Analyse: une reprise durable se fera encore attendre

Publié le 12/12/2008 à 00:00

Analyse: une reprise durable se fera encore attendre

Publié le 12/12/2008 à 00:00

Par Dominique Beauchamp

L'ampleur des dégâts cette année est telle qu'il est difficile pour trois des quatre stratèges que nous avons invités à se prononcer d'imaginer que l'économie et les marchés puissent se remettre facilement de la pire crise financière en 80 ans.

Même s'ils estiment que le pire est probablement passé pour les Bourses, les experts réunis à l'occasion d'une table ronde sur les perspectives de placement pour 2009 recommandent aux investisseurs de rester prudents. À leur avis, il ne faut pas s'attendre à une véritable croissance économique aux États-Unis avant 2010.

Cet appel à la prudence se reflète dans la place qu'accordent nos experts aux actions en portefeuille ou dans les industries qu'ils privilégient.

Carlos Leitao, stratège et économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, est d'avis que les Bourses souffriront tout au long de 2009 de la détérioration de l'économie et des divergences d'opinion entre la Maison-Blanche et le Congrès sur la marche à suivre pour rescaper le système bancaire et le marché immobilier.

François Bourdon, vice-président et gestionnaire de portefeuilles, répartition de l'actif et revenu fixe structuré, de Fiera Capital, évoque un scénario plus sombre. Il n'écarte pas complètement la possibilité d'une perte de confiance envers la capacité du gouvernement d'enrayer la crise. Cette éventualité serait catastrophique et entraînerait 4 ou 5 ans de marasme économique.

Le pari du verre à moitié plein

Seul Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, est convaincu que c'est lorsque les nouvelles économiques sont le plus mauvaises que la Bourse offre ses meilleures occasions d'investissement à long terme.

Même si, à court terme, il prône la prudence, en suggérant de conserver encore 10 % de son portefeuille en liquidités, il croit que les investisseurs devraient se préparer à changer leur fusil d'épaule. "Le moment de passer d'une approche prudente à une approche plus fonceuse est plus près qu'on ne le pense", soutient-il.

M. Delisle fait le pari que la récession sera limitée à 2009 aux États-Unis et que les Bourses se rétabliront en cours d'année, devançant l'amélioration des bénéfices prévue pour 2010.

"Je tiens pour acquis que les données économiques seront épouvantables au moins jusqu'à la mi-2009, mais il est aussi vrai que le marché le reflète déjà : la chute de plus de 40 % des cours, la pire depuis 1931, reflète déjà les prévisions que la récession s'annonce aussi sévère que celle de 1981-1982", dit-il.

La chute dans l'évaluation des titres boursiers par rapport à leurs bénéfices est sans précédent, ajoute M. Delisle. "Avec le recul, dans quelques années, on se dira que la chute des ratios cours-bénéfice de 25 à 8 ou 9 constituait toute une occasion !" À son avis, les actions représentent le placement le plus attrayant parmi toutes les classes d'actif.

Par contre, plusieurs de nos experts jugent que le marché des obligations, lui, n'est pas du tout prêt à un éventuel retour de l'inflation et d'une remontée des taux. Une hausse des taux ferait baisser leur valeur marchande.

Zen devant les rebonds

Tous les experts estiment qu'il est possible que la Bourse connaisse de brusques rebonds à la moindre bonne nouvelle. "S'il y a rebond, attachez votre tuque, car la Bourse peut exploser rapidement de 50 %, si on se fie aux périodes baissières précédentes", lance M. Delisle.

Un tel rebond ferait remonter les secteurs les plus malmenés, soit les producteurs de matières premières, les banques, les détaillants et tout ce qui touche l'immobilier.

"L'investisseur ne devrait pas se ruer sur les titres de ces industries ni sur les actions en général, même si la Bourse explosait de 30 % en janvier, par exemple. Compte tenu des importantes incertitudes qui planent sur les banques et sur l'économie, il est préférable de s'assurer de bien diversifier ses avoirs dans différents types de placements", insiste François Bourdon, de Fiera Capital.

C'est pourquoi il suggère de compléter son portefeuille par des placements dans l'or et dans les titres associées aux dépenses en infrastructures.

Pour ceux qui craignent que l'injection de liquidités colossales dans le système financier entraîne un retour de l'inflation, il suggère les obligations à rendement réel, indexées sur le coût de la vie.

En cas de rebond, la Bourse de Toronto s'appréciera tout autant, puisque 75 % de ses titres sont soit dans les secteurs les plus décimés, tels que les ressources et les banques, ou sont des sociétés de faible capitalisation, boudées.

Or, rien ne presse d'acheter ces titres, parce que les prix des denrées remonteront seulement une fois la récession finie, note Jeffery Lusher, vice-président et directeur régional, de BMO Harris Gestion de placements.

"Plutôt que de jouer les rebonds des titres battus, nous préférons investir dans les sociétés offrant les perspectives de bénéfices les plus durables et dont le modèle d'entreprise a passé l'épreuve du temps." Parmi ses choix au Canada : la chaîne de pharmacies Shoppers Drug Mart, le fabricant de fromage Groupe Saputo et le deuxième fournisseur de télécommunications Telus.

Aux États-Unis, il recommande le détaillant Wal-Mart, la pharmaceutique Eli Lilly et les fournisseurs d'électricité Consolidated Edison et Southern Co.

La Bourse américaine choyée

Les experts s'entendent tous aussi pour dire que la Bourse américaine continuera de procurer un rendement relatif meilleur que celui des autres Bourses. Depuis un mois, le S&P 500 a fléchi de seulement 6 % en dollars canadiens, alors que le S&P/TSX a plongé de 36,3 %.

Cela s'explique par le fait que la récession américaine est déjà avancée; elle a commencé il y a 12 mois, selon le National Bureau of Economic Research, alors que, depuis la Deuxième Guerre mondiale, les récessions durent en moyenne 10 mois.

En outre, la Banque centrale américaine a déjà abaissé son taux directeur à 1 % et prend des mesures sans précédent pour stabiliser le marché immobilier et le système bancaire. Les entreprises américaines sont aussi rapides à réduire leurs coûts, ce qui prépare le terrain à une éventuelle reprise des bénéfices pour 2010. M. Delisle estime de plus que c'est au tour des grandes entreprises américaines de briller en Bourse, car il y a déjà longtemps que leur évaluation diminue.

Les multinationales américaines constituent aussi un excellent moyen de participer indirectement et à un risque moindre à l'industrialisation des pays émergents d'Asie et à la croissance de leur classe moyenne à long terme.

Les investisseurs qui veulent profiter de ce potentiel sans avoir à choisir des titres individuels peuvent faire appel au fonds négocié en Bourse qui calque l'indice américain S&P 500, Standard and Poor's 500 Depositary Receipts (Amex, SPY-A). Ceux qui désirent éliminer l'effet des changes sur le rendement de leurs actions américaines ont accès au fonds qui reproduit le S&P 500 tout en neutralisant l'effet des monnaies, iShares Cdn S&P 500 (Tor., XSP), administré par Barclays Investors Canada.

Les obligations d'entreprises attrayantes

MM. Delisle et Bourdon suggèrent aussi aux investisseurs avertis qui désirent compléter un portefeuille déjà bien diversifié d'examiner les obligations de qualité de grandes entreprises nord-américaines. Les écarts de rendement entre les obligations des entreprises et les obligations repères du gouvernement fédéral sont les plus prononcés depuis longtemps.

En récession, la valeur marchande des obligations d'entreprise baisse, tandis que leur rendement à l'échéance grimpe, parce que les investisseurs craignent que certaines entreprises ne versent plus leurs intérêts.

Pour illustrer la débandade qu'ont connue des obligations d'entreprises, l'obligation de Loblaw échéant en 2027 procure un rendement à l'échéance de 9 %, à son cours actuel. Par comparaison, les obligations de 30 ans du gouvernement fédéral procurent un rendement de 3,76 %, soit un écart de 5,3 points de pourcentage.

Puisqu'il est difficile d'évaluer le bilan financier de chaque entreprise, M. Delisle conseille aux intéressés de se tourner vers le fonds négocié en Bourse iShares CDN Corporate Bond Index (Tor., XCB), afin d'atténuer le risque associé aux obligations d'entreprises.

À la une

Bourse: nouveaux records pour le Dow Jones et le S&P 500 Ă  Wall Street

Mis à jour à 17:10 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto est en hausse et les marchés américains sont mitigés.

Ă€ surveiller: Microsoft, Apple et Dollarama

Que faire avec les titres de Microsoft, Apple et Dollarama? Voici quelques recommandations d’analystes.

Bourse: les gagnants et les perdants du 28 mars

Mis à jour il y a 26 minutes | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.