Autre manque de compétence en gestion et en gouvernance


Édition du 25 Mars 2017

Autre manque de compétence en gestion et en gouvernance


Édition du 25 Mars 2017

Il y a plusieurs raisons de croire que le ministère des Transports du Québec (MTQ) souffre d'un grave manque de compétence, tant en gestion qu'en gouvernance.

On l'avait constaté en janvier 2016 lorsque le premier ministre Couillard avait dégommé Robert Poëti comme ministre des Transports, alors que ce dernier faisait du bon travail. Son péché avait été de soutenir une enquêteuse, Annie Trudel, quant à des irrégularités dans la gestion du ministère, et de faire part de ses inquiétudes sur ce point. Tout indique que la sous-ministre en titre, Dominique Savoie, qui avait l'oreille du bureau du premier ministre et du secrétaire général du gouvernement, a eu sa tête. Celle-ci avait poussé l'audace jusqu'à dire qu'elle n'avait pas d'ordre à recevoir d'un ministre sur le plan administratif. Cette déclaration malheureuse lui a coûté son poste quand il a fallu sauver la peau de Jacques Daoust, successeur de M. Poëti, au moment où on l'accusait de ne pas avoir donné suite à une lettre de son prédécesseur sur ses inquiétudes quant à la gestion du ministère.

Jacques Daoust avait géré le ministère des Transports comme le désirait le bureau du premier ministre, c'est-à-dire sans faire de vague et en ignorant totalement Annie Trudel. Ce laisser-faire lui a toutefois coûté son poste après qu'il eut été révélé qu'il avait manqué de diligence dans le dossier de la vente de Rona à l'américaine Lowe's en laissant Investissement Québec (IQ), dont il était auparavant responsable, vendre son bloc d'actions de Rona. Si IQ, la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité avaient gardé leurs actions de Rona, cette vente aurait pu être évitée.

Une fois Jacques Daoust évincé, le premier ministre a confié le MTQ au ministre Laurent Lessard, un soldat fiable, qui allait suivre à la lettre les directives de son bureau. M. Lessard n'a pas la réputation des actions d'éclat. Il a dit à son arrivée au MTQ qu'il ne croyait pas au grand ménage. Et il n'y en a pas eu.

Au ministère de l'Agriculture, où il a récemment remplacé Pierre Paradis, M. Lessard a abandonné la réforme de la fiscalité agricole de son prédécesseeur et a consacré le monopole de l'UPA, tout agriculteur devant en être membre pour bénéficier du crédit de taxe fonctière.

Au MTQ, on l'a flanqué d'un nouveau sous-ministre, Marc Lacroix, qui a une formation en éducation et qui a été directeur de cabinet de ministres libéraux avant de passer à la fonction publique, où il a fait carrière à la Régie des rentes, à l'Immigration et au Conseil du trésor. M. Lacroix arrivait de la Commission de la fonction publique quand il a atterri au MTQ en novembre dernier. En juillet 2016, on avait recruté comme sous-ministre associé Stéphane Lafaut, qui a fait carrière dans les Forces armées canadiennes. En décembre dernier, le MTQ a recruté comme sous-ministre adjoint Jérôme Unterberg, qui avait occupé un poste identique aux Affaires municipales. M. Unterberg, qui a été maire d'Outremont, a étudié en droit et en comptabilité.

Il importe de constater qu'aucun de ces hauts fonctionnaires n'a de formation en ingénierie ou en gestion des transports. Quant à l'ex sous-ministre Savoie, elle avait une formation en psychologie. Selon un ancien haut fonctionnaire, le gouvernement a pour politique de nommer des gestionnaires généralistes à des postes de sous-ministre plutôt que de recruter des gestionnaires qui ont une compétence technique ou scientifique reliée au secteur d'activité des ministères où ils atterrissent. Compte tenu de la courbe d'apprentissage souvent abrupte qu'ils doivent affronter avant de bien saisir les enjeux de leur nouveau poste et du taux de roulement élevé des hauts fonctionnaires, se pourrait-il que cette pratique soit loin d'être optimale ?

Gestion des risques défaillante

Le cafouillage inouï survenu sur l'autoroute 13 dans la nuit du 14 au 15 mars (quelque 100 appels de la SQ au MTQ ont été vains ; délai de 10 heures pour fermer une autoroute bloquée) indique une lacune majeure dans la gestion des risques de ce ministère. Le MTQ aurait un processus de 94 étapes (trop complexe ?) pour intervenir en cas de catastrophe. Ou bien celui-ci est inadéquat, ou bien on n'a pas su s'en servir.

De toute façon, à quoi bon un tel protocole d'intervention s'il n'y a pas une personne en autorité et imputable capable de prendre en charge les actions à mener en cas de catastrophe comme celle survenue sur l'autoroute 13 ? Alors que le ministre dormait et que les sous-ministres s'imaginaient que leurs subordonnés géraient la situation, on s'est retrouvé sans autorité et sans coordination des actions à mener par le MTQ et la SQ à un moment dangereux pour les occupants des quelque 300 véhicules enlisés dans la neige à la suite d'une tempête parfaitement prévisible.

Fait nouveau dans la gestion de l'État, il semblerait que les responsables de ce gâchis seront punis. Certes, c'est bien de faire des enquêtes, mais il faut aussi sévir pour les manquements à l'imputabilité. Espérons que l'on aura appris de cette bêtise invraisemblable.

J'aime

Après Montréal, la Ville de Saint-Jérôme s'est dotée d'un Bureau de l'intégrité professionnelle et administrative (BIPA). Celui-ci sera dirigé par Jacques Duchesneau, ancien directeur du service de police de Montréal. Le BIPA passera au peigne fin les contrats accordés par la Ville et ceux octroyés au cours des 20 dernières années. Un ancien cadre de Saint-Jérôme avait été condamné en décembre pour sa participation à un système de collusion dans l'octroi de contrats d'ingénierie entre 2002 et 2010.

Je n'aime pas

Le Québec souffre d'un retard majeur sur le plan de l'innovation, selon un rapport de chercheurs de HEC Montréal. Deux indices : les entreprises du Québec n'enregistrent aux États-Unis que 94 brevets par million d'habitants, un indicateur qui nous place en queue de peloton ; et 98 % des PME du Québec ne bénéficient pas du crédit à la R et D.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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