Chronique d'une fusion : la Fondation des maladies mentales et Québec Jeunes


Édition du 03 Juin 2017

Chronique d'une fusion : la Fondation des maladies mentales et Québec Jeunes


Édition du 03 Juin 2017

Par Diane Bérard

La fusion de la ­Fondation des maladies mentales et de la ­Fondation ­Québec ­Jeunes a nécessité 24 mois de travail.

L'avenir de la philanthropie passe-t-il par les fusions ? Les pressions des donateurs et le resserrement du financement gouvernemental déclencheront-ils une vague de consolidation ? Et, surtout, peut-on traiter la fusion de deux OBNL comme celle de deux entreprises ? Voici les leçons du regroupement de la Fondation des maladies mentales et de Québec Jeunes, qui forment désormais Jeunes en Tête. Le nouvel organisme intervient auprès des jeunes de 11 à 18 ans en détresse ou en voie de l'être.

Créer cette fondation a nécessité 24 mois de travail, soit 6 mois de discussion entre les deux organismes et 18 mois de fonctionnement parallèle et d'intégration progressive.

«Nous y sommes arrivés sans perturber nos activités régulières et en respectant notre cible annuelle de revenus de 3 millions de dollars, raconte avec fierté Isabelle Limoges, recrutée en novembre 2015 pour piloter le nouvel organisme pendant sa transition. Pour moi, c'est la première victoire associée à cette fusion.» Une victoire qui ne doit toutefois pas occulter les défis rencontrés. «Ça n'a pas été facile, ce n'est pas facile et ce ne le sera pas pour un certain temps», reconnaît André Morrissette, président du CA du cabinet BCF, ex-vice-président de la Fondation Québec Jeunes et administrateur de Jeunes en Tête. Il faut mettre son ego de côté et accepter un rôle de second plan. Se souvenir de ceux pour qui on travaille, soit les jeunes.» Il poursuit : «Comme avocat, je travaille à de nombreux dossiers de fusion. On ne peut pas traiter le regroupement de deux organismes philanthropiques comme une fusion de deux entreprises. Nous ne sommes pas en mode d'acquisition agressif.» Toutefois, et c'est là que ça se complique, il faut y appliquer la même rigueur.

Pourquoi deux fondations en bonne santé financière et à la réputation établie ont-elles ressenti le besoin de se fusionner ? «Pour augmenter notre impact, répond Éric Bujold, président de Jeunes en Tête. Ajouter chacun de notre côté une activité de collecte de fonds nous aurait apporté une croissance de 1 ou 2 %. Ça donne quoi ? Les besoins des jeunes sont trop importants pour nous contenter de ce rythme.»

Et puis, les grands donateurs en réclament de plus en plus pour leur argent. «Ils deviennent très sophistiqués, explique Donald Bastien, membre fondateur de la Fondation des maladies mentales qui siège aujourd'hui au CA de Jeunes en Tête. Ils désirent voir de façon concrète les retombées de leurs dons et ils iront naturellement vers les organismes qui ont une plus grande portée.»

Isabelle Limoges associe la portée à «un regard et des solutions intégrés à un problème social». Quant à la bonne santé financière des deux organismes, c'est ce qui a contribué au succès de la fusion. «Nous n'étions pas forcés ni pressés par le temps, souligne Éric Bujold. Les fondations reposent en grande partie sur le travail des bénévoles ; il faut respecter leur rythme et leur horaire. Je doute fort du succès d'une fusion entre deux fondations qui éprouvent des difficultés financières. C'est une mauvaise raison de se fusionner.»

Le deux organismes n'ont pas entamé cette fusion en mode survie. Et ils avaient des missions complémentaires. Le programme phare de la Fonfation des maladies mentales se nommait Solidaires pour la vie. Ce détecteur de fumée pour la détresse des jeunes est offert dans plus de 300 écoles québécoises. Il permet chaque année à 50 000 jeunes de distinguer le blues temporaire du mal de vivre qui s'incruste. Mais après ? C'est là que Québec Jeunes vient en renfort. Créée au départ pour rejoindre tous les groupes d'âge, elle a pris le virage jeunesse il y a quelques années.

«Le secteur privé a manifesté un intérêt pour la santé mentale en milieu de travail, explique Donald Bastien. Or, les fondations ne sont pas là pour concurrencer le secteur privé. Nous devons opter pour des champs d'intervention complémentaires. La Fondation des maladies mentales a donc concentré son action sur les jeunes.» La FFM s'est donné la mission de financer de 30 à 50 organismes communautaires intervenant auprès des jeunes. Depuis la fusion, l'argent des donateurs de Jeunes en Tête sert donc à la fois à la sensibilisation, grâce à Solidaires pour la santé mentale (le nouveau nom du programme Solidaires pour la vie) et au soutien des organismes communautaires subventionnés. «Nous portons un regard élargi sur la santé mentale des jeunes, explique Isabelle Limoges. Le mal de vivre peut mener au décrochage, à la cyberdépendance ou à une perte d'estime de soi. Notre fusion évite de laisser des angles morts.»

Pousser sans brusquer : c'est ainsi qu'Éric Bujold décrit le processus d'intégration des deux organismes. La première activité commune s'est déroulée en janvier 2016, deux mois après le recrutement de la directrice générale. «Nous avons d'abord fonctionné avec les deux logos», explique Isabelle Limoges, qui combine des expériences en coopération internationale et en développement économique. La DG de Jeunes en Tête incarne d'ailleurs une tendance lourde dans le secteur de la philanthropie et le secteur communautaire, la professionnalisation des ressources humaines.

Jeunes en Tête a fonctionné avec deux logos, deux CA et une coprésidence pendant 18 mois. Et on a sélectionné des administrateurs de part et d'autre pour former un comité exécutif transitoire qui a été dissous le 31 décembre 2016. «Je recommande cette période de coprésidence, dit Donald Bastien. Cela facilite la compréhension des cultures respectives. Si chacun des CA a eu du succès de son côté, il m'apparaît logique de tirer profit de ces expertises avant d'atteindre l'étape d'un seul CA.»

Peu importe les défis ponctuels des fondations, les défis des bénéficiaires, eux, demeurent les mêmes. Ainsi, pendant la fusion, les services de la Fondation de maladies mentales et de Québec Jeunes devaient être maintenus. «Il a fallu établir un rythme d'intégration réaliste, explique Isabelle Limoges. Nous avons cartographié toutes les activités annuelles régulières et établi un calendrier qui permettait de faire rouler la machine tout en déployant l'intégration.» Ainsi, il a été décidé d'attendre au huitième mois pour intégrer l'infonuagique. Par contre, le budget et l'organigramme du nouvel organisme ont été établis dès le deuxième mois. On a ensuite intégré des activités telles que la création du nouveau site web et le choix du nouveau nom parmi les activités du quotidien.

Si la fusion de deux fondations ne peut être traitée en tout point comme une fusion de deux entreprises, une ressemblance demeure : le défi d'intégrer deux cultures. «Nous avons créé plusieurs occasions d'échanges pour les employés, comme les assemblées de cuisine, les rencontres sans agenda précis où l'on ne prend pas de notes et les réunions de remue-méninges Partager et innover», souligne Isabelle Limoges.

Le marché accueille positivement l'idée de cette fusion. Il faudra, à moyen terme, développer des mesures d'impact montrant que cette idée a porté ses fruits. Suivant la tendance, de plus en plus d'organismes communautaires et de fondations s'associent à des chaires de recherche universitaires pour recueillir des données probantes sur la pertinence de leurs interventions. Jeunes en Tête n'écarte pas cette idée.

En attendant, la nouvelle fondation poursuit son travail d'intégration des cultures et des systèmes. Et elle mise sur la motivation derrière ce regroupement pour croire en son succès. «Nous avons amorcé le processus en pensant à l'impact sur notre mission. En quoi nous regrouper allait nous permettre de mieux la remplir ? C'est la seule raison qui devrait motiver une fusion dans notre secteur», estime Mme Limoges.

Jeunes en Tête table aussi sur l'expertise de ses administrateurs. «Ils ont tous un profil senior. Certains administrateurs occupent des postes d'influence, d'autres jouissent d'un excellent réseau, d'autres encore ont du temps à offrir. Tout cela forme un excellent équilibre et lance au marché un message fort qui témoigne du sérieux de notre démarche. Je ne recommande pas cette aventure si l'équipe interne ne bénéficie pas de l'appui d'administrateurs forts, disponibles, motivés, patients, capables d'abnégation et d'un regard neuf.»

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