Berkshire Hathaway : la victoire du rationalisme


Édition du 02 Juin 2018

Berkshire Hathaway : la victoire du rationalisme


Édition du 02 Juin 2018

« ­Les avantages du libre commerce entre ­les ­États-Unis et la ­Chine sont trop importants et trop évidents pour qu’une guerre commerciale éclate », selon ­Warren ­Buffet. Photo : Getty Images

J'ai eu la chance d'assister à l'assemblée annuelle de Berkshire Hathaway au début du mois de mai. C'était la cinquième fois que j'y assistais et, même si j'ai souvent ressenti une impression de déjà vu, chaque fois je découvre quelque chose de nouveau ou une nouvelle façon de voir les choses.

Pendant six heures, Warren Buffett, 87 ans, et son acolyte de toujours, Charlie Munger, 93 ans, répondent à des questions variées provenant alternativement de journalistes, d'analystes et d'actionnaires. Ces questions ont été sélectionnées au préalable, mais elles ne sont pas connues de Munger et de Buffett. Les sujets sont des plus variés, passant des enjeux du commerce entre la Chine et les États-Unis aux perspectives de croissance de Precision Castparts, une société de Berkshire Hathaway, en passant par les défis de la relève de la société et à la place des femmes au sein des entreprises.

À mes yeux, s'il est un élément qui se dégage de toutes les réponses de Buffett et de Munger, c'est le rationalisme. Il y a quelques années, à la question d'un participant qui lui demandait ce qui pouvait expliquer le succès de Berkshire Hathaway, Munger a tout simplement répondu « le rationalisme ». C'est exactement le genre de réponse qu'il affectionne - lapidaire et directe, mais combien perspicace. Qu'entend-il par cette réponse ? Le rationalisme est fondé sur une réflexion qui vise à comprendre les causes de certains événements uniquement à partir de principes logiques.

Je me permets donc de souligner plusieurs réponses de Buffett et de Munger à diverses questions lancées pendant la plus récente assemblée de Berkshire Hathaway, réponses qui mettent en relief leur grand rationalisme.

Guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis

Selon Buffett et Munger, les avantages du libre commerce entre les deux pays sont trop importants pour chaque pays pour permettre le déclenchement d'une guerre commerciale qui entraverait les échanges bilatéraux : « Les États-Unis et la Chine seront longtemps les deux grandes puissances économiques mondiales. Ils ont beaucoup d'intérêts communs. Les tensions entre deux superpuissances sont normales. Les avantages du libre commerce entre les deux pays sont trop importants et trop évidents pour qu'une guerre commerciale éclate. »

Pour eux, le problème du libre-échange entre les deux pays est que les avantages sont difficiles à démontrer alors que les inconvénients (pertes d'emplois dans certains secteurs) sont très visibles. C'est la raison pour laquelle « le commerce est un sujet délicat pour les politiciens », a dit Buffett. C'est aussi la raison pour laquelle « le gouvernement devrait déployer plus d'efforts pour expliquer les avantages nets du libre commerce tout en aidant davantage les gens qui sont affectés par ses effets néfastes ».

Scandale de Wells Fargo

Selon les dirigeants de Berkshire, ceux de cette grande banque (dont le conglomérat d'Omaha possède un peu moins de 10 % des actions) ont fait des erreurs en mettant en place les mauvaises mesures incitatives pour leurs employés et dirigeants. Leur plus grande erreur a surtout été de ne pas avoir agi lorsqu'ils se sont rendu compte que ces mesures menaient à des comportements douteux.

Pratiquement toutes les grandes banques américaines ont connu des problèmes dans le passé. Buffett : « Les entreprises commettent des erreurs. L'important est qu'elles y remédient. » Munger : « Wells Fargo sera une meilleure banque à l'avenir grâce à ce scandale. Malgré lui, Harvey Weinstein (à l'origine du mouvement #MoiAussi aux États-Unis et dans le monde) a également beaucoup contribué à améliorer les comportements. »

Possibilité de verser un dividende spécial aux actionnaires de Berkshire Hathaway

Au 31 mars 2018, la société détenait plus de 108 milliards de dollars américains d'encaisse dans ses coffres. Pourtant, il semble clair que le jour où elle versera un dividende - spécial ou régulier - à ses actionnaires est éloigné. Tant que les dirigeants dénicheront des investissements intéressants pour cette encaisse, un dividende est peu plausible. Or, pour le moment, il semble que la société a toujours en vue des occasions intéressantes d'investissement. Au premier trimestre de 2018, elle a investi 14,7 G$ dans des actions de sociétés en Bourse (dont près de 12,5 G$ dans Apple) et près de 2,6 G$ en immobilisations (surtout dans BNSF, son chemin de fer, et Berkshire Hathaway Energy). Pour Munger, « pourquoi changer un système qui a si bien fonctionné dans le passé ? ». Si jamais les conditions changeaient, on peut s'attendre à ce que Buffett et Munger fassent avec les liquidités ce qui est le plus logique et le plus rentable pour les actionnaires de la société, qu'il s'agisse de verser un dividende ou d'effectuer des rachats d'actions (à un prix attrayant).

Les obligations et les cryptomonnaies

Selon Buffett, les obligations à long terme sont de mauvais investissements à leurs taux actuels. Il recommande plutôt d'investir dans des actifs « productifs » tels que les actions de sociétés. À ce sujet, il souligne que, à l'instar de l'or, les cryptomonnaies sont des actifs non productifs. En achetant de tels actifs, vous comptez sur le fait que quelqu'un d'autre sera prêt à vous les acheter plus tard à un prix plus élevé. Or, un investisseur fait son argent en investissant dans des actifs productifs. Selon lui, « les cryptos connaîtront une mauvaise fin ». Ce à quoi Munger a rétorqué : « Je les aime encore moins que toi... ».

La valeur intrinsèque d'une entreprise

Lorsqu'on lui a demandé comment il calculait la valeur intrinsèque d'une entreprise, Munger a répondu qu'il « n'utilise pas une formule. Souvent, l'analyse est purement qualitative. Si vous voulez avoir une formule toute faite, je vous recommande de faire une maîtrise (graduate school) ».

Réfléchir de manière rationnelle. On l'a encore une fois constaté cette année, c'est vraiment ce qui explique le succès de Buffett et de Munger. La recette est simple, mais encore faut-il l'appliquer en tout temps et avec une grande discipline.

EXPERT INVITÉ

Philippe Le Blanc
est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100. Plusieurs comptes sous la gestion de COTE 100 possèdent des actions de Berkshire Hathaway.

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