Clients, employés: même combat!


Édition du 27 Janvier 2018

Clients, employés: même combat!


Édition du 27 Janvier 2018

[Crédit photo : 123rf]

Le Québec a affiché un taux de chômage de 4,9 % en décembre. Un taux de chômage inférieur à 5 % au Québec, c'est une première depuis... 1967, soit exactement cinquante ans ! On peut l'attribuer à la bonne performance économique du Québec, certes, mais aussi au fait que la population en âge de travailler (les 18-64 ans) stagne chez nous depuis 2013. Statistique Canada prévoit que ce groupe d'âge va décliner en termes absolus au Québec jusqu'en 2030.

C'est une excellente nouvelle pour les travailleurs québécois, mais un défi pour les employeurs. On peut s'attendre à ce que cette rareté de main-d'oeuvre engendre des pressions à la hausse sur les rémunérations. Cependant, surenchérir ne suffira pas. D'abord, parce que plusieurs cohortes démographiques, à commencer par les milléniaux, recherchent et peuvent dorénavant exiger davantage qu'un chèque de paie. Ensuite, parce que, même en période de pénurie, les employeurs devront avoir la discipline de continuer d'être difficiles dans le choix de leurs employés.

Je le répète depuis des années : quelle que soit l'entreprise, les personnes ne sont pas une ressource : ils sont son âme. Comme l'ont écrit les professeurs Douglas Ready (MIT) et Jay Conger (USC), on peut toujours arriver à reproduire les procédés d'un concurrent, mais on arrive rarement à reproduire sa passion. Le recrutement, c'est plus qu'une question de nombre et de diplômes. Les employeurs qui réussiront seront ceux qui parviendront à entretenir la passion. Pour ce faire, ils accorderont autant d'importance à leur recrutement qu'à leur marketing.

Recruter : d'abord du marketing

Car recruter, c'est faire la mise en marché de l'entreprise comme employeur. Le talent se trouve sur le marché. Il faut mettre autant d'effort à attirer et à garder le talent qu'à attirer et à garder le client.

En fait, il faut bâtir un processus de recrutement qui soit le miroir du processus de marketing. Vous faites des études de marché pour bien connaître les attentes du consommateur ? Il faut aussi faire des études de marché du talent, pour connaître l'état de ce marché, pour raffiner votre connaissance des bassins de main-d'oeuvre et établir une segmentation en fonction de ce que vous recherchez.

Quand je dirigeais Rona, notre équipe Personnes et Culture segmentait le marché des talents que nous visions. La vaste majorité de nos employés, bien sûr, travaillaient en magasin. Nous savions, par exemple, que nous pouvions offrir à ces employés beaucoup de flexibilité dans l'aménagement de leurs horaires. Qui peut être intéressé par ces avantages ? Les jeunes, d'une part, et les jeunes retraités, d'autre part. Avantage supplémentaire : la quincaillerie-rénovation connaît sa pointe annuelle d'avril à octobre, alors que les jeunes retraités qui hivernent dans le sud sont de retour au pays, et que les jeunes ne sont pas à l'école. Alors nous rejoignions systématiquement ces groupes démographiques grâce à des méthodes très ciblées. Nous avons établi des alliances avec des groupes de personnes mûres, comme la Fédération de l'âge d'or du Québec (FADOQ) . Nous les atteignions par les publications qui se destinaient à ce marché. Notre effort de recrutement faisait l'objet d'analyses et de stratégies de communication aussi raffinées que notre mise en marché. Nous avions décidé que recruter, c'était faire le marketing de RONA comme employeur. Nous avons mis au point une stratégie de segmentation qui ciblait les personnes qui valorisaient davantage ce que nous avions à offrir comme employeur.

Fidéliser : toujours du marketing

On dit parfois qu'il faut dépenser cinq ou six fois plus pour trouver un nouveau client que pour garder un client existant. Ça tombe sous le sens, mais c'est encore plus vrai d'un employé, peu importe sa place dans la hiérarchie. Et comme on retient un client en livrant sur la promesse qui l'a attiré chez nous, on fidélise un employé en lui donnant ce qu'il s'attendait à trouver quand il s'est joint à nous. Et même, si possible, un « wow ! » de plus. Salaire, avantages, oui, mais ça ne suffira pas. L'objectif est d'insuffler à chaque employé, à tous les échelons, cette passion qu'évoquaient Ready et Conger. Pour ça, il n'y a pas de recette miracle. Il y a une philosophie et une démarche de gestion. Il y a surtout un engagement.

Un employé claque rarement la porte à cause du président. À cause de son superviseur immédiat, beaucoup plus souvent. Fidéliser l'employé, c'est d'abord former tous ceux qui en gèrent d'autres pour en faire non pas de bons « gestionnaires », mais des leaders à leur degré : des gens qui s'efforcent de donner du sens aux gestes de leurs employés, qui les responsabilisent, qui reconnaissent leur contribution et qui les écoutent.

Mais... puisqu'il s'agit de garder les employés dans l'entreprise et de les motiver, ça reste toujours du marketing : savoir ce qu'ils veulent, et leur offrir avec constance.

À propos de ce blogue

Pendant plus de 20 ans, il a été président et chef de la direction de Rona. Sous sa gouverne, l'entreprise a connu une croissance soutenue et est devenue le plus important distributeur et détaillant de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage au Canada. Après avoir accompagné un groupe d'entrepreneurs à l'École d'entrepreneurship de Beauce, Robert Dutton a décidé de se joindre à l'École des dirigeants de HEC Montréal à titre de professeur associé.

Robert Dutton
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