se donne pour mission d'intéresser les 20 à 35 ans au débat public.

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