Dépassée, la loyauté?


Édition du 19 Avril 2014

Dépassée, la loyauté?


Édition du 19 Avril 2014

Vous dirigez une PME. À la suite du départ d'un employé clé, vous menez une série d'entrevues pour trouver la perle rare. Vu la nature importante de cette fonction dans votre entreprise et l'ampleur de la formation et des ressources que vous consacrerez au futur employé, vous spécifiez clairement au candidat qu'il doit s'engager à demeurer en poste minimalement un an, ce qu'il accepte. Pour vous assurer d'atteindre cet objectif, vous excédez ses attentes salariales au moyen d'une prime de rétention garantie, payable un an après son entrée en fonction. Seulement, deux mois plus tard, ce nouvel employé vous annonce sans avertissement qu'il quitte l'entreprise pour un autre emploi plus payant. Vous avez perdu deux mois de votre temps, créé énormément d'instabilité dans vos activités, perdu de l'argent et vous êtes de retour à la case départ.

De lourdes conséquences

Cette anecdote peut sembler anodine sur le plan économique, mais il n'en est rien. Si vous êtes un baby-boomer, vous vous souvenez peut-être de l'époque ou un changement d'emploi était une trahison. Si vous êtes de la génération X ou parmi les vieux Y, vous avez souvent entendu que, pour ne pas nuire à son CV, on se doit de demeurer au minimum de deux à trois ans en poste. Bien chers amis, vous pouvez mettre tout ça aux poubelles : il n'y a plus de loyauté, point final.

Or, les coûts qu'entraîne cette évolution de nos mentalités sont astronomiques. Plusieurs études récentes révèlent que le départ d'un employé occupant un poste de gestion important entraîne des coûts de 100 à 250 % de la valeur de son salaire annuel. Ce chiffre colossal découle de plusieurs sources : les coûts de l'encadrement du départ, du recrutement, de la formation d'un nouvel employé ainsi que de la baisse de la productivité ou des ventes.

Bien qu'il soit difficile de trouver des études qui se penchent sur le coût macroéconomique d'une augmentation importante de la mobilité dans l'ensemble de notre société, il ne fait aucun doute que, lorsque nos entreprises investissent leur temps et leurs ressources à gérer un jeu de chaises musicales à l'échelle sociétale, leurs coûts d'exploitation augmentent et leur aptitude à se concentrer sur leur mission première en souffre. Une telle réalité frappe plus durement la PME et, par ricochet, les villes riches en PME, comme Montréal ou d'autres au Québec.

Pourtant, l'instabilité et la mobilité des employés sont appelées à continuer d'augmenter au cours des prochaines années. Plusieurs secteurs souffrent toujours d'une pénurie de main-d'oeuvre, ce qui favorise la mobilité. De plus, la reprise américaine qui, bien qu'elle soit timide, devrait se concrétiser au cours des prochaines années (on l'espère), permettra à certains employés insatisfaits de considérer de nouvelles occasions d'emploi.

Des pistes de solution

Dans la mesure où l'accélération de la mobilité des employés crée une instabilité chronique qui ralentit nos entreprises et nuit à notre économie, y a-t-il lieu d'envisager des réformes ? Bien sûr, certaines initiatives simples permettent de pallier le phénomène : un travail minutieux au moment du recrutement et une gestion attentive du talent et de la progression de l'employé favoriseront la stabilité. Sur le plan juridique, vous pouvez également envisager un contrat à durée déterminée assorti d'une clause pénale ou encore d'une clause de non-concurrence qui dissuadera votre employé. Ces clauses doivent cependant être raisonnables et n'empêcheront jamais celui-ci de vous quitter avant la fin du terme du contrat ni de contester la validité de ces clauses, d'autant que nos tribunaux sont très réticents à valider les dispositions contractuelles qui limitent la liberté de travailler.

Certaines réformes déjà en cours, telle la réforme de l'assurance-emploi, risquent par ailleurs d'aggraver le problème. Si on précarise davantage la situation financière de ceux qui perdent leur emploi, plusieurs choisiront temporairement un travail pour survivre, mais se déplaceront à la première occasion. Nous sommes aux antipodes du modèle danois de la flexisécurité, qui mise avec succès sur la sécurité financière et l'investissement dans le capital humain de l'individu en transition, de sorte qu'il contribue au marché du travail à son plein potentiel à son retour sur le marché.

Peut-être est-ce le moment de faire le point sur cette évolution de nos mentalités. Les employeurs vont-ils trop loin dans la course au talent et dans leurs programmes d'autopromotion à titre d'employeurs de choix, au point où certains se présentent comme des camps de vacances ? Auraient-ils intérêt à cesser de se voler des employés pour plutôt assurer la stabilité de leurs activités respectives ? Devraient-ils être plus critiques lorsqu'on leur présente le CV de quelqu'un qui change d'emploi chaque année ? Ce qui est certain, c'est que notre gestion adéquate, ou non, de ce phénomène d'accélération du jeu de chaises musicales aura un impact sur notre prospérité au cours des prochaines années.

À la une

Teck Resources affiche un profit en baisse au 1T

Il y a 13 minutes | La Presse Canadienne

Vancouver — Teck Resources (TECK) a annoncé que son bénéfice du premier trimestre a ...

Pas besoin d’être le meilleur pour gagner

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, réussir en entrepreneuriat ne nécessite pas d’être le meilleur dans son marché

Gain en capital: ne paniquez pas!

Édition du 10 Avril 2024 | Charles Poulin

IL ÉTAIT UNE FOIS... VOS FINANCES. Faut-il agir rapidement pour éviter une facture d'impôt plus salée?