CP: un arrêt de travail qui survient au «pire moment»

Publié le 21/03/2022 à 07:47

CP: un arrêt de travail qui survient au «pire moment»

Publié le 21/03/2022 à 07:47

Par La Presse Canadienne

CP a arrêté ses opérations canadiennes dimanche après le début d’un arrêt de travail juste avant minuit. (Photo: La Presse Canadienne)

Ottawa — L’arrêt de travail au Canadien Pacifique (CP) n’aurait pas pu survenir à un pire moment pour les Canadiens et le gouvernement veut un accord pour mettre fin à l’impasse immédiatement, a déclaré le ministre fédéral du Travail, Seamus O’Regan.

Mais M. O’Regan n’était pas prêt à parler de la possibilité qu’une loi de retour au travail soit déposée quand la Chambre des communes reprendra lundi, car l’entreprise et le syndicat discutent toujours.

«Nous voulons une résolution et nous la voulons maintenant», a soutenu le ministre libéral en entrevue dimanche.

CP a arrêté ses opérations canadiennes dimanche après le début d’un arrêt de travail juste avant minuit. Plus de 3000 employés — ingénieurs de locomotive, de chefs de train, des agents de train et des agents de triage — représentés par la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC) étaient dimanche sur les piquets de grève après l’échec des dernières négociations.

La direction et le syndicat négocient depuis septembre. Les salaires et les fonds de pension figurent parmi les principaux points en litige. Le syndicat veut aussi régler la question concernant l’endroit où les employés doivent prendre leur période de repos obligatoire.

Les employés ont voté à 97% en faveur d’une grève le 3 mars et étaient en droit de déclarer la grève le 16 mars, le jour même où l’entreprise a lancé un ultimatum pour qu’un accord soit conclu avant le 20 mars à minuit, sinon elle déclencherait un lock-out.

Les médiateurs fédéraux ont rejoint les pourparlers le 11 mars.

Dès 0h03, dimanche matin, la CFTC avait publié un communiqué accusant l’entreprise d’avoir imposé un lock-out. Elle reprochait à la direction du CP de mettre la chaîne d’approvisionnement canadienne et des dizaines de milliers d’emplois en danger.

«Après une pandémie, l’explosion des prix des denrées et des produits, la guerre en Ukraine, le transporteur ferroviaire ajoute une couche d’insécurité chez les Canadiens et les Canadiennes, particulièrement celles et ceux qui dépendent du réseau ferroviaire», pouvait-on lire dans le communiqué.

Quelques heures plus tard, un deuxième communiqué faisait état d’un lock-out et d’une grève.

Un porte-parole du CP, Patrick Waldron, a raconté que la partie patronale a présenté samedi une nouvelle offre à la CFTC en présence des médiateurs fédéraux.

«Nous n’avons pas reçu une réponse», a-t-il affirmé.

Il a reproché au syndicat d’avoir commencé à demander aux employés de quitter leur poste avant minuit. Pour lui, c’est la CFTC qui a déclenché une grève, et non la direction qui a imposé un lock-out.

«Soyons clairs, la CFTC a déclenché une grève unilatérale. Le CP n’a pas imposé un lock-out à ses employés», a-t-il insisté.

M. Waldron a dit que l’entreprise voulait poursuivre les négociations, mais réclame la fin de l’action syndicale. Il a ajouté que le CP appuyait toute intervention gouvernementale. Selon lui, la conduite du syndicat est «malhonnête et irresponsable».

 

Au «pire moment»

Le ministre O’Regan a déclaré qu’après deux ans de pandémie, des inondations dévastatrices en Colombie-Britannique et maintenant une guerre en Europe, les Canadiens n’ont pas la tolérance pour faire face à un autre problème économiquement dévastateur. 

Il s’est dit persuadé que la compagnie et la CFTC en sont très conscientes.

«Les nerfs des gens sont à fleur de peau, a-t-il déclaré. Personne n’a besoin de plus de stress, personne n’a besoin de tout cela. Cet arrêt de travail n’aurait pas pu arriver à un pire moment. Et je pense qu’ils le savent. Et donc, ce que je vois, c’est une volonté de parvenir à un accord.»

Il s’est dit optimiste qu’un accord puisse être conclu parce que les deux parties sont restées à la table avec les médiateurs fédéraux dimanche, même après le début de l’arrêt de travail.

La pression sur le gouvernement pour qu’il intervienne s’est intensifiée tout au long de la journée de dimanche, avec des craintes que les chaînes d’approvisionnement déjà fortement sollicitées par la pandémie et maintenant l’invasion russe en Ukraine ne fléchissent davantage à mesure que les expéditions ferroviaires sont perturbées.

Le CP affirme que l’arrêt affectera «pratiquement tous les produits» de la chaîne d’approvisionnement du Canada.

Les perturbations avant l’arrêt de travail ferroviaire du CP avaient déjà contribué à pousser l’inflation à son plus haut niveau depuis trois décennies, les produits essentiels tels que la nourriture et le carburant faisant face à certaines des hausses de prix les plus fortes.

Le président de la Chambre du commerce du Canada, Perrin Beatty, a déjà réclamé une loi spéciale pour mettre un terme à l’arrêt de travail.

«Cet arrêt de travail aura des répercussions négatives sur l’ensemble des entreprises canadiennes, grandes comme petites, qui dépendent du chemin de fer pour leur approvisionnement, a-t-il déclaré. Cela nuit aux chaînes d’approvisionnement canadiennes à une période de grande incertitude. Cela va dépasser nos frontières et nuire à notre réputation de partenaire d’affaires fiables à l’échelle mondiale.»

Une porte-parole de Manufacturiers et exportateurs du Canada a déclaré qu’ils voulaient eux aussi une loi de retour au travail maintenant.

Fertilisants Canada a également demandé une «action immédiate» du gouvernement fédéral.

«L’interruption d’un service ferroviaire essentiel au cours de la cruciale saison des semences aura des répercussions dévastatrices sur les fermiers, l’économie et la sécurité alimentaire, tant au Canada qu’à l’étranger», a écrit l’organisme.

Les libéraux ont présenté une loi de retour au travail au moins deux fois depuis 2015, notamment pour mettre fin aux grèves tournantes à Postes Canada juste avant Noël en 2018 et au port de Montréal en 2021.

Le ministre O’Regan a fait valoir qu’il s’agissait de situations très particulières et qu’en ce moment, il se concentre sur le fait que CP et les Teamsters sont toujours à la table

En 2021, une grève au Canadien National (CN) a pris fin après une semaine sans loi de retour au travail, mais une telle législation a émergé au moins trois fois depuis 2009 dans le milieu ferroviaire.

En 2012, l’ancien gouvernement conservateur a présenté une loi de retour au travail pour mettre fin à une grève du CP en la renvoyant à un arbitrage contraignant. En 2015, un accord a été conclu entre l’entreprise et le syndicat pour mettre fin à une grève après que le gouvernement a de nouveau menacé avec une loi.

En 2009, le gouvernement conservateur a déposé une loi pour mettre fin à une grève du CN, mais une entente a été conclue avant son adoption.

Il s’agit du cinquième arrêt de travail au Canadien Pacifique depuis 1993. Au cours des neuf dernières négociations, les deux parties ont eu huit fois recours à des conciliateurs fédéraux.

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