De grandes retombées pour l'économie québécoise


Édition du 21 Octobre 2017

De grandes retombées pour l'économie québécoise


Édition du 21 Octobre 2017

Le cycle de la valorisation est assez long. Il s’écoule généralement de 10 à 15 ans entre le moment où est effectuée une déclaration d’invention et celui auquel celle-ci commence à générer des revenus importants.

C'est en bonne partie grâce aux activités de valorisation que la recherche universitaire génère de grands bénéfices pour la société. Comment fonctionne donc le modèle québécois de valorisation de la recherche, et quelles en sont les retombées ? Mais d'abord, qu'est-ce que la valorisation de la recherche, exactement, et en quoi est-ce différent de la commercialisation ?

«La valorisation, c'est simplement extraire de la valeur économique ou sociale de la recherche», explique Frédéric Bouchard, président de l'Association francophone pour le savoir. La commercialisation réfère plutôt de façon restreinte aux activités liées à l'exploitation commerciale de propriété intellectuelle.

Le Québec a longtemps été un leader canadien dans le domaine de la valorisation. Dans les années 1980, la province créait des projets d'action concertée dans le but de permettre aux entreprises et aux regroupements industriels de faire connaître leurs problèmes aux milieux scientifiques. Si les entreprises disaient chercher à améliorer la pasteurisation, les chercheurs pouvaient orienter leurs travaux dans cette direction. La valorisation avait lieu au moment de transformer les résultats de recherche en techniques utilisables en industrie.

En 2001, les sociétés de valorisation universitaires (SVU) ont vu le jour. On en compte aujourd'hui trois : Aligo, Univalor et SOVAR. Elles sont responsables de valoriser les actifs de propriété intellectuelle issus de la recherche publique dans un ensemble d'universités et d'établissements de recherche qui leur sont propres. Elles travaillent seulement sur les dossiers orphelins, c'est-à-dire sur les résultats de recherches financées par le public auxquelles aucun partenaire financier ou autre n'est rattaché.

Réduire les risques

Sur l'échelle NMT (Niveau de maturité technologique), conçue au cours de la Seconde Guerre mondiale et graduée de 1 à 9, les sociétés de valorisation universitaires entrent en jeu aux niveaux 2 et 3. Il s'agit de ceux de la formulation du concept technologique ou de l'application et de la critique analytique et expérimentale, ou de la validation pertinente du concept. C'est là que sont inventées les applications actives et que des études en laboratoire tentent de valider physiquement les prédictions analytiques des divers éléments de la technologie. Si l'invention est prometteuse, les SVU font ensuite évoluer la technologie jusqu'aux niveaux 6 ou 7, soit ceux de la démonstration du prototype et de la preuve que la technologie fonctionne dans sa forme finale et dans les conditions prévues.

Là, les investisseurs privés commencent à s'intéresser plus sérieusement à l'invention. Le rôle des SVU est donc essentiellement de «dérisquer» les nouvelles technologies pour les rendre plus attrayantes auprès d'une entreprise, qui commercialisera l'invention au moyen d'une licence, ou d'un entrepreneur, avec qui la SVU lancera une entreprise.

Pour donner confiance aux entreprises avec lesquelles elles travaillent pour commercialiser les inventions, les SVU s'assurent également de bien comprendre qui est le propriétaire de la technologie, explique Anne-Marie Larose, PDG d'Aligo. «On veut éviter de voir apparaître un co-inventeur ou une entreprise ayant financé la recherche, dit-elle. On s'assure donc que les dossiers et les droits rattachés sont en règle.»

Ce sont aussi les sociétés de valorisation qui ont le rôle de trouver le bon marché pour une nouvelle technologie : un époxy développé d'abord pour l'aéronautique serait peut-être pertinent dans le domaine de la santé. La valorisation de la recherche n'est toutefois pas limitée aux universités. Ainsi, au Québec, le Réseau Trans-tech regroupe les centres collégiaux de transfert de technologie, qui font de la valorisation au collégial. Les entreprises inventent elles aussi des technologies et des processus qu'elles commercialisent parfois. Apple et Samsung, par exemple, font souvent appel aux licences croisées pour utiliser les technologies de l'une et de l'autre.

La France s'inspire du Québec

Le modèle québécois est plutôt unique : hors de la province, les universités ont normalement chacune leur service de transfert technologique. Ici, trois SVU servent 18 universités. L'avantage ? De petits établissements, comme l'Université du Québec en Outaouais, bénéficient de services et d'expertise qu'ils ne pourraient sans doute pas se permettre autrement.

La recette a même inspiré les Français, qui ont basé leur modèle de valorisation sur celui du Québec. En 2010, ils ont mis sur pied leurs sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), qui, aujourd'hui au nombre de 14, servent chacune plusieurs universités, explique Alex Navarre, vice-président de Numinor, une boîte québécoise de consultation en innovation et en politiques de recherche. Il a aussi été le fondateur et le PDG de la SATT Grand Centre, à Clermont Ferrand, entre 2013 et 2015.

«Là-bas, les SATT ont un budget qui leur permettent d'investir dans leurs technologies, alors qu'ici il faut aller chercher du financement externe, dit-il. Je crois que c'est une force du système français en comparaison du nôtre.»

3 500 emplois créés

Les sociétés de valorisation amènent beaucoup d'eau au moulin économique de la province. Selon Aligo, les SVU ont au fil des ans donné naissance à 85 entreprises qui sont toujours actives, en plus de créer 3 500 emplois au sein de celles-ci et d'attirer 610 millions de dollars en investissements réalisés par des tiers. Et, selon le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation, les SVU on traité plus de 999 déclarations d'invention au cours de la période 2012-2015.

Le cycle de la valorisation est toutefois assez long. Il s'écoule généralement de 10 à 15 ans entre le moment où est effectuée une déclaration d'invention et celui auquel celle-ci commence à générer des revenus importants. C'est ce que montre l'expérience de l'Université Stanford, qui a commencé à faire de la valorisation de façon structurée en 1980. Comme les SVU ont été créées il y a une quinzaine d'années seulement, l'expérience de l'université américaine suggère que leurs plus grandes retombées financières sont à venir.

Les retombées de la valorisation de la recherche ne se limitent pas aux revenus engendrés par les SVU. La plupart des technologies utilisées aujourd'hui ont profité des efforts de valorisation de la recherche. Si Apple a connu un succès monstre avec son iPhone, par exemple, le génie de Steve Jobs reste d'avoir intégré des technologies et non pas de les avoir créées, explique Anne-Marie Larose.

«Les piles au lithium, le GPS, l'écran tactile et l'application de commande vocale Siri ont tous été développés avec des fonds publics, dit-elle. C'est souvent dans les universités que sont conçues les technologies de rupture.»

À la une

Innover comme Edison!

Il y a 16 minutes | Dominic Gagnon

La résolution de problèmes et l’innovation sont intrinsèquement liées comme l’a démontré le célèbre Thomas Edison.

Thomas Hannaford: «Ce qu'il faut, c'est un changement culturel profond»

Mis à jour il y a 11 minutes | lesaffaires.com

GÉNÉRATION D'IMPACT. Voici les visages de la deuxième cohorte d’intrapreneurs.

La SAQ rapporte une autre baisse de son bénéfice net

La SAQ n’a pas caché que la «légère décroissance» observée lors des trois derniers trimestres pourrait se poursuivre.