Assurance autonomie : privilégions la décentralisation


Édition du 30 Novembre 2013

Assurance autonomie : privilégions la décentralisation


Édition du 30 Novembre 2013

Le gouvernement du Québec ne consacre au soutien à domicile que 17 % des sommes allouées aux soins de longue durée. En Suède, en France et au Danemark, ces proportions sont de 41 %, 43 % et 73 %, respectivement.

On privilégie trop l'hébergement, même si bien des aînés en bonne santé et en perte d'autonomie légère préféreraient rester plus longtemps à domicile.

Toutefois, il existe déjà des services d'aide à domicile structurés, qui sont dispensés par 32 entreprises d'économie sociale, lesquelles emploient 6 800 personnes et offrent des services à 85 000 bénéficiaires de toutes les régions. Des organismes sans but lucratif, telles les sociétés Alzheimer régionales, proposent aussi de l'aide à des personnes atteintes de cette maladie et à leurs proches aidants.

Toutefois, ces services sont très insuffisants, inéquitables et, surtout, de qualité très inégale.

C'est à cet enjeu que s'attaque le Dr Réjean Hébert, ministre de la Santé et des Services sociaux, dans son livre blanc sur la création d'une assurance autonomie pour les aînés et les personnes handicapées. Un sujet si populaire que 84 mémoires ont été présentés à la commission parlementaire qui vient de se tenir. Un projet de loi est imminent.

Tout le monde s'entend sur un certain nombre de principes à la base de l'objectif poursuivi : l'universalité (on ne laisse tomber personne), la solidarité (par la fiscalité), l'équité, l'accessibilité (mêmes services pour tous) et la personnalisation (services adaptés aux besoins de chacun).

Malgré le nom du programme envisagé par M. Hébert, il n'y aura pas de caisse d'assurance, ce qui veut dire qu'aucun capital ne sera investi pour assurer le financement du programme, contrairement à ce qu'avaient proposé les rapports Clair, en 2001, et Ménard en 2005. Il est trop tard pour créer une telle caisse : la population étant entrée dans une phase de vieillissement rapide (les baby-boomers ont commencé à prendre leur retraite), il serait inéquitable d'imposer aux plus jeunes ce poids financier.

L'assurance autonomie sera plutôt un programme dont les sommes allouées par l'État seront consacrées à 100 % aux soins à domicile. On ne pourra pas utiliser ces crédits à d'autres fins (rénover un bâtiment, effacer un déficit), comme l'ont fait certaines entités du réseau.

Soutenir les proches aidants

On s'entend sur la nécessité d'offrir de l'assistance de qualité à tous, sur l'évaluation professionnelle des incapacités des bénéficiaires (il existe 14 profils types en usage dans le système), sur la détermination des besoins réels de chaque usager et sur la formation qui sera requise selon l'aide offerte. Toutefois, les opinions divergent quant au rôle qu'occupera l'État dans l'exécution des programmes, dans la prestation des services et des soins ainsi que dans la formation des intervenants.

Les programmes conçus par des fonctionnaires ont presque toujours mis l'État au centre de leur planification, de leur mise en exploitation et de leur exécution. Les résultats ont souvent été insatisfaisants, sinon ont abouti à des échecs (dossier informatisé du patient et les groupes de médecine familiale, selon Claude Castonguay).

Québec devrait au contraire privilégier une approche décentralisée ; celle-ci s'appuierait sur des organisations de type communautaire, que l'État soutiendrait et desquelles il surveillerait la qualité des services rendus.

Les proches aidants sont un autre groupe que l'État se doit de privilégier et de soutenir. Ces personnes, qui sont généralement des membres de la famille de la personne atteinte d'une incapacité, sont les mieux placées pour prodiguer des services et des soins de base. Il faut les soutenir, leur permettre de prendre des moments de répit. Il y en aurait environ 55 000 au Québec.

Un choix de société

Compte tenu de la précarité financière du gouvernement, on se demande comment ce dernier financera l'ambitieux programme du ministre. Réjean Hébert rêvait d'y ajouter environ 100 millions de dollars chaque année d'ici 2017-1018 et d'y consacrer 100 M$ supplémentaires pour les cinq années suivantes.

On est ici aux prises avec un projet de société. Certes, il coûte moins cher à l'État de soutenir des services d'aide à domicile que de payer de l'hébergement de longue durée. Mais il importe surtout de mieux s'occuper de nos aînés et des personnes handicapées. Nous devons tous mettre l'épaule à la roue.

jean-paul.gagne@tc.tc

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

Blogues similaires

Apprendre à tourner la page

Édition du 20 Janvier 2021 | Olivier Schmouker

CHRONIQUE. J’ ai une grande nouvelle que j’ai annoncée déjà il y a quelques jours sur notre site web.